Alors voilà. Je ne suis pas très à l'aise.
J'ai 30 ans, je n'ai personne, j'ai très peu d'expérience,
Je ne suis pas du tout à l'aise avec la sexualité,
Je viens d'une famille pétrie d'angoisse et obsédée par la réussite, mais paradoxalement plutôt ouverte, sympa, rigolote, cultivée, tout, bien qu'homophobe "comme tout le monde" (ça va mieux, depuis qu'ils savent pour moi), à critiquer le fils des voisins, à faire de blagues sur les pédés, et à dire que ça dérange pas, tant que c'est chez les autres. Ça, c'était mon enfance.
La vie a passé, je me suis beaucoup occupé d'eux pendant des années, alors que ma soeur était très malade et pendant que mes parents s'effondraient peu à peu, et puis tout le monde a fini par remonter la pente, et moi je me suis écroulé à mon tour parce que j'avais laissé complètement ma vie de côté. L'adolescence, tout ça : que dalle. J'ai travaillé pour avoir des bonnes notes au collège, au lycée, en prépa, à la fac... Histoire de leur donner des choses positives. Et en même temps je me lançais dans le théâtre (C'est ce qui m'a sauvé, je crois. J'aurais pas tenu, sans ça.)
Tout ce temps-là je me demandais comment me retrouver avec une fille... et je suis tombé amoureux d'un garçon... qui s'en foutait. Bon. Pas grave : vu le bazar dans ma vie en général, j'allais pas m'encombrer d'autre chose, et ce n'était qu'une couche de tristesse en plus.
Jusqu'au jour où je me suis dit : "Bon. En fait, je suis homo. Voilà. Et c'est pas grave. Ça peut même être rigolo." Mais au fond, je ne l'acceptais pas.
Et puis les années ont passé (dépression, thérapie, etc.), et puis j'ai fait mon coming-out à ma famille, à mes amis, ça s'est bien passé, et j'ai déménagé à Paris, pour quitter la tristesse de ma vie d'avant, et continuer dans le théâtre, pour de vrai.
Et puis, un jour que je retournais dans ma ville d'origine, je me suis fait agresser, pour rien. (Des types me sont tombés dessus, m'ont demandé si j'étais pédé, ne m'ont pas laissé le temps de répondre, et m'ont frappé. Je n'ai eu qu'un poignet foulé mais ça m'a marqué, psychologiquement. J'ai porté plainte et je n'aurais pas dû. J'ai détesté les flics, qui m'appelaient plusieurs fois par jour pour rien, et qui m'ont dit une fois "Vous dites que c'est une agression homophobe, êtes-vous homosexuel, monsieur ?". J'ai trouvé ça hyper-gênant.)
Et puis il y a eu les attentats, et j'ai lu un tas d'article et vu un tas d'images sur les homos qu'on balance des immeubles en Syrie, entre autres...
Je reviens à moi.
Je n'arrive pas à rencontrer quelqu'un.
Je ne suis pas très sexe, je crois. Ou alors j'en ai peur. Mais je ne suis pas à l'aise sur le sujet. Et les quelques personnes que j'ai rencontrées cherchaient surtout ça. Je trouve ça triste.
Je reviens au monde.
Et il y a eu un massacre, hier.
Et je me demande ce que je fais dans ce monde-là.
En fait, oui, je crois que je suis dépressif, parce que j'ai toujours eu le sentiment de ne pas être à ma place, dans ma famille, dans le monde, dans la vie !
Je voudrais rencontrer quelqu'un, être amoureux, reprendre confiance, que quelqu'un s'occupe de moi... de la douceur, bordel.
Faut que je consulte un psy, vous croyez ?
On peut discuter, peut-être ?
Ça va, vous ?
