Paulette a écrit :que Barbara Cartland se rassure, elle conservera son pubic indemne
Lapsus ? Révélateur ?
Sinon pour ajouter aussi mon grain de sel (elles vont être sacrément salées les pâtes à force

) : je n'ai jamais compris pourquoi la bédé était si souvent comparée à la littérature et quasiment jamais à la peinture. Pour moi et d'autres, la bédé n'est pas un sous genre de la littérature, elle n'est pas un sous genre de la peinture, c'est un art à part entière. Pour en avoir une démonstration, je vous engage à lire la BD
l'Art Invisible de Scott Mc Loud L'auteur y montre à quel point l'essentiel du sens que l'on met dans une bande dessinée se trouve ailleurs que dans les cases : en effet, la rupture dans la narration que sont les cases permet à l'imagination de travailler et, si la plupart du temps on est guidé, certains auteurs comme Gilbert Hernandez (Love and Rockets) utilise les cases comme autant de points de rupture dans la narration, il peut se passer 5 secondes entre deux cases comme 5 ans, on a pu changer de lieu ou pas. C'est à nous, lecteurs, de faire la connexion.
Après, une bande dessinée peut très bien ne pas avoir de texte. La bande dessinée est souvent appelée Art Séquentiel (même si finalement ce n'est pas que ça). On pourrait dire que les hommes préhistoriques en faisaient, en dessinant leurs scènes de chasse. Les Egyptiens aussi, avec les dessins sur leurs amphores qui décrivaient des scènes de la vie de tous les jours, avec un enchainement de situations. On pourrait dire que la bande dessinée a précédé la littérature.
J'ai pas "étalé ma science" juste pour le plaisir, mais par rapport à ce qui a été dit, par rapport à l'utilité de retranscrire en bédé ce qui a déjà été retranscris en littérature. Ce serait le même art, déjà ce droit serait indiscutable : sinon, on peut se demander quelle a été l'utilité que Marion Zimmer Bradley écrive sa version des légendes arthuriennes. Il s'agit d'une vision différente, un interprétation particulière, une variation sur le même thème. Après, en ce qui concerne la transcription d'un art à l'autre : quelle a été l'utilité pour De Vinci de peindre la Cène, alors que pourtant elle est très bien décrite dans la bible ? Alors ok, je ne parle pas de récits historiques là, mais c'est justement pour dire que dans le cas de l'histoire, comme l'a dit Potiron ou Paulette, je ne sais plus, la variété des témoignages permet clairement l'objectivité, la richesse de la "vérité historique", qui n'est pas la Vérité et ne le sera jamais. Et enfin, le seul fait que la bande dessinée devienne un art encore plus populaire que la littérature auprès des jeunes générations justifie à mes yeux qu'une bédé telle que Maus existe. Mais pour finir, il n'y aurait pas l'argument du témoignage, pas celui de l'accessibilité du média, cette bédé serait justifiée, parce que justement l'art ne se justifie pas. (l'ordre juste, chevillé au corps

).
Mais on peut quand même se poser la question : Maus est-elle une oeuvre d'art ? A chacun sa définition de l'art. Pour moi c'est un moyen que l'homme a trouvé pour sonder son esprit et le représenter pour ensuite projeter sa pensée sur ses semblables. Du coup l'Art n'est pas forcément le Beau. Il peut très bien être désagréable à regarder, entendre, toucher, goûter, sentir. Mais à partir du moment où quelque chose a été réalisé par l'homme pour toucher les spectateurs et qu'il en touche une partie au point que ceux-ci puissent dire autre chose que "ouais c'est bien, ouais c'est nul", c'est une oeuvre d'art.
Donc pour moi, Maus est clairement une oeuvre d'art, j'adhère aux choix faits par l'auteur pour nous emmener dans son monde et dans l'Histoire, comme le choix de la bédé animalière qui permet au lecteur d'identifier qui est qui, le trait simple, pour mieux universaliser le propos. Le fait qu'on ne voit jamais de personnalité de l'époque pour évidemment faire ressentir le vécu intime de son père. Le noir et blanc pour mieux marquer la noirceur du récit. L'humour qui se dégage parfois au dépends du père pour mieux faire comprendre le décalage entre le père et le fils. Bref, cette bédé m'a beaucoup plus touché que la description dure et froide de Nuit et Brouillard par exemple, parce que réellement ancrée dans la vie de l'auteur, proche de nous par certains aspects. Il ne fait pas non plus "d'angélisme", montre certaines situations où des victimes deviennent les bourreaux, où le chacun pour soi avait triomphé.
Enfin, juste pour préciser, je ne juge pas du tout le fait qu'on n'aime pas Maus ou bien qu'on ne soit pas touché par cette bédé, ou qu'on le soit moins que par d'autres oeuvres : cette appréciation est évidemment personnelle, elle n'a pas à être universelle, quand on parle d'art on parle de soi avant tout, de sa propre perception. C'est aussi une des utilités de la multiplication des témoignages et des médias : toucher le maximum de personnes de manière différente et sur le même sujet.