Que dire ... J'ai trouvé ce film juste bouleversant. Tellement bouleversant que je ne sais pas par quoi commencer.
Tout d'abord j'ai lu la BD il y a quelques semaines. Donc déjà, il ne faut pas aller voir le film dans l'optique de voir une adaptation fidèle du Bleu est une couleur chaude. Vous risqueriez d'être déçus. L'adolescence d'Adèle reprend la trame de la BD, mais concernant sa vie d'adulte, non c'est pas vraiment ça. La fin de la BD est dramatique, tandis que dans le film c'est plus ... réaliste. La fin d'une histoire, l'autre qui passe à autre chose, et toujours l'un des deux qui s'en remet moins bien.
Concernant l'actrice principale, Adèle Exarchopoulos, elle est extraordinaire. Sublimée par la caméra de Kechiche, sa manière de filmer lui donne toute sa profondeur, elle met en lumière son regard, nous fait sourire avec elle. On rit avec elle, on mange avec elle, on aime avec elle, on souffre avec elle, on partage sa vie pendant 3h, pendant 10 ans.
Léa Seydoux c'est un peu différent. Je n'avais aucun a priori sur elle avant de voir le film, à part sa sortie sur les lesbiennes à l'occasion de la promo de Grand Central

. Au final je trouve que le rôle lui va bien. Certes son jeu n'est pas époustouflant, mais avec Adèle ça fonctionne bien, celle-ci la tire vers le haut, et au final leurs scènes sont belles, on sent une complicité, une attirance qui transperce l'écran.
Les scènes de sexe : bon ben en fait je pense qu'il y a plusieurs lectures à avoir à ce niveau. Soit Kechiche a voulu choquer et faire le buzz. Soit il manque clairement une présence féminine sur le plateau pour expliquer qu'on sort pas la panoplie du kamasutra lesbien dès la 1ère fois. Soit enfin c'est un parti pris, et ces scènes intenses, longues, servent juste à montrer cette relation passionnelle qui s'est nouée entre Adèle qui découvre cette partie de sa sexualité, et Léa qui la connait déjà et la redécouvre sûrement. Il y a aussi cette volonté affichée de montrer la peau et les corps, tout le long du film. Personnellement, je n'ai pas été choquée. C'est vrai qu'au bout de 8 min pour la 1ère scène, je me suis demandée combien de temps ça allait encore durer. Mais au final c'est l'apprentissage du plaisir et du désir, et je pense que ça fait écho chez beaucoup de personnes. On n'a pas l'habitude de cette façon de filmer, si réaliste, si proche des actrices, et c'est pour ça qu'on est interpellé. S'il y avait de la musique pour atténuer les bruits et un montage, les réactions ne seraient pas les mêmes et pourtant c'est la même chose qu'on montre.
Plusieurs scènes du film sont magistrales, je pense à la scène de rupture et à celle des retrouvailles, qui est déchirante. Encore une fois, tout ça c'est tellement vrai, tellement réel. Le spectateur observe mais est aussi partie prenante du film puisque chaque déception, chaque souffrance d'Adèle, on les ressent (j'ai trouvé terrible la scène du repas entre amis chez Emma, avec ses potes bobos artistes, Adèle mise à l'écart, avec sa petite moue, dévouée, prévenante, qui commence à s'effacer).
Plus qu'une histoire d'amour, c'est l'histoire d'un bout de vie, une jeune fille qui passe à l'âge adulte, avec ses désillusions, ses déceptions, ses espoirs. Au-delà de ça il y aussi, comme cela a été dit, cette difficulté de s'aimer quand on vient de milieux sociaux différents. L'importance de l'éducation et de l'enseignement, comme toujours chez Kechiche. En cela les scènes de repas et les scènes où l'on voit Adèle enseigner sont très importantes aussi. Il y a peut-être parfois quelques clichés, mais au fond ça sonne vrai et on comprend tout de suite le message que le réalisateur veut faire passer.
C'est vrai, c'est la vie, ça se passe souvent comme ça, y'en a toujours un qui aime plus que l'autre, et pour qui le premier amour ne meurt jamais vraiment. Mais j'aurais aimé que Kechiche nous donne un peu de répit. Parce qu'on l'aime tellement cette Adèle, après avoir passé tant de temps avec elle, on aimerait la voir heureuse, avec ou sans Emma. Mais non, Kechiche nous laisse K.O, comme son personnage principal.
J'irai revoir ce film. Certaines images me hantent encore.
edit : je rajouterai ça que je viens d'entendre dans une vidéo du Monde sur le film : l'égalité de l'amour devant le malheur, c'est bien plus de ça dont il est question que d'une histoire d'amour entre lesbiennes. Et ça c'est bien, on oublie complètement l'orientation sexuelle, qui n'est qu'un détail.