La prochaine fois je n'irai pas au cinéma

Pour eux.
BenBix
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Re: La prochaine fois je n'irai pas au cinéma

Message par BenBix »

Je n'ai pas lu tout ce qui a été dit précédemment, alors désolé si ce que je dis fait un peu trop redite.

JQuinn, il y a plusieurs choses dans ton post. ton homosexualité, tes cours, ton entourage familial... j'imagine que ça doit être tendu avec un père qui a de tels soucis de santé, et tu dois avoir le sentiment que tu dois encore plus rester dans l'ombre pour ne pas "accabler" encore plus ta famille avec un coming-out (ceci est une supposition). ta prépa est bientôt finie, ça c'est positif. pour ce qui est d'être gay, tu dis que le problème n'est pas l'acceptation, mais plutôt de le vivre. alors déjà, tu as 19 ans, donc pas de panique hein :) s'accepter comme on est constitue déjà un gros travail sur soi, et tu peux déjà être content d'être arrivé au bout de cette étape (plus ou moins longue selon les gens, mais toujours nécessaire pour aller plus loin). maintenant, tu vas intégrer une école et tu devrais y trouver (je te le souhaite) un environnement très ouvert, gay-friendly, où tu pourras t'épanouir, puis sortir pour rencontrer d'autres gay... ce qui participera à rompre l'isolement qui te fait souffrir en ce moment. tes belles années arrivent JQuinn, accroche-toi...
JQuinn
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Re: La prochaine fois je n'irai pas au cinéma

Message par JQuinn »

Bonsoir à tous!

Merci tout d'abord pour votre soutien. La fin de l'année approche, ouf! La lumière au bout du tunnel.

Ce soir je suis à nouveau déprimé et je reviens vers vous. C'est un peu égoïste de ma part de ne venir ici que pour ça, je m'en excuse, je tâcherai d'apporter une contribution plus constructive à ce forum d'ici quelques temps.

Mes vingt ans approchent et je me sens déjà vieux. Tous mes amis ont leur copine et toutes mes copines ont leur copain. Moi je ne sais pas ce que je fais, j'attends que le temps passe, je ne cherche personne et personne ne vient à moi. Les parents, que dis-je, la famille attend toujours de voir débarquer LA fille qui me rendra heureux et les soulagera eux de toutes les questions fâcheuses me concernant. Le temps passe et je sens comme une jolie pression sur mes épaules que je me sens capable de supporter un jour sur deux.

La prépa se termine, le chemin vers une école d'ingé dans une belle ville remplie d'étudiants semble tracé, et bientôt je n'aurai plus le prétexte imparable, le manque de temps pour sortir, pour justifier mon célibat. Et évidemment, le coming-out aux parents approche, et j'ai pas envie de le faire. Pas que je n'ai pas le courage, je pense que j'en serais capable; mais j'en ai marre d'avoir cette sensation de devoir aux autres à tout instant et de me justifier sur mes sentiments.

C'est assez drôle, puisque j'ai toujours été très conformiste. Toujours à faire ce que l'on attendait de moi, ne jamais risquer gros, ne jamais dépasser les limites. Au lycée, je me disais "Ah ces jeunes qui s'embrassent dans les couloirs, ils feraient mieux de se concentrer sur leurs études, ils auront tout le temps pour batifoler plus tard". A présent je me dis qu'ils avaient bien raison de profiter et je me sens bien con le soir dans ma chambre, seul à presque 20 ans, ne m'étant jamais donné les moyens d'être heureux.

Pire, je me projette sur l'avenir et je sens que ma vie va être merdique. Je vois déjà différents styles de vie possibles: la sortie dans les bars gays quotidienne, tirer des coups à tout va, youpi, ou une vie plus sérieuse, plus concentrée, un copain à la fois (ou pas du tout). Je ne parle même pas de la question d'avoir un enfant, qui me déprime on ne peut plus. Moi, futur ingénieur, trop cool. Ma vie se résumera-t-elle à avoir bricolé deux trois machines et à avoir sauté une dizaine de mecs?

Aujourd'hui je ne sais pas trop où je vais, ce que la vie me réserve. Je perds goût à la vie, en appétit, complètement désabusé. Je me sens seul comme jamais, ne pouvant compter que sur moi pour survivre dans ce monde de brutes et de cons.

Je ne sais pas trop pourquoi je vous raconte ma vie, mais mettre ça noir sur blanc sur la toile me permet de mettre de l'ordre dans mes problèmes et à me soulager.. C'est déjà un bon début! :gentil:
Kefka
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Re: La prochaine fois je n'irai pas au cinéma

Message par Kefka »

Si je peux me permettre, ce n'est jamais dans les moments de gros coup de blues que l'on a le regard le plus objectif sur sa situation. Et de fait, je suis persuadé que tu te fais une montagne d'une colline.

Tout d'abord, tu n'es pas obligé de supporter la pression que l'on te met pour rencontrer la fille qui va bien. Et bientôt, on te demandera de mettre un anneau au doigt de quelqu'un ? Tu as 20 ans, tu es majeur et vacciné, tu as aussi le droit d'assumer tes choix et tes envies. Et si ça passe par un léger recadrage des pressions familiales, et bien, il faut ce qu'il faut. Être le fils ou la fille de quelqu'un ne revient pas à dire faire la carpette devant ce quelqu'un. Sans faire de CO, il y a aussi moyen de dire gentiment mais fermement que non, il n'est pas question de ramener qui que ce soit à la maison et qu'il serait temps d'arrêter les projections et de fantasmer sur la parfaite belle-fille.

Pour la suite, j'aurais tendance à dire que l'herbe est toujours plus verte chez le voisin, surtout quand on traverse une mauvaise passe. On a tendance alors à maximiser les mauvais côtés et minimiser les bons. Le secret du bonheur ne tient pas en un fantasme de vie parfaite et qui souvent ne correspondant pas à la sienne : qui te dit que cette manière de vivre au jour le jour et de se foutre de l'avenir t'aurait rendu heureux ? La ruse finale des regrets et des remords est bien de nous faire souffrir par imagination : ton esprit tourne à vide, et plus il tournera à vide, plus tu creuseras profondément ...

Je ne donnerai pas le conseil du coup de pied au cul qui ne fonctionnera pas, et il est illusoire de penser que cela puisse fonctionner un jour. Par contre, je suis certain que tu n'as pas aussi isolé que tu veux bien te le laisser croire. Si tu as des amis, il serait une bonne idée que de passer un peu de temps avec eux, de discuter et de te distraire. Ça pourrait te permettre de te remettre doucement mais sûrement sur les rails. Y a deux citations de Shakespeare que j'apprécie particulièrement : "l'esprit oublie toutes les souffrances quand le chagrin a des compagnons et que l'amitié le console" et "celui qui souffre seul, souffre surtout par imagination ; mais l’âme dompte aisément la souffrance, quand sa douleur a des camarades d’épreuve" (les deux sont dans le Roi Lear) : le poison, ce ne sont ni les coups de blues, ni le chagrin, mais la solitude :)
aldo
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Re: La prochaine fois je n'irai pas au cinéma

Message par aldo »

J'abonde dans le sens de Kefka : tu as des amis, sers-t'en.

J'ajouterai — je ne sais pas si cela te réconfortera — que je suis moi-même passé par ce genre de crise existentielle. J'ai fait prépa aussi (trois ans, même...) pendant lesquelles je me suis dit « on verra ça plus tard ». Et lorsque le « plus tard » s'approche, on se trouve désarmé. On ne sait plus quoi faire.

La prépa donne un objectif, intégrer, et occupe complètement les journées ; lorsqu'on a passé les concours, ou qu'on se projette après les concours, on découvre que l'objectif disparaît, et qu'on est désormais libre de son temps. Il faudrait donc à la fois se donner un nouveau but dans la vie, et trouver soi-même les moyens de l'atteindre... C'est écrasant. Mais aussi banal : beaucoup de gens qui font prépa traversent ce genre de crise existentielle. Dans mon école, il y avait même eu une conférence organisée par l'équipe santé (psy, infirmières...) à ce sujet, avec pour titre « Intégrer... et après ? ».

Évidemment, lorsqu'en plus on se sait attiré par les garçons, mais qu'on a jamais été avec personne, qu'on a même jamais rencontré d'autres gays dans sa vie, c'est encore pire. Comme le disait Kefka, l'imagination fonctionne alors dans le vide, ne pouvant se baser sur rien... On ne sait tout simplement pas ce à quoi, concrètement, sa vie pourrait ressembler. On peut imaginer des scénarios, mais ce ne sont que des scénarios : ils n'ont rien de réel.

Pourtant, après la prépa, au fur et à mesure que le temps passe, au fur et à mesure que l'on fait des choix (ou que des choix sont faits pour soi) dans son orientation, dans ses options, dans son premier emploi, quelque chose finit par se dessiner. Et si on en est pas content, on peut essayer de faire d'autres choix, d'aller dans une autre direction. Difficile de s'enthousiasmer à l'idée de « bricoler deux ou trois machines », mais c'est parce que ces deux ou trois machines sont abstraites, sans formes ni contours ; au fil de ta scolarité en école d'ingé, et même après, tu auras l'occasion de découvrir plus précisément quelques domaines, leurs enjeux, les difficultés qui se posent, bref, tout ce qui peut rendre intéressant le fait d'apporter une solution... et que tu es incapable d'imaginer pour l'instant.

Il en va de même pour ta vie sociale. Tu peux imaginer autant de styles de vie que tu veux, la réalité sera tout autre. Lorsque tu auras intégré, tu vas te retrouver probablement dans une nouvelle ville, avec de nouveaux camarades de promo, tu pourras donc te faire de nouveaux amis... et plus si affinité. Cela sera d'autant plus facile si tu es dans une ville étudiante, ou par exemple s'il y a une association LGBT dans le coin et que tu y vas. En tout cas, ce n'est qu'en vivant que tu découvriras comment est-ce que tu veux vivre, pas en te projetant différents films dans ta tête entre deux journées de prépa.

Courage, tu es presque au bout. Pour l'instant, il n'y a pas grand chose que tu puisses faire, à part continuer de travailler et te préparer aux oraux. Garde tes angoisses existentielles pour plus tard, pour la rentrée : à ce moment là, et à ce moment là seulement, elles pourront te pousser à avancer. :gentil:
agri-égay
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Re: La prochaine fois je n'irai pas au cinéma

Message par agri-égay »

et bien moi, je me dis qu'à 19 ans j'aurais bien aimé avoir gravi les 2 ou 3 premières marches comme toi, jQuinn.

Dernier d'une grande famille, à 19 ans j'avais comme modèle mes frères et soeurs qui présentaient aux parents leurs fiancés, annonçaient la date du mariage ou de la 1ère naissance. Et c'étaient mes modèles.
A 19 ans, je ne me savais pas gay. J'étais incapable de draguer une fille parce que trop timide et à cause des 7 ans passés dans une école religieuse, où il n'y avait pas de filles. Et mon attirance pour quelques rares garçons j'ai malheureusement interpreté cela comme un fantasme qui allait disparaitre au contact de ma 1ere copine. Pourquoi, je ne devrais pas avoir un bonheur simple et facile comme mes frères et soeurs ?

Tu t'assumes homo, donc tu t'assumes différent de la norme. Dis toi que c'est génial !
Et c'est quoi la norme actuelle : "former un couple hétéro entre 16 et 23 ans et ensuite se séparer avec pertes et fracas entre 25 et 38 ans." est-ce ça ton modèle ?
Une fois j'ai été sidéré d'entendre des parents dire qu'ils étaient contents de voir leur fille d'à peine 14 ans coucher avec un garçon un peu plus agé, car cela voulait dire qu'elle n'était pas gouine. Que des parents choisissent cette norme là me pose question !
Moi, je suis resté longtemps jaloux entre 18 et 28 ans des mecs qui se tenaient main dans la main avec leur copine en disant pourquoi j'y ai pas droit ? (sans d'ailleurs comprendre que j'étais jaloux de la copine et non pas du mec).

Quand les parents deviennent malades et fragiles , c'est vrai que l'on n'ose plus les choquer par un coming out . Mais, de leur coté, ils s'inquietent de nous voir rester seuls. " pourquoi, un beau garçon comme mon fils n'a toujours pas de copines ? "

Ton escalier est peut être difficile à grimper, mais tu as pris le bon escalier. Tes amis ont la chance et la facilité de monter dans un ascenseur, mais cet ascenseur les amènera t'il tous au bon étage ?
Emixam
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Re: La prochaine fois je n'irai pas au cinéma

Message par Emixam »


@Primal: au lycée j'étais très réservé et très méfiant, mais pas déprimé aussi régulièrement que c'est le cas en prépa.
Tiens, c'était tout moi ça, et ça l'ai encore (surtout quand je suis seul au milieu de gens que je ne connais pas).

(bon, petit passage "je raconte ma life dans le topic d'un autre, en espérant tout de même être pertinent"...)

Je vais t'expliquer mon parcours, qui pourrait être le tiens par la suite.

Pour ma part j'ai esquivé la prépa avec un BTS, durant laquelle j'ai mis mes sentiments au placard (à 19ans, je commençais à déprimer) avant de raccrocher sur une école d'ingé. J'étais encore chez mes parents, et pas outé.

Aujourd'hui, 22ans, je le suis auprès de ma classe d'école d'ingé (me suis fait griller à la gay pride de Rouen >_< ) et une cousine. C'est certes aller mieux dans un premier temps, mais n'arrivant pas à m'intégrer au milieu, je me enfin de compte ressenti bien vite seul chez moi. Mais au moins je pouvais en parler à quelques personnes.

Enfin je suis arrivé à Paris pour mon stage, ou j'ai pu rencontrer les gens du forum en vrai :amour: . Je suis toujours aussi célibataire mais au moins mon état c'est amélioré, j'ai des amis à qui parler et ne me sens plus être l'homo qui n'arrive pas à s'intégrer un tant soit peu dans un groupe d'homo (oui, les hétéros sont gentils, mais parfois ça fait du bien de ne plus en avoir quasiment autour de soi le temps d'une journée^^).

Cette histoire n'a rien d'extraordinaire mais tout ça pour te dire de tenir encore un peu, le temps de finir ses foutus études (personnelement, j'ai pas ramé en école d'ingé mais ça m'a quand même bien tiré sur le moral).
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