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L'homophobie en Europe

Par tkf, le

Dans notre article précédent, nous présentions une carte des gayprides en Europe en 2009. Nous avions réalisé cette carte afin de montrer que les marches des fiertés provinciales françaises avaient beaucoup moins d’impact en termes de nombre et de fréquentation que les marches provinciales britanniques ou allemandes par exemple. Mais ce n’était pas le seul enseignement de cette carte : celle-ci montre en effet que les gayprides de l’Europe occidentale sont à la fois plus nombreuses et plus fréquentées que les gayprides de l’Europe centrale et orientale. En effet, déjà, dans cette partie de l’Europe, près de la moitié de ces pays n’ont pas ou plus de marche ; et pour les pays qui en ont, et bien, en général, il n’y en a qu’une, dans la capitale. Ensuite, la fréquentation de ces marches est très restreinte, dépassant rarement les 1.000 participants, ce qui est loin des centaines de milliers en Europe occidentale. Ainsi, il n’y avait par exemple que 250 manifestants à Saint-Pétersbourg en Russie, 300 manifestants à Bucarest en Roumanie et à Sofia en Bulgarie, 500 participants à Ljubljana en Slovénie, 800 manifestants à Zagreb en Bosnie-Herzégovine, et 1000 à Budapest en Hongrie ! Quand aux marches les plus fréquentées, les chiffres atteignent tout juste les 2.000 participants, tels à Athènes en Grèce et à Istanbul en Turquie. Enfin, cette carte nous apprend que des marches ont disparues ou n’ont pu être organisées ou ont été tout simplement annulées à cause de contestations homophobes virulentes. Ainsi, la marche organisée à Moscou le même jour que la finale de l’Eurovision a été réprimée par les forces policières qui ont arrêté les manifestants, sous l’ordre du maire ouvertement homophobe qui avait interdit la manifestation : la stratégie de fixer la date de la marche le même jour que le concours européen de la chanson pour profiter de la présence des caméras du monde entier et ainsi espérer la prudence de la répression politique avait ainsi échouée. De même, les marches de Chisinau en Moldavie et de Belgrade en Serbie ont du être annulée pour des questions de sécurité, de crainte que les contre-manifestations homophobes ne s’en prennent aux manifestants. D’autres manifestations auraient d’ailleurs pu être annulées cette année-là, comme en Hongrie, à Budapest, si les Etats n’avaient finalement consenti à assurer un fort encadrement policiers pour permettre d’assurer la sécurité des manifestants et ainsi éviter les agressions des années passées. Et pendant ce temps-là, dans la majorité des pays occidentaux, la seule pression était de savoir s’il allait faire beau ou s’il allait pleuvoir… Bon, j’exagère, il se posait aussi bien évidemment la nécessité d’obtenir un certain équilibre financier. Mais, bon, en comparaison, cela parait bien peu important.

Mais comment peut-on expliquer ces différences flagrantes entre l’Europe occidentale et l’Europe centrale et orientale ? Tout d’abord par l’histoire. Rappelez-vous nos articles précédents : nous disions que la date marquante dans l’histoire de l’homosexualité en politique fut l’année 1969, date à laquelle des homosexuels à New York se rebellèrent contre la police, événement connu sous le nom de révolte de Stonewall. Cette rébellion fut aussitôt célébrée par la suite chaque année, par l’organisation commémorative de gaypride pour revendiquer liberté et égalité. L’affirmation homosexuelle dans le monde politique a donc éclos en Europe occidentale dans la décennie 1970’. C’est justement dans cette décennie que les premières gayprides sont apparues et se sont multipliées en Europe occidentale, même si au départ la fréquentation restait confidentielle.

Mais tout ceci était exclu en Europe centrale et orientale, car c’était encore l’époque de la guerre froide et du rideau de fer : dans les démocraties populaires communistes, en fait de véritables dictatures, les homosexuels devaient forcément faire profil bas. L’effondrement du rideau de fer en 1989 permettra ainsi à ces pays d’atteindre la démocratie, et donc aux homosexuels de ces pays de commencer à penser à se rebeller pour réclamer liberté et égalité, mais ceci avec donc vingt ans de retard par rapport à l’ouest. Mais les choses ne prirent pas la même tournure. En effet, l’accession à la liberté pour les homosexuels ne s’acquerra pas dans la décennie 1990’ par la mobilisation des gays et des lesbiennes de ces pays, mais par la contrainte de Bruxelles, qui imposait aux pays l’application des règles communautaires, dont le respect des minorités, pour poser leurs candidatures à l’intégration à l’Union Européenne. Ce qui fut chose faite, la perspective d’intégrer cet eldorado démocratique et prospère devant ainsi mettre définitivement fin à l’influence moscovite et permettre la prospérité. Le problème, pour le coup, fut que cet acquis libertaire ne fut pas une construction nationale dans chacun de ces pays lié à un débat politique en constante évolution, mais à une imposition extérieure, laissant de côté tout avis de l’opinion publique qui n’était pas forcément consultée. Ainsi, par exemple, si en France les débats politiques, souvent houleux, sur la dépénalisation de l’homosexualité en 1981-1982 ou sur le PaCS en 1998-1999, ont permis de faire évoluer favorablement et progressivement les mentalités, rien de tels ne se passa ainsi à l’Est. Pour faire une analogie, c’est comme essayer d’imposer une démocratie en Irak ou en Afghanistan : si la révolution vient d’en haut, la population n’adhère pas forcément au projet ou aux valeurs ou aux fonctionnements de cette révolution.

C’est pour cela que les gays et les lesbiennes ont commencé à se mobiliser pour organiser des gayprides seulement dix à quinze ans après la chute du rideau de fer pour réclamer l’égalité et le respect. Ainsi, en dehors de Budapest en Hongrie qui organisa sa première gaypride en 1997, toutes les autres gayprides naquirent durant la décennie 2000’ : celles de Belgrade en Serbie, de Varsovie en Pologne et de Ljubljana en Slovénie apparurent en 2001, celle de Zagreb en Bosnie-Herzégovine en 2002, celles de Tallinn en Estonie et de Chisinau en Moldavie en 2004, celle de Moscou en 2006. Ces gayprides sont donc très récentes, ce qui explique leur fréquentation réduite. Le décalage est donc normal par rapport à l’ouest : rappelons que la marche parisienne ne faisait que 500 personnes en 1971, et 1000 en 1980 !

Ce décalage permet de mettre en évidence que l’histoire de l’évolution des mentalités sur l’homosexualité et l’homophobie n’est pas la même à l’ouest et à l’est de l’Europe. Ce qui provoque de grandes disparités entre les Etats européens sur ces questions. C’est ce que nous allons montrer en cartographiant et en analysant quelques résultats de sondages organisés par l’Union Européenne sur les discriminations. L’avantage de ces sondages Eurobaromètre est qu’ils permettent une comparaison facile entre les différents pays de l’Union Européenne pour faire un état des lieux sur les discriminations.

Ainsi, selon un sondage Eurobaromètre en 2008, si le nombre de participants aux gayprides est très faible à l’est, c’est tout simplement parce que la majorité des gays et des lesbiennes de ces pays vivent cachés. Ainsi, en 2008, seulement 32 % des habitants de l’Union Européenne connaissaient au moins un homosexuel dans leur entourage. Mais ce chiffre n’est qu’une moyenne : en effet, que de différences entre la situation à l’ouest, où plus de la moitié des Français, des Belges, des Britanniques, des Danois et des Suédois, et plus des deux tiers des Néerlandais, connaissent au moins un homosexuel, et la situation à l’est, où moins d’une personne sur dix est dans la même situation, comme en Lettonie, en Pologne, en Bulgarie, en Lituanie, en Hongrie, le pire étant atteint en Roumanie, où seuls 3 % des sondés ont déclaré connaitre au moins un homosexuel ! Il est évident que ces différences de chiffres ne correspondent pas à des différences de proportion des homosexuels selon les pays, mais s’expliquent plutôt par le fait qu’ils vivent encore dans le placard. Et vu l’homophobie dans ces pays, on peut le comprendre…

Nous avions déjà constaté selon un sondage Pew Global en 2002 au niveau mondial (même si tous les pays du monde n’était pas sondés, car il se concentrait sur les pays les plus peuplés de chaque zone régionale du monde) que l’homosexualité était massivement rejetée en Europe orientale (64 % des Russes et 69 % des Ukrainiens déclaraient que l’homosexualité devait être rejetée ) et fortement rejetée dans pas mal de pays de l’Europe centrale, comme en Pologne et en Bulgarie (respectivement 41 et 38 % de personnes déclarant qu’il fallait rejeter l’homosexualité). Les populations des pays les plus occidentalisés se montraient plus cléments, avec uniquement 16 % de Tchèques et 29 % de Slovaques déclarant qu’ils rejetaient l’homosexualité. D’ailleurs les Tchèques s’alignaient sur les Européens occidentaux : leurs déclarations étaient équivalentes à celles des Français, et étaient plus tolérantes que celles des Italiens ou des Britanniques.

Cette intolérance homophobe se traduit dans l’opinion publique par un grand malaise à l’égard des homosexuels.

Ainsi, toujours selon ce sondage Eurobaromètre 2008 sur les discriminations, 61 % des Européens se sentiraient à l’aise d’avoir un voisin homosexuel, contre seulement 11 % qui se déclareraient mal à l’aise face à cette situation. Mais là encore, ces moyennes cachent de profondes disparités est-ouest. Ainsi, ils sont 9 habitants sur 10 à se déclarer à l’aise à l’idée d’avoir un voisin homosexuel aux Pays-Bas ou en Suède, et 8 sur 10 au Danemark, en Belgique, en France et au Royaume-Uni, ce qui prouve que l’homosexualité dérange finalement assez peu les habitants de ces pays occidentaux. A l’inverse, à l’autre extrême, quasiment un habitant sur quatre se déclarait mal à l’aise à l’idée d’avoir un voisin homosexuel en Hongrie, en Bulgarie et en Lettonie, et presque un habitant sur trois en Lituanie et en Roumanie ! Face à une telle hostilité, il n’est guère étonnant que des homosexuels de ces pays préfèrent vivre discrètement.

Cette hostilité se traduit aussi en politique. Ainsi, 50 % des habitants de l’Union Européenne se déclaraient en 2008 à l’aise à l’idée qu’un homosexuel soit élu au plus haut poste politique du pays, contre 18 % se déclarant mal à l’aise. Là encore, le décalage ouest/est est flagrant. Ainsi, 8 habitants sur dix se déclaraient à l’aise de voir élu un homosexuel au plus haut poste de l’Etat en Suède, aux Pays-Bas et au Danemark, et 7 habitants sur dix en France et en Belgique, ce qui montre la relative faiblesse des préjugés entre homosexualité et compétences en politique en Europe occidentale. A l’inverse, 1 habitant sur 3 en Estonie, en Hongrie et en Grèce, quasiment 1 habitant sur 2 en Bulgarie, en Lettonie, en Roumanie et en Lituanie, et surtout 2 habitants sur 3 à Chypre, se déclaraient mal à l’aise à cette idée. Les préjugés et la volonté de ne pas voir d’homosexuels ont la vie dure…

Bien évidemment, c’est donc bien dans ces pays de l’Europe centrale et orientale que les populations sont les plus hostiles à l’accession à l’égalité des droits des homosexuels.

Ainsi, seulement 44 % des habitants de l’Union Européenne se déclaraient favorable au mariage pour les couples homosexuels en 2006, et 49 % y étaient opposés. Mais cette opinion publique n’a rien de comparable entre l’ouest et l’est. Par exemple, aux Pays-Bas où 8 habitants sur 10 s’y déclarent favorable, où en Suède et au Danemark avec une proportion de 7 habitants sur 10. A l’inverse, Ils sont plus de 8 sur 10 à s’y opposer en Grèce, à Chypre et en Lettonie, et plus de 7 sur 10 en Pologne, en Lituanie, en Slovaquie, en Hongrie, en Roumanie, à Malte et en Estonie. La France se situait un peu au dessus de la moyenne, à 48 %.

De même, seulement 32 % des habitants de l’Union Européenne se déclaraient favorable à l’adoption d’enfants par des couples homosexuels en 2006, contre 61 % qui s’y opposent. Mais les habitants de l’Est de l’Europe y sont beaucoup plus opposés que la moyenne, puisqu’entre 8 et 9 habitants sur 10 s’y opposaient en Estonie, en Slovénie, en Hongrie, en Slovaquie, en Roumanie, en Lituanie, à Malte, à Chypre, en Pologne, en Grèce et en Lettonie. A l’inverse, les habitants de l’ouest se montrent plus favorable que la moyenne, jusqu’à un habitant sur trois aux Pays-Bas et un habitant sur deux en Suède. La France se situait vers la moyenne, à 35 % d’opinions favorables.

Cette succession de sondages et de cartes permet ainsi de constater que l’homophobie est beaucoup plus présente en Europe centrale et orientale. Reste à le chiffrer. Pour cela, nous allons reprendre notre approche méthodologique fait pour la France dans nos articles précédents pour évaluer l’homophobie. Nous avions conclu qu’il existait divers degrés d’acceptation de l’homosexualité, et nous les avions classés en sept catégories : le rejet et la répulsion, l’incompréhension, la tolérance, la reconnaissance, l’acceptation, l’intégration et l’homophilie. On pouvait chiffrer ces catégories au sein de la population en recoupant différents sondages disponibles.

Alors, certes, nous n’avons pas à disposition les mêmes sondages que pour notre étude sur la France, ni même forcément les mêmes résultats à des sondages se ressemblant dans la formulation de la question (mais on sait qu’un simple changement de formulation conduit à des écarts sensibles de résultats), mais à notre sens, l’approche reste valable, car il existe malgré tout une progression des opinions de la plus intolérante à la plus progressiste.

Comme nous ne disposons pas assez de sondages pour faire une tentative de chiffrage relativement fin, nous allons comme en conclusion de notre étude sur l’homophobie en France nous concentrer sur trois catégories : les homophobes, les personnes sur la réserve, et les gay friendly.

La première catégorie, celle des homophobes donc, regroupent ceux qui se sentent à différents degrés mal à l’aise face à l’homosexualité, au point de ne pas être à l’aise à l’idée d’être proche d’un homosexuel, et encore moins d’en avoir un dans sa famille. Le meilleur sondage pour chiffrer ce seuil de proportions d’homophobes dans une société est assurément celui demandant aux sondés leur sentiment à l’idée d’avoir un voisin homosexuel : le chiffre utilisable pour délimiter ce seuil serait la proportion de personnes répondant qu’ils se sentiraient mal à l’aise d’avoir un voisin homosexuel. Cette catégorie regroupe donc les niveaux de rejet et de répulsion, d’incompréhension et de tolérance de notre échelle.

La troisième catégorie, celle des gay friendly, regroupe ceux qui reconnaissent aux homosexuels la liberté d’être ce qu’ils sont et l’égalité de traitement qui convient à tout citoyen quelque soit ces différences. le meilleur sondage pour chiffrer ce seuil de gay friendly dans une société est assurément à l’heure actuelle celui demandant aux sondés leur opinion sur le mariage des couples homosexuels : le chiffre utilisable pour délimiter ce seuil serait la proportion de personnes répondant qu’ils sont d’accord avec l’idée que puisse exister le mariage pour les couples homosexuels. Cette catégorie regroupe donc les niveaux d’intégration et d’homophilie de notre échelle.

Enfin, la seconde catégorie (que nous calculons donc en dernier), regroupe ceux qui reconnaissent aux homosexuels la liberté d’être ce qu’ils sont, tout en considérant que leur différence en font des citoyens pas comme les autres, justifiant qu’ils n’aient pas les mêmes droits que les autres citoyens. Cette catégorie regroupe donc les niveaux de reconnaissance et d’acceptation de l’homosexualité sur notre échelle. La façon la plus simple de la calculer est de retrancher les pourcentages d’homophobes et de gay-friendly précédemment calculés au nombre 100, puisque l’addition des trois catégories doit donner 100 %.

Cela donne les résultats du graphique ci-dessous.

Ainsi, en moyenne, il y a dans l’Union Européenne 29 % d’homophobes, 28 % de personnes sur la réserve et 43 % de gay-friendly. Mais les disparités sont fortes entre les pays. Le graphique à barres ci-dessus permet de classer aisément par ordre décroissant la proportion d’homophobes par pays dans l’Union Européenne. Toutefois, il ne permet pas sur le même graphique de classer en même temps dans un ordre croissant les pays gay-friendly, car la proportion très variable de personnes sur la réserve perturbe ce classement. Mieux vaut donc réaliser un graphique triangulaire afin de classer les pays à partir des trois données. Cela donne le résultat suivant, que l’on peut traduire en carte.

Comme on le voit, les pays les plus homophobes se situent en Europe centrale et orientale, sans oublier l’Europe méditerranéenne. Mention spéciale pour l’Italie. A l’inverse, les pays les plus gay-friendly se situent en Europe occidentale. Et dire que les gays et les lesbiennes français se plaignent constamment de leur situation : lorsqu’on regarde ce qui se passe à quelques milliers de kilomètres seulement, il y a de quoi franchement relativiser, car si les Français ne sont pas les plus gay-friendly d’Europe, ils sont loin d’être les plus homophobes non plus. Mais après tout, c’est dans la nature des Français de se plaindre constamment, non ? Ne sont-ils pas d’éternels râleurs ? C’est leur réputation à l’international après tout. Quoique… Ont-ils réellement tort de se plaindre ? C’est ce que nous allons vérifier…

Un autre sondage Eurobaromètre demandait aux Européens si les discriminations basées sur l’orientation sexuelle étaient répandues ou non dans leur pays. Le résultat du sondage en lui-même n’est pas forcément intéressant car les réponses demandées se basent sur énormément de subjectivité, ce qui explique pourquoi les populations de nombre de pays de l’Europe centrale et orientale, pourtant homophobes, n’évaluent que faiblement les discriminations se basant sur l’orientation sexuelle (mais c’est presque normal, on l’a dit : les gays et les lesbiennes de ces pays se cachent !). On remarquera quand même que la France se distingue, puisque les Français sont 61 % à considérer que ce type de discrimination est répandue dans leur pays, classant hélas ainsi le pays en troisième position après Chypre et la Grèce et à égalité avec l’Italie. La France est donc ressentie comme le pays où existe le plus de discriminations basées sur l’orientation sexuelle parmi les pays les plus gay-friendly en Europe. Rien que cela n’est pas bon signe. Ceci explique ainsi pourquoi les Français sont parmi les premiers en Europe à déclarer qu’il doit être difficile pour un homosexuel de faire état de son orientation sexuelle sur son lieu de travail, au même titre que de nombreux pays méditerranéens.

Mais ce qui va nous intéresser surtout, c’est l’évolution de la perception des discriminations basées sur l’orientation sexuelle. En faisant la comparaison entre les réponses données par les Européens en 2007 et en 2009, on constate qu’en moyenne cette perception de l’homophobie est en diminution, en recul de 3 points, passant de 50 à 47 % de réponses disant que les discriminations homophobes étaient répandues dans leur pays. Mais cette moyenne masque des fortes disparités entre les pays européens. Ainsi, on remarque que la perception du fait que les discriminations homophobes sont répandues est en nette diminution en Européen méditerranéenne, centrale et orientale, c'est-à-dire là où l’homophobie est la plus répandue. Ainsi, on observe une baisse de 14 points en Slovénie, de 12 points en Italie, de 9 points au Portugal, de 8 points en République Tchèque, de 6 points en Lituanie et en Slovaquie, de 4 points en Grèce, et de 3 points en Roumanie. Seules font exception l’Estonie et la Roumanie (+ 2 points), et surtout la Hongrie et la Lettonie, où cette perception s’accroit fortement de 8 points. En dehors de ces deux cas préoccupants, l’évolution est tout de même globalement encourageante, rattrapant le constat négatif que nous faisions des pays de cette région.

Parmi les pays gay-friendly, par contre, les évolutions sont assez divergentes. Si la perception que les discriminations homophobes sont répandues semble reculer au Royaume-Uni (- 8 points), en Suède (- 6 points), en Espagne (- 5 points), en Belgique (- 4 points), elle augmente par contre au Luxembourg (+ 3 points), en France et aux Pays-Bas (+ 4 points), en Allemagne (+ 5 points) et au Danemark (+ 11 points) ! Cette augmentation pourrait s’expliquer à la fois par une meilleure sensibilisation aux discriminations homophobes, une plus grande médiatisation de crimes homophobes (notamment aux Pays-Bas), et donc par ricochet par une radicalisation de l’homophobie devenue minoritaire mais plus virulente et donc visible et ostensible. Reste à expliquer cette radicalisation. Je lance l’hypothèse que ces pays, où la perception que les discriminations homophobes sont répandues est en augmentation, pourrait avoir comme point commun une stagnation des progrès des droits vers l’égalité pour les homosexuels, suite à une absence de débats politiques récents sur le sujet. Après tout, en France par exemple, le débat sur le PaCS qui a fait fortement évoluer les mentalités des Français date d’une bonne décennie, et depuis, plus rien… A l’inverse des pays qui ont connu des débats relativement récents comme l’Espagne, le Royaume-Uni, la Belgique ou la Suède, sur le mariage gay notamment, voient la perception de l’homophobie décroitre. Mais cela n’est qu’une hypothèse à vérifier.

L’analyse de la perception de l’évolution des discriminations homophobes sur une durée de cinq années ne nous permet pas de rajouter des éléments d’explications, seulement de conforter la vision que les Français considèrent bien plus que la moyenne des Européens que les discriminations homophobes sont plus répandues (37 % en 2007 et 36 % en 2009) mais que cela a peu évolué. Il est donc finalement possibles que les gays et les lesbiennes français n’exagèrent ainsi pas tant que cela lorsqu’ils se plaignent de ce qui se passe dans leur pays…

Conclusion :

L’histoire de l’homophobie et de la transition des mentalités vers l’acceptation de l’homosexualité a été divergente en Europe suite à la Guerre Froide, ce qui explique le décalage géographique aujourd’hui entre l’Europe occidentale, plus libérale, et l’Europe centrale et orientale, plus homophobe. Toutefois, depuis la chute du Rideau de fer et l’élargissement de la construction européenne, les populations des pays de l’Europe centrale et orientale et méditerranéenne effectuent un rattrapage progressif de l’Occident dans l’acceptation de l’homosexualité. Par contre, l’Europe occidentale doit aussi poursuivre ses efforts pour lutter contre ce qui semble être une radicalisation de la frange de sa population restée homophobe. L’école doit y jouer un rôle, nous en parlerons dans notre prochain article.

Bibliographie :

les rapports Eurobaromètre (format PDF) :

Eurobaromètre standard 66 (décembre 2006)

http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb66/eb66_highlights_fr.pdf (lien mort)

Eurobaromètre spécial 263 – La discrimination dans l’UE (janvier 2007)

Eurobaromètre spécial 296 – La discrimination dans l’UE (juillet 2008)

Eurobaromètre spécial 317 – La discrimination dans l’EU (novembre 2009)

les sondages (question, sources, numéro de la question) :

* Pour chacun des types de discrimination suivants, dites-moi si, selon vous, il s’agit de quelque chose de très répandu, assez répandu, plutôt rare ou très rare en (NOTRE PAYS). Des discriminations sur base … de l’orientation sexuelle.

résultats 2007 : Eurobaromètre spécial 263 – La discrimination dans l’UE (janvier 2007) - question QA1.3

résultats 2008 : Eurobaromètre spécial 296 – La discrimination dans l’UE (juillet 2008) – question QA1.3

résultats 2009 : Eurobaromètre spécial 317 – La discrimination dans l’UE (novembre 2009) – question QE1.3

* Et diriez-vous que, par rapport à il y a 5 ans, les discriminations suivantes sont plus répandues ou moins répandues en (NOTRE PAYS) ? Des discriminations sur base… de l’orientation sexuelle (par exemple être homosexuel ou lesbienne).

résultats 2007 : Eurobaromètre spécial 263 – La discrimination dans l’UE (janvier 2007) – question QA2.3

résultats 2008 : Eurobaromètre spécial 296 – La discrimination dans l’UE (juillet 2008) – question QA2.3

résultats 2009 : Eurobaromètre spécial 317 – La discrimination dans l’UE (novembre 2009) – question QE2.3

* Pour chacune des situations suivantes, pourriez-vous me dire sur une échelle de 1 à 10, comment vous la ressentiriez personnellement. Sur cette échelle, ‘1’ signifie que vous seriez « très mal à l’aise » et ‘10’ que vous seriez « tout à fait à l’aise » face à cette situation. Comment ressentiriez-vous … que votre voisin/voisine soit une personne homosexuelle (homme homosexuel ou femme lesbienne) ?

résultats 2008 : Eurobaromètre spécial 296 – La discrimination dans l’UE (juillet 2008) – question QA6.3

* Et sur une échelle de 1 à 10, pourriez-vous me dire ce que vous ressentiriez si une personne appartenant à chacune des catégories suivantes était élue au plus haut poste politique en (NOTRE PAS). Un homosexuel (un homme homosexuel ou une femme homosexuelle).

résultats 2008 : Eurobaromètre spécial 296 – La discrimination dans l’UE (juillet 2008) – question QA8.2

résultats 2009 : Eurobaromètre spécial 317 – la discrimination dans l’UE (novembre 2009) – question QE6.2

* Avez-vous des amis ou des relations … homosexuel(le)s ?

résultats 2007 : Eurobaromètre spécial 263 – La discrimination dans l’UE (janvier 2007) – question D47.3

résultats 2008 : Eurobaromètre spécial 296 – La discrimination dans l’UE (juillet 2008) – question D47.3

résultats 2009 : Eurobaromètre spécial 317 – La discrimination dans l’UE (novembre 2009) – question QE16.3

* Et pour chacune des affirmations suivantes, dites-moi si vous êtes personnellement tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord ou pas d’accord du tout avec elle. Proposition : Il est difficile pour une personne homosexuelle de faire état de son orientation sexuelle sur son lieu de travail.

résultats 2007 : Eurobaromètre spécial 263 – La discrimination dans l’UE (janvier 2007) – question QA4.4

* Pour chacune des propositions suivantes, pourriez-vous me dire si vous êtes tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord ou pas d’accord du tout ? Proposition : Les mariages homosexuels devraient être autorisés en Europe.

résultats 2006 : Eurobaromètre standard 66 (décembre 2006) – question QA47.11

* Pour chacune des propositions suivantes, pourriez-vous me dire si vous êtes tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord, pas du tout d’accord ? Proposition : L’adoption d’enfants devrait être autorisée pour les couples homosexuels en Europe.

résultats 2006 : Eurobaromètre standard 66 (décembre 2006) – question QA47.12