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Dragons (de mes) deux.

Par zphyr, le

La première règle que l'on observe quand on aime le cinéma, c'est de ne JAMAIS aller voir un deuxième opus réalisé suite au succès d'un premier film original. Je ne vois guère que L'Exorcisme II de John Boorman qui fasse exception à la règle en dépassant le premier film (qui trainait suffisamment de boulets pour faciliter la tâche) ; et même les Alien II, Retour vers le futur II, Matrix II, s'ils sont de tenue correcte, n'égalent pas leur aîné.

Mais voilà, la vie vous fait parfois déroger aux règles élémentaires, et quand vous avez des enfants (pourtant ados) qui ont adoré (à juste titre) Dragons, vous vous fendez de la projection du 2. Et vous avez tout le loisir de vérifier la maxime énoncée en début de l'article !

Donc, si vous adorez les effets d'animation 3D quelques soient les inepties racontées, ce film est pour vous. Techniquement, rien à dire, le contrat est plus que rempli. Mais si vous avez l'incroyable prétention d'attendre d'un film qu'il développe un vrai scénario, une psychologie (voire une évolution, ha ! ha !) des personnages, et même un univers, passez votre chemin ! Ce film est un crash d'avion qui pourrait faire école (oui, j'essaie de dissuader toute autre tentative de suite foireuse tel le bourbier de La planète des singes qui pourtant, aurait dû alerter !). Voyons pourquoi.

Le problème principal des opus 2 Le Retour, c'est qu'il n'y a plus de découverte des personnages principaux, largement décrits dans le 1 si celui-ci n'est pas un bioptic de Jean-Claude Van Dame. C'est donc difficile de les rendre aussi intéressants (sauf en creusant les zones d'ombre, mais souvent, si elles sont restées dans l'ombre, c'est pour de bonnes raisons). Toutefois, on n'est pas obligé pour autant de les dynamiter, de les dissoudre dans les nuées (magnifiquement créées, cela dit). Harold, héros en but à sa différence psychologique, sa maladresse, et son père chef du village, évoluait très intelligemment dans le 1, en évitant les écueils de « Tu te réaliseras en écrasant les autres car tu es fils de chef ! ». Hélas ! Il est devenu ici un crétin écervelé qui rentre dans le rang. Il est vrai que la nouvelle norme du village, c'est son ancienne lutte de faire admettre la vie avec les dragons, et ça aide pas ! Post ado insipide, il voit sa relation avec Krokmou, son dragon estropié mais unique, s'abêtir, pour atteindre le degré infantilisant d'un Beethoven et autre Rintintin. Les personnages secondaires ne sont pas mieux lotis : les copains et l'amoureuse, tonitruants au début, disparaissent au cours du récit pour au mieux, faire de la figuration. Stoïk le père, s'en sort un peu mieux...

Puisqu'on a négligé les personnages principaux, que faire pour relancer un peu d'intérêt ? Créer de nouveaux personnages, bien sûr ! Et là on est consterné : un chasseur de Dragon va devenir acquis malgré lui à la cause. On pleure Hans Solo en voyant disparaître dans l'inexistant comme les autres, ce nouveau venu.

Attention spoiler : Une petite étincelle d'idée a fait ressurgir la mère d'Harold en éleveuse et veilleuse (bah oui, c'est quand-même une femme ! Vous ai-je dit que ce film était sexiste ?) de dragon. Elle a fait le choix ô combien douloureux de ne pas revenir au foyer après l'avoir quitté accidentellement. Ne rêvez pas ! Cette indépendance choquante (Houlà !) va très vite prendre fin : dès qu'elle retrouve mari et enfant, elle n'a plus qu'une idée en tête c'est de rentrer à la maison pour redevenir la boniche qui sommeillait en elle.

Et puis le postulat de départ est bien embarrassant : les dragons sont devenus gentils ! (syndrome de l'Age de Glace II, encore un ratage !) Qu'à cela ne tienne, créons un méchant très méchant qui veut détruire le monde parce qu'il a mal digéré sa dernière soupe au chou (c'est pas ça dans le film, mais c'est tout aussi stupide) qui aurait le pouvoir suprême de commander à tous les dragons en les faisant devenir méchant. Ben si. Même en CM1 les enfants créent des histoires plus sophistiquées.

Les combats, à l'image de cette affligeante dramaturgie sont binaires, à tel point que pour différentier les deux dragons Alpha lors de leur duel, les réalisateurs ont dû cercler de fer les défenses du méchant. Il ne leur est pas venu à l'esprit que l'Alpha pacifique pouvait être plus malin et esquiver les attaques frontales ou inciter son congénère à cesser. Mais ce n'est pas l'apanage des dragons d'échapper à toute stratégie, les héros se complaisent dans le primal. Harold a une idée : « Je dois parler au méchant et le convaincre de ne pas détruire le monde ! » La maîtresse des dragons quand Stoïk et Harold lui demandent si elle a un plan déclare très fier : « Il faut défendre Berk (leur village) ». C'est machiavélique.

Mais le plus grave dans ce bâclage à grande échelle, c'est le piétinement de ce qui faisait l'intérêt du Dragons 1 : l'éloge de la solidarité. Harold et Krokmou sont tous deux estropiés, solitaires, inconscients de leurs potentiels et de leurs pouvoirs. Ils sont amputés, diminués, mais à deux, ils deviennent très forts. Tout cela est balayé au profit d'Harold que le fidèle Krokmou est prié de sauver des vilains qui veulent le tuer, point barre. Ce Furie Nocturne dont on ne sait toujours rien parce que pas un scénariste (y en avait-il ?) n'a songé à creuser les origines de ce dragon étrange, sa personnalité, est donc cantonné à devenir un Pokémon qui peinerait à trouver ses cartes d'évolution ! Quant à Harold, une fois ses racines retrouvées (un papa, une maman, y'a pas mieux pour les enfants ! Les familles monoparentales apprécieront) perd toute identité décalée, toute singularité et donc toute intelligence.

Et puis c'est pas comme si Naruto et les innombrables Godzillas avait déblayé le terrain ! L'indigence créative nous fait donc quitter déçus, amers, mais plus encore, en colère contre ce massacre de tout ce qui était fin, nouveau et intelligent dans le premier film. À commencer par cette soudaine vision d'une société réac et machiste, et ça, définitivement ça ne passe pas !