De nouveau, triste et seul.

Pour eux.
Régal Délice

De nouveau, triste et seul.

Message par Régal Délice »

Il y a longtemps que je ne suis pas venu sur ce forum, désolé de vous avoir un peu abandonnés, j'espère que vous ne m'en voulez pas trop...

Alors voici la situation : depuis un an et demi environs, j'étais avec quelqu'un, j'étais très amoureux. Comme d'habitude un homme plus âgé que moi, d'environs dix ans ; charismatique, cultivé, très gentil. Relativement connu et exerçant un métier prestigieux. Je l'ai rencontré au cinéma, à un moment où je me sentais très seul. Les choses sont allées très vite, un peu trop vite d'ailleurs, car si j'ai longtemps été adepte des aventures express, depuis quelques années j'ai changé et je préfère à présent y aller doucement. Malgré de violentes disputes portant sur des questions futiles, nous étions de façon générale très heureux.

Cependant, petit à petit, de nombreux éléments ont gâché le tableau et je me suis senti de plus en plus oppressé par notre relation. Par exemple, il me conseillait de consulter un ostéopathe qu'il connaissait bien ; j'y allais : quelques temps plus tard, mon ami me disait : "Tu sais, l'ostéopathe t'a trouvé comme ci et comme ça, il m'a dit que tu étais très coincé de là et là, que tu devrais faire ci et ça". Même chose avec un masseur shiatsu. Ça m'a beaucoup dérangé, je me suis senti cerné, espionné. Je me suis également aperçu qu'il téléphonait sur mon fixe sans laisser de message à des heures où je travaille : je me suis demandé si ce n'était pas pour venir chez moi en mon absence ?

Le truc c'est qu'il est très jaloux et je trouve ça lamentable. Il était jaloux de mon ex avec qui j'ai conservé des relations amicales sans ambigüité (de mon point de vue en tout cas). Jaloux de mes amis. De mon travail, qui est très prenant, et il voulait m'en faire changer, ajoutant un gros stress à un moment où j'étais en difficulté professionnellement (maintenant ça va mieux). Jaloux de mon écriture : dès que j'écrivais quelque chose (et ce n'est pas souvent), nous connaissions une grosse crise dans notre couple.

Il avait à cœur de redresser mon corps tordu, de corriger mon esprit tordu également, d'améliorer mon mode de vie malsain (me faire arrêter de fumer, que je mange moins gras, moins sucré, moins salé, que je mette toutes sortes de cosmétiques pour que ma peau soit plus belle, me faire prendre toutes sortes de remèdes - ions, homéopathie, phytothérapie, etc.), de corriger mon langage jugé trop grossier, trop salace, de surveiller mes lectures en faisant disparaître de ma bibliothèque les livres qu'il trouvait trop malsains, ce qui me semble intolérable.

C'est sûr que je ne suis pas l'amant idéal ; je suis totalement passif quand lui aime être les deux, et il est frustré ; ma libido n'est pas fabuleuse, je suis assez maladroit au lit et je ne prends guère d'initiatives, quand lui est tout le temps en demande ; je suis secret, je n'exprime pas beaucoup mes sentiments, j'ai tendance à être routinier et casanier. Je suis timide. J'ai beaucoup, beaucoup d'autres gros défauts. Mais je ne suis pas infidèle et sa jalousie m'exaspère.

Il y a quelques semaines, il m'avait invité dans un restaurant marocain proche de nos deux appartements, avec son fils ; c'est un quartier très musulman. Dans le restaurant, il a absolument voulu que je l'embrasse sur la bouche, et ça me gênait : d'une part son fils (17 ans) était là et ce genre de démonstrations le gêne, ce qui est bien normal ; d'autre part on était à deux pas de chez lui, à deux pas de chez moi, en face d'une femme voilée qui nous regardait, et je n'avais pas envie de créer une provocation inutile dans un quartier très très religieux, très mal fréquenté aussi, et où je passe tout le temps, souvent le soir ; je m'y suis d'ailleurs fait agresser, de façon gratuite, cet été. De plus, j'ai horreur de m'afficher en public en dehors des endroits où il y a d'autres gays, je ne me sens pas très militant. Enfin, je n'en avais pas spécialement envie. Il a beaucoup insisté en me disant "C'est comme ça ou tu t'en vas !" ; pour l'apaiser, j'ai obéi et je lui ai donné son putain de baiser, mais je n'étais pas très content. J'étais venu manger, pas faire un happening ; je ne suis pas contre les happenings, j'ai participé à des kiss-in ou des trucs comme ça, mais je veux être au courant, que ça ait un sens et avoir le choix ! Bref.

Nous n'avons plus parlé de cette histoire pendant quelques temps et tout semblait aller bien entre nous. Par la suite, alors que j'étais en train de me remettre à écrire et que j'étais très concentré là-dessus, il m'a envoyé un e-mail où il disait en gros être encore sous le choc de mon attitude au restaurant marocain ; il me reprochait également de m'intéresser plus à mes amis, à mon ex et mon écriture qu'à lui. Il proposait que dorénavant, puisque les baisers me posaient un problème, nous nous serrerions la main. Ce mail m'a rendu furieux, à tel point que je n'ai rien trouvé à répondre, et je suis resté à ressasser ce texte en remettant à plus tard la réponse. Deux jours plus tard (nous avons des horaires de travail incompatibles et nous ne nous voyions pas tous les jours), il m'invite chez lui pour aller à la plage et j'y vais ; il m’accueille en me tendant la main. Ça m'a rendu dingue et, alors que je voulais apaiser les choses et éviter la confrontation, je lui ai dit à quel point cette histoire m'exaspérait. Il s'est alors mis à me hurler dessus, me traitant de paranoïaque, me disant que ma vision du monde était délirante, et autres. J'ai essayé de faire baisser la tension mais j'étais furieux moi-même, et ça n'a pas marché. J'ai même eu peur qu'il me frappe (heureusement ce n'est pas arrivé).

A la suite de cet incident, j'ai coupé le contact avec lui, puis demandé une pause dans notre relation, enfin écrit une lettre de rupture. Il m'a écrit une lettre lui aussi, et passé un coup de téléphone déchirant pour me demander une seconde chance. J'ai refusé, mais ça été très dur. Je sais qu'il souffre beaucoup de la séparation, que le jour de la dispute il avait eu une très mauvaise semaine et qu'il était très fatigué. J'ai l'impression d'être méchant avec lui en refusant de tenter de reconstruire notre couple. En même temps je sens que si nous recommençons notre relation, on sera de nouveau exactement au même point dans trois mois, et que là on se tapera dessus. Et je ne veux pas de ça.

A présent je me sens triste, vraiment très triste. Je crois que je n'ai jamais été aussi triste lors d'une séparation. Je l'ai beaucoup, beaucoup aimé. Je dors très mal, je ne mange presque rien, je suis dans un état épouvantable. J'ai l'impression que brusquement la vie n'a plus de sens. L'impression de le faire souffrir, d'être méchant, injuste. Ce matin, je me suis cogné deux fois dans la rue par inattention (le rétroviseur d'un bus, un panneau de signalisation que je n'avais pas vu), et je me suis mis à pleurer dans la rue, comme un enfant (et pourtant je n'ai vraiment pas la larme facile). De retour chez moi, je pleurais, pleurais, je voulais l'appeler, lui demander pardon, tout recommencer, je me demandais s'il accepterait de me revoir, je rêvais de revenir à nos habitudes, à notre petite routine.

Mais je vois bien que recommencer notre relation me mènerait à une soumission abjecte ; je suis effaré d'avoir, simplement pour éviter une dispute, donné sur ordre un baiser dont je n'avais pas envie et qui me gênait. Je suis effaré d'avoir accepté les innombrables abaissements et soumissions que je lui ai concédés ces derniers mois. Notamment, par rapport à mon ex, que j'apprécie et que j'estime, et que j'ai refoulé et ignoré dans le seul but de plaire à mon ami (des mauvaises actions, ou du moins des actions basses, qui ne m'ont été d'aucun profit, puisqu'elles n'ont pas calmé cette pesante jalousie, tout en m'éloignant de personnes que j'aime bien).

Alors, cette rupture, elle se fait donc au nom de la liberté et de l'indépendance, de la révolte contre l'oppression ? En fait je me sens un peu gêné aux entournures ; j'ai bien l'impression que c'est moi, par mon tempérament hystéro-masochiste, par la répétition d'un vieux schéma venant de l'enfance (une enfance marquée par l'oppression, puis par la révolte, et je vois bien qu'il y a un cycle, une ligne directrice dans ma vie, qui fait de moi alternativement un être soumis, puis un rebelle, puis soumis, puis rebelle, même si c'est sans fondement), que c'est donc moi qui transforme des mecs bien et gentils et cool et tout et tout, en oppresseurs pénibles et pesants, parce que je cherche ça, et que je mets tout en œuvre pour arriver toujours à ce résultat désastreux. Je me sens assez mal, piteux, minable, et je suis un peu perdu.

Il faut dire que j'ai comme à chaque relation complètement négligé mes amis, et ceux que j'ai conservé sont injoignables, je me sens assez seul. Cependant je me sens mieux d'avoir pu écrire tout ça...
Erzal
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Re: De nouveau, triste et seul.

Message par Erzal »

Coucou,

Ton histoire me touche beaucoup. Tu es au détour d'un dilemne et il faudra faire un choix entre l'amour, puisque tu sembles être encore bien amoureux de lui, ou la liberté, la dignité, le respect et l'indépendance, des valeurs que tu chéris tant. Peut être pourrais tu lui proposer un compromis : vous vous remettez ensemble à condition qu'il fasse un effort pour plus te respecter. Toi tout seul pourras en juger. Je te souhaite bien du courage pour surmonter cette épreuve.
inconnu n

Re: De nouveau, triste et seul.

Message par inconnu n »

Déjà, tu dis que tu reproduis le schéma de "gentil/rebelle" et que le "mec gentil avec toi devienne un oppresseur". Bon, je ne dis pas que c'est pas le cas, hein (honnêtement, je ne peux pas avoir d'avis là-dessus).

En revanche, que ce soit vrai ou pas, c'est quand même LUI qui a décidé de s'immiscer dans ta vie privée par ostéo et masseur interposé, de vouloir changer tes habitudes de fond en comble. Et de te faire la scène du baiser (comme tu l'as dit, devant son fils et dans un quartier où c'était quand même assez risqué, par dessus le marché. Mais quand bien même ça aurait été dans un quartier lambda il avait pas à te l'imposer). Et de t'imposer sa jalousie envers tes amis, ton ex, ton boulot et tes écrits. Bref, tu as peut-être (probablement) une part de responsabilité dans le processus mais ça reste bien SES décisions malgré tout, ne l'oublie pas.

Encore, pour le fait de te demander d'arrêter de fumer et de redresser ton corps, je comprends. Je dis pas que j'approuve forcément (il n'avait pas à te l'imposer dictatorialement), mais je comprends, parce que ça montre un souci pour ta santé. Mais pour le reste, c'était quand même assez abusé, à te lire, on dirait qu'il voulait refaçonner ta vie et même ta personne à l'image de l'homme de ses rêves.
Donc, ça t'avancera pas des masses, mais tu as bien fait de ne pas continuer avec lui je pense.
Pascal
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Inscription : mer. sept. 21, 2005 7:25 am

Re: De nouveau, triste et seul.

Message par Pascal »

Bonjour,
C'est toujours triste de séparer de quelqu'un qu'on a aimé.
Il avait à cœur de redresser mon corps tordu, de corriger mon esprit tordu
Honnêtement autant je pense que l'on peut parler de la santé à son conjoint et proposer des solutions pour être en bonne santé autant je trouve malsain de forcer son conjoint à suivre des traitements non nécessaires qu'il ne veut pas suivre et encore pire le lui reprocher.
J'ai l'impression qu'il voulait que tu corresponde à une image qu'il avait en tête au lieu de t'aimer et de t'accepter comme tu es avec toutes tes particularités.
Surtout ne culpabilise pas de ne pas avoir répondu à toutes ses exigences.

Bon courage pour la suite.
Régal Délice

Re: De nouveau, triste et seul.

Message par Régal Délice »

Merci pour vos réponses, elle me font me sentir beaucoup moins seul dans ce moment pénible.

Je suis vraiment partagé entre l'idée de rester ferme et celle de revenir vers lui. Mais... Enfin je ne sais pas, je crois qu'il me faut un peu de temps. Je voudrais revenir à moi.

Il vient juste de passer chez moi me rendre mes clés et des objets que j'avais laissés chez lui, et je lui ai rendu des trucs qu'il avait laissés chez moi. Il s'est montré très gentil et très compréhensif, il a voulu que l'on se souvienne surtout des bons moments (et il y en a eu beaucoup dans notre relation) ; il m'a dit de ne pas noircir le disputes, et de ne pas exagérer la gravité des mauvaises choses. Je pense que c'est quelqu'un de vraiment bien. Mais si je me remettais avec lui ça redeviendrai très vite très oppressant, j'en suis sûr.

Il me dit qu'il n'était pas jaloux, mais inquiet. Qu'il n'était pas en colère, mais en souffrance et désespéré, et très fatigué.
Erzal a écrit :Peut être pourrais tu lui proposer un compromis : vous vous remettez ensemble à condition qu'il fasse un effort pour plus te respecter.
C'est vraiment une idée qui me tente, mais elle me terrifie en même temps, parce que je pense être incapable de supporter de nouveau des scènes pareilles.

Pour ce qui est des soins, ils n'avaient effectivement rien de nécessaire, je n'y étais pas non plus forcé, juste incité, et puis je voulais m'améliorer... ce qui m'a vraiment déplu c'est l'indiscrétion des praticiens, je trouve ça super choquant, et aussi le fait qu'il m'en fasse part.
C'est vrai que je ne correspondais pas à son idéal, lui il aimait les hommes sportifs et simples, alors que je suis un intello coincé, maigrichon et mal dans son corps...
Mizc
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Re: De nouveau, triste et seul.

Message par Mizc »

"Il voulait m'améliorer", dis-tu.

Attention, aussi, au syndrome de Pygmalion. Parfois, lorsqu'on est mal dans sa peau, et/ou mal dans sa tête, et qu'il se passe une rencontre avec un ou une Pygmalion en puissance ... Nul ne pensera à mal, et tout se fera naturellement, comme une symbiose au départ, l'un étant réconforté de se voir comme quelqu'un de fort, d'être celui qui peut aider, et l'autre réconforté d'être aidé sur certains choix délicats, mais au fur et à mesure les cartes se brouillent et le fort apparaît comme quelqu'un d'au fond fragile (tu l'écris toi même), et celui à protéger apparaît comme celui qui va finalement faire les choses plus "pour faire plaisir" que par réel besoin. Je ne sais pas si on peut alors parler de co-dépendance, mais bon, dans l'idée.

Alors après, je ne dis pas que ce genre de relations soit nécessairement et systématiquement voué à être dysfonctionnel. Mais ici, il semblerait que ton instinct de survie ait tranché : c'est trop oppressant, tu ne peux plus. Et justement, si ça ne te convient pas, tu as le droit d'arrêter, tu as le droit de dire quelle relation te convient et quelle relation ne te convient pas, et le droit d'acter si la relation ne convient pas. On devrait toujours avoir l'impression de choisir ses relations amoureuses plutôt que de les subir. Tu n'as pas à culpabiliser de ne pas être l'homme (de papier glacé) idéal pour lui, car tu es déjà toi, avec des rêves, des ambitions, des défauts, des qualités, des besoins. Et ce sont ces composantes là qu'on devrait toujours prendre en compte lorsqu'on cherche à construite quelque chose avec quelqu'un, plutôt qu'une surface idéalisée qui n'est que ce que l'on projette soi vers lui (même si bon, dans la pratique je me fais peu d'illusion, il y a nécessairement toujours un peu du deuxième ...)

Bref, quoi qu'il en soit, :copain:, et ne ressasse pas, ne culpabilise pas.
Régal Délice

Re: De nouveau, triste et seul.

Message par Régal Délice »

Oui, tu as vu juste, je suis toujours à la recherche d'un Pygmalion, et ça ne donne pas de bons résultats...

Moi-même, en statue animée, je ne fais pas une très bonne Galatée, puisque au lieu de l'épouser je finis toujours par me retourner contre mon sculpteur... plutôt comme le Golem.
irvel
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Re: De nouveau, triste et seul.

Message par irvel »

@Mizc : heu, syndrome Pygmalion ???

Je croyais que "l'effet Pygmalion" était un peu comme une "méthode Coué" appliquée par une tierce personne, positif somme toute ?
Tsar
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Re: De nouveau, triste et seul.

Message par Tsar »

irvel a écrit :@Mizc : heu, syndrome Pygmalion ???

Je croyais que "l'effet Pygmalion" était un peu comme une "méthode Coué" appliquée par une tierce personne, positif somme toute ?
Je suppose que c'est pour cela qu'elle a parlé de syndrome, et pas d'effet.
Mizc
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Re: De nouveau, triste et seul.

Message par Mizc »

OFF-Topic :
Irvel : Si c'est juste une question de terminologie, je ne sait pas si on peut/doit parler de syndrome, d'effet, ou de je ne sais pas quoi, je ne suis pas psy loin de là. Simplement, c'est un mythe connu, qui peut donc servir d'outil pour comprendre certains vécus. Après, je ne dis pas que toute influence de A sur B soit nécessaire négative même si A s'appelle Pygmalion, je dis juste que parfois ça se passe mal - et en l'occurrence dans le mythe, comme dans la plupart des mythes, pas vraiment de happy ending.
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