Arrivé au quart, je n'accrochais absolument pas, le bouquin m'avait laissé la même impression que si j'avais regardé le générique d'un film, impatient que quelque chose se passe, avant de me rendre compte que ce que je prenais pour le générique n'était autre que le film lui même. Mon niveau d'anglais étant suffisamment bon, je comprenais bien les évènements (peut être qu'un niveau de lecture m'a échappé par contre), mais je n'avais aucun empathie avec les personnages, ce livre me faisait profondément chier.
Je me suis forcé à lire jusqu'à la moitié, parce que mon égo en aurait pris un coup de ne pas le finir. Je me suis retrouvé complètement emporté dans cette mécanique lugubre, ou des personnages qui n'avaient pour moi aucun relief, et aucune existence autre que syntaxique et grammaticale - les palpitantes aventures d'un groupe de meubles - commençaient à se retrouver embarqués dans une spirale de fausseté et d'auto destruction. J'en étais rendu à lire à propos de la profonde intensité de ce qui était à mes yeux un néant absolu. C'est finalement la fatigue qui m'avait aidé à lâcher le bouquin, et depuis je lui voue une haine des plus profondes.
Je l'avais emmené dans mon voyage en Angleterre, et malgré trois tentatives, je n'ai jamais réussi à le laisser dans la collection de livres de ma famille d'accueil (j'avais l'impression de leur faire un cadeau empoisonné, alors que mon intention était de le leur laisser sans les prévenir), je l'ai donc ramené en France un peu honteux. Il est resté à traîner sur mon bureau pendant des semaines, parce que je n'osais pas y toucher pour éviter d'être tenté de le lire. Puis je l'ai caché dans la bibliothèque de mes parents. Sauf qu'étant le seul à lire en anglais, ma mère a cru bon de le déplacer pour le remettre avec mes autres bouquins en anglais. Désemparé, j'ai vaguement essayé de convaincre des amis de me le prendre, mais il faut dire que je n'en faisais pas particulièrement une bonne pub.
Finalement au bout de quelques années, où la vue du bouquin me mettait toujours mal à l'aise, mais où je me démerdais pour l'éviter, un ami à qui j'avais parlé de ce malaise profond que m'inspirait ce livre m'a donné un lien vers la bande annonce du film. Curieux, j'ai cliqué. Tout s'est très bien passé les premières minutes, l'accent anglais attirait mon attention, les acteurs donnaient un peu de vie à mes personnages. Et puis tout d'un coup, j'ai reconnu le bouquin dans la bande annonce, à travers des répliques, et l'intrigue qui commençait à apparaitre. J'ai arrêté la lecture (de la vidéo), je me suis précipité dans ma chambre et j'ai à nouveau caché le livre dans la bibliothèque de mes parents.
Et là du coup, j'ai profité de mon déménagement pour "oublier" de le prendre