Chapitre 25 - L'art de demeurer coi devant la beauté à l'état pur
Ce matin, j'ai pris le métro avec Madame chef-de-service-de-Floridjan pour une ennuyeuse réunion avec un directeur d'école. A l'intérieur de la rame, on avise deux places l'une à coté de l'autre sur lesquelles on s'assoit. Là, je lève vaguement mon regard morne en direction de la personne assise en face de moi et je tombe en arrêt, tel un épagneul devant un perdreau. Le garçon qui me fait face est absolument sublime ! Déjà, il est habillé de manière très classe, costume noir chic mais sans la cravate, avec les 3 boutons du haut de la chemise déboutonnés, le coté habillé et en même temps déshabillé. Une peau rasée de près irréprochable. Coupe de cheveux parfaite. La mine un peu boudeuse comme je l'aime. Et puis, pour achever le tout, des yeux bleus devant lesquels je suis incapable de me retenir de répandre ma salive partout sur le sol.
Tout de même, un petit air de dédain, un peu méprisant, le genre "je me sais beau et je l'assume", qui termine de lui conférer un statut de jeune dieu inaccessible.
Qu'importe, je suis complètement en extase et je ne peux pas m'empêcher de le matter sauvagement, à la dérobée...
A coté de moi, Madame chef-de-service-de-Floridjan jacasse et jacasse et jacasse sans arrêt de trucs complètement sans importance, par exemple des trucs de boulot ! J'écoute vaguement, 99% de mon attention restant focalisés sur le jeune éphèbe made in
Dolce Gabbana dont le regard me survole inexorablement pour se perdre dans un lointain où je n'ai pas ma place.
Tout de même, la conversation incessante de Madame chef-de-service-de-Floridjan me pollue les oreilles de façon insupportable. Pire : elle distrait les 1% restant de mon attention qui aurait pu être consacré à l'objet de mes désirs inacessibles, et ça je ne peux l'endurer une seconde de plus. Je me retourne poliment vers elle et je lui dis :
- Mais tu vas la fermer ta grande gueule ? Tu ne vois pas qu'assis à moins d'un mètre de nous y a un mec absolument céleste comme on n'a que trop peu souvent l'occasion d'en matter aussi tranquillement ! Tu peux pas profiter de la chance offerte par le Ciel ? Parce que, merde, tu es hétéro à ce que je sache ! Tu as beau être vieille et pas très belle et carrément chiante avec ta voix de crécelle qui insupporte tout le monde au bureau, tu n'en restes pas moins potentiellement sensible à la beauté d'un jeune mec hyper baisable, abominablement canon, à te faire exploser les mirettes et battre le coeur à 100 à l'heure ! Si tu t'arrêtais un moment de bavasser, tu verrais que j'ai les mains moites, de la bave qui coule de ma bouche et que j'écoute que dalle de ce que tu racontes.
Alors si tu es trop conne pour savourer l'instant, please laisse moi vivre de mon coté ce bonheur avec toute l'intensité que ce moment de béatitude absolue requiert.
En d'autre terme : tu la boucles !
Bon, il y a certains fantasmes qui ne se réaliseront jamais. Et quelque part, c'est un bienfait que des gens comme Madame chef-de-service-de-Floridjan nous ramènent à la réalité de la banalité quotidienne.
Parce que, quand même, en contemplant cette jeune splendeur de la nature civilisée du 21ème siècle, impossible de faire taire cette petit voix au fond de ma tête (que même les vociférations de Madame chef-de-service-de-Floridjan ne parvenaient pas à couvrir) qu'à coté de lui, quelque part, j'étais un peu un gros thon, avec mon teint blanchâtre et souffreteux, mes énormes cernes noires sous les yeux, mes putains de cheveux que je souhaiterais tellement naturellement ébourrifés et qui retombent toujours pour me faire un casque autour du visage, et mon pantalon fripé, mon col de polo pas bien repassé, mon petit bide au ventre, mon visage tout chiffonné de fatigue... Rien de pire qu'une beauté trop parfaite pour vous renvoyer en pleine tronche vos propres imperfections.
Ah la la, pourquoi aime t-on tellement contempler ce qui nous fait du mal ???
