Chapitre 22 - Séquence souvenir : le mariage larmoyant
Ce chapitre, ainsi que les deux qui suivront, sont dédiés à Oeil-de-nuit, en espérant le distraire un court instant de son ennui... 
J'ai évoqué dans le chapitre précédent la question du mariage.
Vu que dans ma famille, on ne se marie pas et que les amis de mes parents étaient déjà tous mariés lorsque j'ai pointé le bout de mon museau, il m'a fallu attendre que mes propres amis soient en âge de convoler pour goûter aux félicités de ce sacrement que, dans ma prime jeunesse de garçonnet rêvant parfois d'être une princesse, j'imaginais tout en tulle, en robe blanche, en choux à la crème et en pièce montée.^^
Premier mariage, donc, celui de ma voisine et néanmoins amie, du coté de Thiers, quelque part au milieu de la France où y a pas grand monde. Rien à en dire, sinon que c'était bien, que la chambre d'hôte était adorable genre chaumière de conte de fée aménagée en maison de poupée, qu'en face de moi à table il y avait une cousine qui avait écrit un livre sous un pseudonyme (livre que j'ai lu par la suite : on y parlait d'un monde futuriste où les hommes et les femmes vivent séparés par une sorte de mur de Berlin et progressivement ont oublié l'existence de l'autre sexe...) et enfin que le père du marié avait le même prénom que moi.
Second mariage. La mariée est une amie proche que j’ai connue au cours Florent. Elle et son copain sont ensemble depuis qu’ils ont quinze ans. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont amoureux, ils vivent ensemble à la campagne dans une maison jaune remplie de Titi et de Grosminet, ce qui leur a valu de passer dans
C’est mon choix…
La mariée vient me récupérer à la gare. J’assiste aux derniers préparatifs, avec la cohorte des demoiselles d’honneur, dont la précieuse cousine esthéticienne flanquée de sa trousse de maquillage. Déjeuner sommaire (un plat de pâtes) sur des tabourets, dans le salon en désordre. J’ai l’impression d’assister au dernier repas de Marie-Antoinette à la Conciergerie…
La mariée part se faire coiffer tandis que nous remettons de l’ordre dans la maison. Ensuite, il est temps pour elle de mettre sa robe. C’est au tour de la cousine esthéticienne d’opérer et d’apporter à l’édifice l’ultime coup de pinceau.
La mère et la tante de la mariée arrivent. De voir leur fille et nièce si belle ainsi parée, elles se mettent à pleurer. La mariée ne peut retenir ses larmes et sanglote comme Clovis a sangloté dit-on à la mort de Sainte Geneviève... On requiert en urgence la cousine esthéticienne pour réparer le désastre. La tante a apporté le collier du mariage. C’est très joli. La mariée pleure une seconde fois. Nouvelle intervention de la cousine.
Enfin, on part. Devant la Mairie, on aperçoit pour la première fois le marié, dans son beau costume gris perle. En voyant la mariée dans sa robe blanche, les yeux du marié se brouillent de larmes. La mariée inonde de nouveau son gracieux visage. La cousine accourt avec sa trousse miraculeuse.
Tout le monde s’entasse dans la Mairie. La salle est petite, l’assistance est nombreuse, beaucoup doivent rester dehors, je parviens à me faufiler jusqu’à l’entrée. De là où je suis, je vois tout, et je peux même m’épauler contre le mur.
L’adjoint au maire commence à lire le texte officiel. En lisant, il se laisse gagner par l’émotion et se met à pleurer.
L’adjoint au maire est le père du marié.
De voir son père pleurer, le marié pleure.
De voir le marié et le père du marié pleurer, la mariée pleure
De voir les mariés et l’adjoint au maire pleurer, les deux témoins pleurent aussi.
De voir les mariés, l’adjoint au maire père du marié et les témoins pleurer, l’assistance pleure, submergée par l’émotion.
De voir tout le monde pleurer, je pleure.
Mariage sous les eaux, donc. Mariage pluvieux, mariage heureux, sauf qu’il s’agit ici d’une pluie de bonheur. A priori, cela ne compte pas comme une vraie pluie…
La mariée a pleuré dans l’église (notamment à l'évocation de son frère absent, englué dans les griffes sournoises d'une secte pernicieuse). Elle a pleuré pendant le repas. Elle a pleuré le lendemain matin en lisant les gentils commentaires écrits dans le livre d’or.
C’est sans conteste le mariage le plus émouvant et le plus romantique auquel j’ai assisté. Peut-être parce que les mariés étaient très jeunes tous les deux, la vingtaine à peine.
Ensuite, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ?...
Non : ils sont partis en voyage de noce six mois après la cérémonie. Le marié a fait part à la mariée de son intention d’arrêter de fumer. Pendant le voyage, la mariée découvre qu’il continue de fumer en cachette. Il nie. Elle le prend sur le fait. Il avoue tout et davantage : depuis six mois, il la trompe avec une collègue de bureau.
Mariage larmoyant, vie de couple lacrymale. La mariée a versé bien des larmes amères. Le marié s’est excusé, s’est repenti. C’est un gentil garçon, un peu naïf, qui ne sait pas dire non et qui a connu la mariée trop jeune, ça le titille de la queue de flairer d’autres derrières, le cœur est bon mais la chair est faible. La mariée a pardonné. Il a recommencé. Ils ont divorcé. Ils sont restés amis.
Parfois, ce topic est la série télé-qui-parle-à-ton-être-gay que je n'ai jamais eu dans mon adolescence de petit garçon de province (mais ainsi je ne veux pas identifier ta vie quotidienne à une sérié, loin de là).
