
De la marginalité.
Par zphyr, le
J’aime à me définir comme « altersexuel ». J’aime ce mot parce qu’il ne m’enferme pas dans une communauté fictive à la manière des quatre initiales LGTB (Lesbienne Gay Transsexuel(le) Bisexuel(le)) qui pour vouloir réunir des gens discriminés à cause de leur différence d’identité de genre ou de sexualité, n’en est pas moins une sous-entreprise de cantonnement. En effet, il ne nous reste plus qu’à choisir laquelle des lettres nous caractérise, sans en interroger le fondement. Alter, c’est autre, et c’est une notion floue et évolutive à laquelle je ne peux que m’identifier vu mon long passé hétéro. Être autre, c’est juste ne pas être pareil, et c’est aussi rappeler que la différence fait l’homme. C’est ne pas être dans la norme.
D’anormal à non-normatif, l’histoire des discriminations homosexuelles et transsexuelles en décrit le glissement : nous sommes passés des maladies psychiatriques à des bizarreries, des originalités que la société doit tant bien que mal intégrer en portant un regard méfiant, curieux et quelquefois envieux.
La tentation de faire d’une différence minime, une identité générale assigne les homos et les trans à une marginalité bien rassurante : être extravagant, avoir une sexualité et des mœurs libérées parce que non prévues par les dogmes sociaux sont autant d’étiquettes que permettent d’accentuer cette différence au point de pouvoir considérer l’altersexuel comme un étranger, voire plus. Car le plus grand problème de l’homophobe c’est que notre différence ne se voit pas ! Que l’on nous préfèrerait de couleur, ou à défaut drag-queen, bref visibles. Et cette visibilité, on l’invente et on nous l’impose. C’est bien connu, les homos « ont le sens de la fête et de la fringue » !
Mais voilà que vu de l’autre bord, de la « communauté », cette marginalité est revendiquée ! Au motif qu’il fallait bien montrer, crier notre existence dans des sociétés la déniant, que pour faire valoir son droit de vivre et d’être respecté, il fallait défiler dans les rues ; et, tant qu’à faire, de manière festive. Rassurer l’hétéro et l’engager à nous accepter et pourquoi pas, lui donner envie de se mêler « à ces gens ».
Et puis exister.
Oui la caricature nous a servi et nous l’avons exploité jusqu’à l’âme (bien obligés), mais nous voici arrivés au retour de bâton, à la perversion d’un tel procédé : l’homo, le trans, est et restera marginal !
C’est pourquoi il ne peut être parent (même s’il l’est déjà !). Parce que s’il devient si peu différent de l’hétéro-normé, ce sont tout un tas de dogmes moraux et de pratiques amoureuses et sexuelles qui sont remis en cause. « Quoi ? Il y a si peu de différences qui me séparent de cet étrange homosexuel ? Quoi ? Ces trans sont des êtres humains comme les autres, même pas malades ? Aussi stupides, géniaux, grands ou misérables que tout à chacun ? Je préfère qu’ils envahissent le Marais Parisien plutôt que de les voir s’immiscer dans mon quotidien ! »
Est-ce pour cette raison que beaucoup de gens comme moi, homosexuel, cherchent à vivre sans se démarquer une vie familiale allant jusqu’au mariage ? C’est aussi un danger : celui de mimétiser les gens qu’on voudrait apprivoiser.
Alors j’aime à brouiller les cartes. J’aime me présenter gay et père de famille, en couple fidèle ne dédaignant pas bars gays et backrooms, néo-rural outé… Valse des étiquettes et des cases ! Je ne suis ni « hors-milieu » ni dedans, je vis ma vie comme je pense qu’elle m’épanouit, sans qu’elle me transforme en bête de foire. Et je crois que ce que nous pouvons apporter à la société des hommes, nous les « alters » c’est cette liberté d’être soi, différent, forcément différent des autres, mais tellement proche et faisant partie de l’humanité. Oui, j’aime à croire que nous pouvons aider les hétéros à briser leurs carcans moraux de sorte que chacun puisse s’épanouir suivant son être et avec les autres.