Alors, tout d'abord, je souhaite présenter mes excuses..
Il faut m'excuser pour deux raisons:
D'une: J'ai changé de boss il y a 3 mois et depuis j'ai un boulot monstrueux et je n'en vois pas le bout donc je manque vraiment de temps pour écrire la suite de ma rencontre.
la deuxième raison, c'est que pour écrire ça, je suis obligée de replonger dans mes souvenirs, mes ressentis et c'est à la fois agréable et très difficile.. Cette histoire m'a marqué à vie et même avec les années passant, je crois que je ne m'en suis jamais totalement remise.. donc ça nécessite un peu de temps pour moi.. C'est quelque part une véritable introspection et c'est pas toujours évident.. Et une fois envahie par cette histoire, je mets beaucoup de temps à réémerger dans la réalité.. Donc je préfère y aller au compte goutte...
Néanmoins, aujourd'hui, je n'avais pas envie de travailler.. alors j'ai écrit un peu la suite...
3ème épisode:
Samedi 16 octobre 1993.
Ce Samedi matin là, c’est un peu la course.
D’abord, la prof d’éco n’a rien trouvé de mieux que de nous faire venir bosser le samedi matin pour une interro.. Interro de rattrapage en plus ! Donc en gros, on se tape une interro un samedi matin parce qu’elle était absente auparavant ! Parfois les profs font vraiment des trucs énervants..
Bref, obligée d’aller au Lycée entre 8 et 10h… Génial !
Une fois l’interro passée, et pour laquelle j’ai encore fait des étincelles.. Bon en gros, j’ai été nulle.
Je rentre chez moi en quatrième vitesse et je vais chez le coupe tif..
On dirait que je me prépare pour un rendez-vous mais en fait non. Comme j’ai les cheveux courts, il arrive une longueur que je ne supporte plus donc le rendez-vous était pris depuis au moins une semaine. N’empêche, j’avoue que d’arriver à ce rendez-vous avec une belle coupe, n’est pas pour me déplaire, je me sentirais déjà plus à l’aise.
En plus, je n’ai aucune idée de qui il y aura à cette sortie ciné.. J’espère qu’on ne sera pas trop nombreuses, parce que plus ça va, et moins j’apprécie les grosses sorties entre filles.
Je me souviens que je ressens un mélange de sensation totalement contradictoires ce jour-là. J’ai envie de courir vers cette sortie ciné et en même temps, pas du tout envie d’y aller. J’ai envie de ne voir que C , et en même temps j’espère qu’il y aura toutes ses amies.. et vice versa d’ailleurs..
Enfin, arrive l’heure de grimper dans le bus qui m’emmènera au rendez-vous.. Comme à chaque fois que je vais quelque part, je ressens une bouffée de stress qui me paralyse.. Oui, Oui…
Toutes celles et ceux qui me connaissent n’y croiraient pas un instant et pourtant, si vous saviez comme j’angoisse avant de retrouver les gens que je ne connais pas bien, je ne suis pas à l’aise, un gros manque de confiance en moi et une timidité relative que je cache sous des airs de clown…
Je fais à chaque fois le show, l’animation : c’est un moyen idéal pour que les personnes ne puissent pas percer la personne que vous êtes au fond de vous.. Et c’est en même temps un peu con, parce qu’en faisant le clown, les personnes mettent deux fois plus de temps à découvrir qui vous êtes vraiment. Mais c’est comme ça, impossible de m’en empêcher…
J’arrive donc au rendez-vous partagée entre mélange d’angoisse et d’excitation. C. est déjà là.. Et elle n’est pas seule.. Je ressens alors une immense déception au fond de moi…
C fait les présentations. L’autre personne est une de ses voisines qu’elle connait depuis la primaire.
Je ne me souviens pas exactement de la tournure de sa phrase mais je comprends à demi-mots, qu’en fait, elle n'avait invité que moi au lycée. L’invitation de dernière minute de sa voisine donne vraiment l’impression qu’elle a soudainement eu la trouille d’être seule avec moi et qu’elle avait besoin d’un chaperon ou de quelqu’un pour contrebalancer et surtout me surveiller au cas où je serais une dangereuse criminelle.
Evidemment, je passe automatiquement en mode « bonne copine qui fait le clown » et plaisante avec cette personne que je ne reverrais sans doute jamais.
Nous regardons le programme et décidons d’aller voir « le fugitif » avec Harrison Ford. Dans la salle, C. est assise entre nous deux. On papote, C. me demande même comment s’est passé mon interro de ce matin. Sa copine hallucine sur le fait que j’étais en cours. Bref on échange..
Ensuite, je ne me souviens pas bien du film (il faudrait que je le revois peut être), je me souviens juste qu’à un moment Harrison Ford a une réplique qui dit :
« c’est lui le méchant ? »
Cela me fait rire, la traduction française ne rend vraiment pas hommage aux dialogues parfois..
Comme je rigole, je ne peux pas m’empêcher de dire à C. : « oui, alors tu comprends dans le film, il y a des gentils et des méchants.. c’est un peu comme un Disney quoi ! »
Elle rigole à ma blague qui, faut bien le dire, ne vaut pas 2€ mais on s’en fout. On sent bien qu’entre elle et moi, il y a comme une tension, un truc électrique que ni l’une, ni l’autre ne comprenons mais qui nous balance comme des papillons dans le ventre. C’est une sensation magique, et nous n’avons absolument pas envie que cela s’arrête..
A la fin du film, sa copine prétexte qu’elle doit y aller car elle est attendue. Elle nous demande ce que l’on va faire ensuite (sans doute traîner un peu dans les magasins) et elle nous quitte. C’est bizarre, j’ai vraiment l’impression que son départ est un signe pour dire à C. qu’elle valide, et que je suis quelqu’un de sympathique… Mais je fais comme si de rien n’était et je me demande même si je ne prononce pas un « oh c’est dommage de nous quitter, c’était sympa ! »
Et nous passons le reste de l’après-midi à errer dans les magasins : on échange sur nos goûts, sur les lectures qu’on a faite, les films, on se montre des gadgets en tout genre dans des magasins Soho qui n'existent plus aujourd'hui et ont été remplacé par "la chaise longue" et autre boutique dans le même genre.
Il y a quelques frôlements de mains électrisants que nous ne prolongeons pas de peur de ressentir des choses encore plus dingues..
Puis il faut reprendre le bus pour rentrer chez nous.
Je ne sais pas très bien ce que je ressens sur le moment. J’ai des papillons dans le ventre mais je suis totalement incapable de comprendre et de réaliser ce qui m’arrive. Je sais juste que je me sens bien avec cette fille, et que j’ai envie de passer du temps avec elle, de la faire rire, que je n’ai pas du tout envie que cette journée s’arrête et pourtant les minutes ne font que défiler à toute allure…
Dans le bus, nous nous installons dans la porte avant à côté du conducteur. C’est rigolo parce que ça ne me viendrait plus à l’idée de rester à cet endroit-là aujourd’hui lorsqu'il y a de la place dans le bus..
Pour masquer ma tristesse de se quitter, je fais encore plus le clown que d’ordinaire.. Je plaisante non-stop, limite je commence à taper la discut’ avec le chauffeur du bus… Punaise mais pourquoi le soir où il faudrait des embouteillages, ça roule nickel ??
Je sens que C. a l’air préoccupée. Elle me sourit, elle rit à mes blagues et mon côté clown. Mais elle a aussi envie que je sois calme et tente de me calmer comme elle peut. Elle me fait comprendre qu’elle veut me parler, elle a l’air d’avoir un truc à me dire, un truc important.
Je sens que c’est vraiment important, tellement important que j’accentue encore mon côté clown..
Je veux entendre ce qu’elle a à me dire et en même temps, je ne veux pas. J’ai la trouille.. La trouille comme jamais de ce qu’elle pourrait me dire.. Je ne suis clairement pas la seule à avoir ressenti les papillons… Même si on est jeunes, on sent bien que ce n’est pas vraiment le début d’une amitié normale même si on fait tout pour faire comme si de rien n’était..
Je fais le clown encore, j’ai trop peur d’entendre quelque chose que je ne voudrais pas entendre..
Et tout d’un coup, je vois qu’elle ne sait pas comment faire, qu’elle a l’air mal et je m’inquiète. Je n’aime pas la voir si mal, ça me fout un coup au cœur.
Moi continuant à faire le singe avec les barres du bus comme si de rien n’était : « ça va ? tu te sens bien ?
Elle collée contre la vitre de la porte - oui, enfin, non, enfin, je ne sais pas, je … pfffffiouuuuuu… Non mais surement que… mais quand même c’est…. Je sais pas….
Moi trouvant qu’elle parle vraiment trop fort et que le chauffeur du bus pourrait entendre ce qu’elle dit :
- non mais ça va, t’inquiète ça va aller... (hop ! clown !)
Et tout d’un coup elle me balance la petite phrase qui va me mettre la tête à l’envers pour tout le reste du week-end.
« Non mais tu te rends compte que c’est juste tellement plus fort qu’avec un mec ? »
Je suis désarçonnée.. Mon cœur explose de joie, J'ai envie de courir un 100m! Je déborde d'une énergie encore plus folle que d'habitude mais je ne veux rien montrer. Y'a le chauffeur du bus qui nous observe et nous écoute, j'en suis sure... J’ai une envie de dingue de la prendre dans mes bras, mais toujours ce putain de chauffeur de bus.. Mais pourquoi on s'est pas installé ailleurs dans ce bus??
Mon éducation bourgeoise coincée reprend alors le dessus..
« Mais non, t’inquiète, ça va passer… » et je fais le clown encore et encore pour me donner une contenance, pour nous donner une contenance.
Elle m’observe mi-surprise, mi-déçue, mi-rassurée. Je ne saurais dire… Mais nous n’avons quasiment pas le temps d’échanger là-dessus car mon arrêt arrive.. Je lui dis alors :
« Merci pour cette super journée, j’ai vraiment adoré, passe un bon dimanche. On se voit lundi ! » Et je lui claque une bise comme si elle ne m'avait rien dit...
Je la laisse à ses émotions, dans ce bus qui l’entraîne loin de moi, et je m’assois sur le premier banc que je trouve pour reprendre mes esprits.
Je n’ai pas vu la journée passer. C’était comme dans un rêve et c’est toujours le souvenir que j’en garde aujourd’hui.. J’espère que le froid a fait passer le rouge qui m’est monté jusqu’aux oreilles, et je rentre chez moi comme si de rien n’était.
J’ai juste une petite flamme qui s’est allumé au fond de moi.. Elle me tient chaud, je me sens bien…
Comme à chaque fois que j’ai besoin de dire des choses importantes, je ressens le besoin d’écrire.. Et je crois que ce soir, je vais écrire une lettre.. une longue lettre… Et la destinatrice, ce sera C. bien entendu…
Fin du 3ème épisode.