Il me semble impossible de discuter un peu sérieusement de ces thèmes sans y mettre un peu de longueur. Du moins je ne sais pas le faire. Que faire alors ?
A la question : est-il bon de mentir ou faut-il toujours dire la vérité ? nous avons presque tous répondu : ça dépend du contexte. Mais pas de la même façon.
Presque, parce que specimen défend tout d'abord le fait qu'une vérité objective ne saurait être blessante, et qu'elle devrait donc toujours être dite. Cela dit, il soutient parallèlement que, la société étant imparfaite, il y a lieu de ne pas dire la vérité n'importe comment : du mal pourrait en résulter. Dans cette lignée là, il insiste sur une logique de l'honneur, essentiellement attachée à ne pas nuire, dans une relation réciproque avec autrui quand elle est possible.
On a donc beaucoup parlé de vérité objective, dans un premier temps.
Passes d'armes entre Kefka et specimen, le premier défendant une conception globalement conventionnaliste (l'objectivité, entendue comme rapport adéquat entre les mots et les choses, est avant tout une fonction du langage et de l'arbitraire de ses conventions ) et le second une conception plus foncièrement instrumentaliste (l'objectivité, ça se trouve dans les mesures, les appareils qui servent à la mesure et les procédures de mesure et de contrôle).
C'est dans cet échange, largement entrelacé aux autres, qu'on a brassé pas mal de distinctions : concret/abstrait, validable/non validable, matériel/immatériel ; c'est là qu'on parle de mathématiques, mais aussi de la couleur "vert"- et que specimen de montre très méchant avec la philosophie

Me posait problème que dans vérité, on puisse entende deux choses : ce qui s'oppose au mensonge - la vérité comme valeur morale - et ce qui s'oppose à l'erreur - la vérité comme norme de la connaissance, à laquelle appartient l'objectivité.
Dans les deux cas, il m'a semblé que les thèse portées par Kefka étaient insuffisantes :
1. la vérité n'est pas pure affaire de convention, même si cette convention est celle, très profonde, du langage. Elle a un rapport à l'universel, ce dont une vision conventionnaliste ne peut pas rendre compte.
2. la réponse à "dire la vérité", si elle a bien u rapport à un calcul de gains et de pertes, ne peut se réduire simplement à cela Elle un rapport à notre corps propre.
Kefka n'est pas entièrement d'accord sur ces points, non résolus entre nous.
Je ponds alors quelques monstres, où je défends l'idée d'une racine commune de la vérité-morale et de la vérité-connaissance dans l'ici-maintenant, immédiat et sans dénégation, de moi et du monde tel que j'y suis.
Cette racine n'est pas suffisante pour rendre compte de la totalité du phénomène vérité : la vérité, ça se dit aux autres. Du coup, j'essaie de comprendre d'où ça vient, la vérité. Focus sur l'homme comme espèce sociale parlante. La vérité je crois, y joue un le rôle, économico-politique - existence dans l'espèce humaine de tendances à rapporter une information véridique (bienfait pour le groupe), à la manipuler à son propre profit (mentir) et à détecter les menteurs.
Je développe, plus tard, ma version du "ça dépend du contexte", en faisant valoir un rapport de la vérité à la justesse dont, à mon sens, il convient de faire preuve "en situation" - en rapport notamment avec notre corporéité au sens large corps/esprit/affect - et qui rejoint par ailleurs la notion utilitariste de Kefka, mais en la centrant sur une éthique des vertus, non pas sur le conséquentialisme plus strict de Kefka.
C'est par là, un peu avant, que Miss Hada intervient pour faire valoir que dire la vérité à quelqu'un, l'entendre de quelqu'un, ça nécessite qu'on ait une idée de l'intentionnalité de celui qui la dit et de celui qui la reçoit.
La vérité est affaire de contexte, et ce contexte n'est pas que social, il est aussi bien embarqué dans les vivants que nous sommes : un "contexte opérant". Le fait est que la vérité ne peut s'exprimer que sous les formes dans laquelle on l'attend. Sinon elle n'est pas reçue. Ce qui veut dire qu'on ne peut se laisser aller à la dire spontanément, telle qu'elle nous vient, sans parfois / souvent risquer de passer pour un menteur/un truqueur.
Du coup cette question : si on doit tordre ce que l'on croit être la vérité pour que soit reconnu comme vérité ce qu'on dit, est-ce qu'on ment ? Et doit-on alors tordre sa propre pensée ?
On en est là.