Le viol de l'imaginaire - Aminata Traoré

[Dieu]

La situation de l'Afrique au coeur de la mondialisation. La place de l'Occident face à ses "anciennes" colonies.

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[basti]

Imaginaire, idéologie, identité : rien que des concepts philosophiques occidentaux. Mais où est donc la philosophie africaine avec son vocabulaire et ses ressources conceptuelles originales?

Mme Traoré ne prend-elle pas le risque de fabriquer un gros cliché en présentant un Occident complètement fermé et insensible? (qui se boucherait les oreilles au son de la musique africaine? qui ne visiterait pas l'exposition "Africa remix"? Pourtant il y a un fil de discussion ici-même : http://www.et-alors.net/forum/ftopic65.php qui montre que cela éveille l'intéret.)

Samba Diallo le héros de l'Aventure ambiguë de Cheikh Amidou Kane (malien, lui aussi) dit :

Je ne suis pas un pays Diallobé distinct, face à un Occident distinct, et appréciant d'une tête froide ce que je peux lui apprendre et ce qu'il faut que je lui laisse en contrepartie. Je suis devenu les deux. Il n'y a pas une tête lucide entre deux termes d'un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de n'être pas deux

J'espère que c'est bien de cela que veut parler l'auteure quand elle parle d' « identité (...) dialogique ».

Rien que pour m'avoir donné envie de relire l'Aventure ambiguë, je te remercie pour ton article

[Dieu]

Imaginaire, idéologie, identité : rien que des concepts philosophiques occidentaux.

Si tu te bases sur mon résumé pour dire ça, sache que cela tient sans aucun doute à ma formation "nanterrienne". Mea culpa, j'ai sans doute de mauvais automatismes, le bouquin d'Aminata Traoré, s'il utilise ces concepts, ne le fait pas autant que moi.

Mais où est donc la philosophie africaine avec son vocabulaire et ses ressources conceptuelles originales?

En même temps, je pense que la mondialisation telle qu'on la vit actuellement est un phénomène qui provient de l'Occident, qui est construit et conceptualisé par lui. Dans ce cas, comment en parler donner un point de vue, sinon à partir (et je ne dis pas "en se contentant") de ses codes? (C'est comme si tu parlais de la musique malienne sans parler ni dire ce qu'est un balafon ou un n'goni). Effectivement, l'auteur utilise ces concepts, mais là où ça devient intéressant (et je te remercie de m'avoir fait cette remarque pour pouvoir te répondre que ça n'est pas si simple), c'est qu'elle se réapproprie complètement cette pensée de la mondialisation pour tenter d'en faire autre chose. Ce qu'elle livre dans son bouquin est emprunt à la fois de ces concepts que tu as soulignés, mais aussi de la pensée africaine dont tu parles. Ce livre renvoit sans arrêt sur telle ou telle tradition malienne et tel ou tel mode de pensée particulier.
Bref, pour donner un exemple, tu peux comparer ça à Rokia Traoré qui, dans son 3ème album utilise un quartet à corde. ca n'en reste pas moins SA compo, SON texte chanté dans SA langue. Elle prend comme outil un "moyen" occidental. Est-ce pour autant que cela devient de la musique occidentale???

Ca ne transparait certainement pas dans mon résumé parce que ça ne reste qu'un descriptif des thèses avancées (pas le choix... sinon ça aurait fait 10 pages que personne n'aurait eu le courage de lire), mais comme je te disais, de mon point vue, il y a aussi cette notion de réappropriation et de transformation en quelque chose d'autre finalement.

Mme Traoré ne prend-elle pas le risque de fabriquer un gros cliché en présentant un Occident complètement fermé et insensible?(qui se boucherait les oreilles au son de la musique africaine? qui ne visiterait pas l'exposition "Africa remix"? Pourtant il y a un fil de discussion ici-même : http://www.et-alors.net/forum/ftopic65.php qui montre que cela éveille l'intéret.)

Hum... quel risque? Je ne crois pas qu'il soit illogique de dire que l'Occident porte un regard biaisé et souvent condescendant sur l'Afrique d'une part sur sa culture artistique, mais aussi sur ses intellectuels.
Sur le premier point (artistique) effectivement ça s'arrange... encore que la plupart des gens pensent que Yannick Noah fait de la musique tribale . Plus sérieusement, j'ai eu la chance de faire tout mon secondaire à Mantes la Jolie où, en trainant mes guêtres parmi les tours, j'ai été amenée à croiser beaucoup de cultures (par la musique, la bouffe, etc.) dont la culture malienne que j'affectionne particulièrement. Je dis la chance parce qu'en parlant avec les gens j'ai souvent l'impression qu'ils portent un regard assez primitif et exotique sur l'art africain (c'est pas comme aller manger un plat de nouilles au chinois du coin, mais finalement, c'est pas loin). Même venant de gens intelligents, certainement à cause d'une problème de diffusion et d'occasions de le cotoyer de près qui ne se sont pas produites... Bref, essaye d'écouter des artistes africains en dehors de FIP ou des radios spécialisées... quasi impossible... Tu dis "qui ne visiterait pas l'exposition "Africa remix"?" et je te répondrai "quel regard portent la majorité des gens dessus?"
Pour ce qui est des intellectuels c'est assez catastrophique, si Aminata Traoré est connue par ceux qui s'intéressent aux écrits sur la mondialisation, des gens talentueux comme Cheikh Anta Diop ou Amadou Hampâté Bâ restent quasi inconnus (faut vraiment le vouloir pour connaître... Essaye de dire lors d'un dîner entre potes: "J'suis en train de lire "L'Afrique noire pré-coloniale" de Diop", je t'assure que tu seras le seul dans ce cas...).

Bref, Traoré ne dit finalement rien d'autre que ça: les cultures africaines sont méconnues, l'Afrique est infantilisée et on ne lui donne pas l'occasion de s'auto-gérer véritablement et la fin du colonialisme n'est pas si vraie que ça étant donné les incursions régulières des occidentaux dans la vie politique africaine. Je ne pense pas que ce soit caricatural ou choquant...

[basti]

Une anecdote à propos de Yannick Noah : c'est sur un plateau de télévision avec Disiz la Peste qui raconte comment a été conçu leur duo sur le thème métissage, et la diversité qu'ils expriment : « je suis métis franco-sénégalais, lui franco-camerounais, on représente deux générations, une jeune et une moins-jeune » et Yannick Noah, en bon renvoyeur de balle lui répond : « la génération moins-jeune, ça doit être la tienne ».

C'est le même Disiz la Peste qui dit quelque chose qui rejoint un peu ce que tu dis :

"Ce soir sur scène ce n'est pas très mélangé, je suis un peu le miraculé, le rap n'a pas sa place, je ne suis invité que parce que je fais le titre Métisse avec Yannick. Les autres chanteurs, je ne les connais pas, la plupart viennent parce que c'est un gros concert, l'Afrique, on s'en fout."

Propos tenus lors du concert "Live 8", début juillet au palais de Versailles
http://www.rfimusique.com/sitefr/articl ... _15540.asp