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La gay pride d'Auxerre n'aura pas lieu

Par floridjan, le

Il est 15h05 lorsque nous arrivons en vue de la gare routière des migraines d'où est censée partir la gay pride et mis à part deux vendeurs de drapeaux poussant une cantinière chargée de ballons en forme de cœur rose, et une dizaine de lycéens bariolés, la place est vide. Nous sommes à moins de 30 minutes du départ officiel et le doute subsiste toujours : la gay pride d'Auxerre aura-t-elle lieu ? Un motard tout de cuir vêtu semble perplexe. Quelques vieux déboussolés se sont réfugiés à l'ombre des arbres ou sous un abri bus. Enfin, une voiture de police pointe sa carrosserie bleu blanc rouge au détour de la rue et nous avons l'espoir que quelque chose va se passer... Le FLAG serait-il dans la place ? Il est 15h30, le groupe s'est grossit de 20 personnes à peine et pas l'ombre d'un organisateur en vue...

Il faut dire que dès le début, rien n'était gagné pour cette première gay pride auxerroise. Parti d'une initiative de l'association Agir ensemble contre les discriminations 89, le projet s'est heurté d'emblée à une forte opposition de ce parti couleur bleu marine dont on nous rabat désormais les oreilles à chaque résultats électoraux. Le rainbow flag l'a emporté sur la flamme tricolore mais la route est demeurée périlleuse et semée d'embûches (normes de sécurité aléatoires, parcours du défilé sans cesse remis en question). En définitive, la date finale de l'évènement n'aura été rendu publique qu'à la mi-mai et il a fallu toute la ruse des internautes pour parvenir à découvrir l'heure et le lieu du rassemblement. Résultat : un terrain vague en périphérie du centre ville en guise de ligne de départ... Nous sommes loin du 14ème arrondissement parisien ou de la sympathique place des terreaux lyonnaise !

Et puis, pour ajouter à la confusion générale, ce coup de théâtre à quelques jours de l'évènement : la gay pride est annulée ! Par qui ? Pourquoi ? Plusieurs scénarios différents circulent : l'association LGBT en charge du défilé aurait elle-même préféré annuler faute de moyens techniques et humains, la municipalité auxerroise en serait à l'origine pour « des questions relevant de la sécurité publique sur le parcours choisi. » Ou encore le député UMP Guillaume Larrivé aurait fait pression sur la Préfecture pour stopper la machine, dans l'objectif « louable » et « courageux » de préserver les auxerrois d'une atteinte à l'ordre public ! Saint Philippe terrassant le dragon arc en ciel !

Consternation chez les militants bourguignons puis un sursaut d'espoir lorsque la veille surgit sur le net la rumeur que la gay pride a finalement été autorisée !

Et nous voici donc devant cette sordide gare routière, en ce samedi 23 juin 2012, sous un soleil de plomb, dans l'expectative, ceinturés par les voitures de police qui tournent autour de la place comme un vol de vautours. Pour un peu, il y aurait plus de flics que de gays et de lesbiennes ^^

Il est 16 heures lorsque la voiture des organisateurs surgit enfin à l'horizon. Elle aura donc finalement lieu, cette première gay pride d'Auxerre ! La municipalité, que les associations LGBT menaçaient de dénoncer comme homophobe, a remis le train multicolore sur les rails. Elles sont d'ailleurs quelques une à être venues : SOS homophobie, Bi Cause, David & Jonathan...

Et.alors.net est là aussi !!! Dignement représentée par deux de ses membres, que nous appellerons, afin de garantir leur anonymat, Sirocco et Yakari

Nous ne sommes pas nombreux, l'annonce de l'annulation ayant découragés pas mal de monde, mais l'ambiance est là, essentiellement portée par une poignée de lycéens et de lycéennes (gros pourcentage de femmes à cette gay pride^^) particulièrement motivés et enthousiastes. Les badauds s'avèrent bienveillants. Quelques insultes échangées, toutefois, par exemple un « vas te faire enculer »... d'une lesbienne à sa copine !^^ Cette sympathique scène de ménage nous accompagne durant tout le défilé...

Arrivée place de l'Arquebuse, on a soif, on a chaud, mais on reste prodigue en applaudissements pour saluer le discours final qui remercie toutes les associations de leur soutien, avec un aparté spécial pour Bi Cause : « les bisexuels ne sont pas des gens qui n'arrivent pas à faire un choix. Ce sont des bisexuels, point. On est bisexuels comme on est homosexuel et hétérosexuel ». Petit rappel aussi sur les difficultés des transsexuels : « les gays et les lesbiennes ne doivent pas oublier la cause des transsexuels dans leurs revendications. »

Réunis sous le dur soleil de cette place suffisamment à l'écart des rues commerçantes de la tranquille cité bourguignonne, nous ressentons cette impression d'être militants, comme l'avaient été les pionniers des revendications LGTB, ou plus justement en résonance avec leurs premiers défilés, loin des marées humaines, de la musique et des paillettes si souvent critiquées mais tellement rassurantes.

Si l'ambiance festive nous a manqué faute de participants et de moyens, nous partons cependant le cœur léger, avec la sensation d'avoir été utiles, là peut-être plus que dans les grandes villes, où la gay pride est entrée dans les mœurs.