Mon frère venait passer le week-end à la maison. On est ensemble devant le portail de la maison quand je vois une silhouette familière s'approcher. Mon cœur bondit dans ma poitrine. C'est maman!!
C'est impossible mais peu importe je lui saute dans les bras de bonheur de la retrouver...
Mais c'est impossible: elle est morte.
Non pas morte, elle avait juste disparue et maintenant elle est de retour.
Il me semblait bien l'avoir aperçu dans la rue à plusieurs reprise. Mon frère me le confirme en me disant qu'il croit l'avoir vu tourner autour du terrain de tennis alors qu'il jouait.
Je ne peux m'empêcher de contempler ma maman retrouvée. C'est merveilleux, le temps semble s'arrêter pour durer une éternité.
Elle est belle, c'est normal c'est ma maman, et ma maman a toujours été très belle... Mais quelque chose m'intrigue.
- Tu sembles plus grande qu'avant, lui dis-je.
Elle enlève ses chaussures à talon afin de me montrer qu'une fois déchaussée elle atteint une taille raisonnable qui reste étonnamment grande à mes yeux. Je dois légèrement lever la tête pour la regarder. Dans mes souvenirs elle était plus petite que moi, quoiqu'il en soit ces pensées ne me tracassent guère, je sais qu'on ne peut se fier aux souvenirs alors que le présent, lui, est concret.
Alors qu'on parle je m'étonne de ne pas la voir sourire, ma mère souriait tout le temps et elle avait le plus joli des sourires.
Je lui fais la remarque:
- Tu ne sais plus sourire?
Pour me contredire elle amorce un grand sourire révélant une dentition hideuse : elle avait de toutes petites dents jaunes et noir, rongées et rangées pelle-mêle dans sa bouche.
Je me demande ce qui a bien pu se passer pour qu'un si joli sourire en arrive à ce point, et je me dis que durant toutes ces années d'absence elle a du vivre en sdf et que ces conditions de vie ne sont jamais bonnes pour la santé, et encore moins pour la santé de nos dents.
Je la regarde à nouveau, toujours en levant la tête.
Soudain quelque chose me frappe, je regarde ses yeux et je n'y vois pas de grands et beaux yeux noirs, mais de petits yeux d'un bleu myope. Le voile tombe et mon cœur se brise.
Ses yeux sont terne, sa peau est pale, ses chicots pourri, elle est trop grande, trop massive, elle a plus le physique d'une bûcheronne russe que celui d'une beauté maghrébine.
Ce n'est pas ma mère.
Comment ai-je pu la confondre avec ma mère? Mis à part sa perruque qui porte vaguement la même coupe que la sienne, il n'y a rien en commun... Et encore cette perruque tire vraiment sur l'orange et ma mère n'aurait jamais fait une couleur si artificielle.
Comment peut on faire ça? Comment peut on se faire passer pour un mort auprès de ses enfants, c'est cruel!
Quelque temps plus tard je me retrouve sur le terrain de volley-ball, une jeune fille ricane avec ses amies tout en me regardant puis elle me dit :
- Alors tu as rencontré ma mère?
Je comprend que l'usurpatrice n'était autre que la mère de cette dernière.
Mais pourquoi me punir ainsi?
Elle m'explique que lorsqu'on jouait au volley je me moquais d'elle, je riais parce qu'elle n'était pas à l'aise avec la balle, que de toute façon elle n'aimait pas le sport et que c'était pas la peine de rendre l'acte plus désagréable qu'il ne l'est déjà! C'est pour ça que sa mère nous a joué ce petit tour...
Je ne me suis jamais moquée d'elle! Je souriais peut être lorsqu'elle fuyait la balle telle une boule enflammée mais je ne me suis jamais moquée! Ce n'était pas un sourire moqueur, je souriais avec tendresse elle me rappelait une amie à moi du collège et ça suffisait à me faire sourire.
Elle s'appelait Sophie et n'aimait pas vraiment le sport elle non plus... Alors que personne ne voulait se mettre dans son équipe je la choisissais toujours comme partenaire, je l’entraînais, je lui montrais les gestes pour qu'elle s'améliore, je lui lançais les balles a sa porté avec la plus grande douceur possible. Lorsqu'on jouait en équipe et qu'elle évitait les balles les plus violentes je m’efforçais de rattraper toutes ces balles qui lui était destinés. Ça ne m'embêtait pas, j'aimais bien ça et on fonctionnait bien ensemble.
J'ai toujours aidé les plus faibles que moi, je ne me suis jamais moqué de quelqu'un en difficulté, j'ai toujours répondu aux question bête en j'en ai même posé, je suis une bonne âme toujours prête à aider un inconnu dans la rue.
Pourquoi les gens cherchent le mal là où il n'y est pas? Pourquoi moi?
On se retrouve au procès, escroquerie, manipulation et tentative de fraude telles sont les accusations contre la mère usurpatrice. Elle voulait avec cet arrangement retirer de l'argent (une histoire d'allocation ou quelques chose comme ça).
Au cours des audiences d'un cœur empli de bonté je retire ma plainte. Il faut dire que j'aime me faire grand seigneur, une part d'orgueil n'est pas absente de cette décision mais je voulais surtout arrêter là ce qui prenait des proportions inimaginables.
J'ai beau être une bonne âme je ne suis pas complètement stupide et je veux lui donner une petite leçon : on la contraint à payer et remplacer les pneus de la voiture. Ça lui apprendra!
Fin.
Constat : Il faut que je me remette à conduire et à faire du sport.
Deuil : toujours en cours.
Confiance en l'humanité : décroissante.
Orgueil : reprend du poil de la bête!