Nina Bouraoui. Je pense que vous êtes un certain nombre à avoir entendu parler de son livre Mes Mauvaises Pensées, qui a gagné le prix Renaudot en 2005. J'avais quinze ans, j'étais en troisième, ou peut-être en seconde, et sur le coup, ça ne m'a absolument pas marquée. Pour mes seize ans, mes grands-parents m'ont emmenée choisir un cadeau. Je suis entrée dans une librairie, j'ai regardé autour de moi, et j'ai vu ce livre, en poche. Le titre me disait vaguement quelque chose, j'ai lu la première page.
Je viens vous voir parce que j’ai des mauvaises pensées. Mon âme se dévore, je suis assiégée. Je porte quelqu’un à l’intérieur de ma tête, quelqu’un qui n’est plus moi ou qui serait un moi que j’aurais longtemps tenu, longtemps étouffé. Les mauvaises pensées se fixent aux corps des gens que j’aime, ou aux corps des gens que je désire, je me dis que l’histoire des tueurs commence ainsi, cela prend la nuit, jusqu’au matin. J’aimerais me défaire de mon cerveau, j’aimerais me couper les mains, j’ai très peur, vous savez, j’ai très peur de ce que je suis en train de devenir, je pense à A., le philosophe qui poignarda sa femme ; je crois que c’était comme dans un rêve pour lui, j’ai si peur que mon crime arrive ainsi, dans un demi-songe, dans un état où je ne contrôlerais plus rien.
Et j'ai eu très peur. Très peur parce que j'avais exactement l'impression de lire ce que je ressentais. J'ai tourné en rond, cherché d'autres livres, choisi un Anna Gavalda et puis... je suis revenue à Nina Bouraoui. Je l'ai pris. J'ai pensé qu'il pourrait peut-être m'aider. Mon cœur battait fort, je tremblais. Je suis rentrée et je l'ai lu. J'ai eu du mal, un peu, parce qu'il y a peu de points, aucun paragraphe. Mais j'ai aimé. Même si elle y évoque beaucoup son métissage, sa recherche de l'identité, qui sont éloignés de moi. Et ma ville, aussi. Connaître des lieux...
Et puis j'ai acheté Poupée Bella. Qui était bien aussi. Il m'a moins touchée mais il y a une ambiance particulière, comme hors du temps, comme... des parcelles, des bribes. C'était déjà un peu le cas dans Mes Mauvaises Pensées (qu'elle a écrit après, mais je l'avais lu avant), mais différemment.
Et puis ensuite... La Vie Heureuse. Récit d'adolescente, en Suisse. L'Amour, celui pour les filles. Qu'il est beau, ce livre. Mon préféré d'elle, je crois. Peut-être parce que je comprends certaines choses.
Garçon Manqué. Une déception, un récit plus ancien. Je l'ai terminé mais je suis restée en suspend.
Pour finir, tout récemment : Appelez-moi par mon prénom. Exit les amours entre filles ou entre garçons, une histoire, une correspondance entre une auteure et un lecteur. Le désir monte, puis c'est l'Amour. Un beau livre, des mots magnifiques.
Nina Bouraoui écrit magnifiquement bien, oui. Elle est magique, elle sait les mots et... comment vous dire. Regardez-la, écoutez-la parler (ici ou là par exemple). Elle est très belle, elle a une présence incroyable, elle est simple et... vraiment, son œuvre coupe le souffle. J'ai très envie de relire ces livres, les trois premiers que je n'ai pas ouverts depuis un an.

Elle me touche, oui.
