Pour l'avoir expérimenté encore récemment, les frères (ou les soeurs) ont tendance à oublier dès qu'ils ont un poste stable qu'ils ont vécu (ou auraient pu vivre) ce genre de situation où l'on ne peut qu'avoir recourt à une aide parentale (et encore, quand elle le veut bien ou qu'elle en a les moyens) pour régler x ou y problème du quotidien. Un poste stable dans leur tête ça veut dire "Je suis quelqu'un avec du pouvoir, mon avis fait loi parce que je ne connais plus la précarité. Toi, reviens à table quand tu seras stable." Eh bien sûr, ils oublient tous ces moments où toi tu as été là à les écouter parler chômage, salaire minable, découvert, pâtes à 0.50€-1€ 365 jours/an, embrouilles avec connard de patron ou connard de collègue. Ils oublient que tu ne leur reprochais rien quand les parents se plaignaient auprès de toi de combler leur découvert à la banque, de payer encore leur loyer, de leur acheter de la bouffe ; parce qu'à la fois tu peux comprendre l'agacement des uns tout comme tu peux comprendre la mauvaise passe des autres.
Et pour couronner le tout, le discours est toujours enrobé dans de l'affecte bien crasse type "Je suis ton frère / ta soeur, je te conseille, tu vaux mieux que ça."
Le CDI (ou tout autre statut stable) peut déclencher non seulement une amnésie bien pratique pour moraliser autrui mais aussi et surtout un pouvoir horrible sur les gens, c'est terrifiant.
M'enfin bon, les chiens aboient, la caravane passe, comme on dit.
