Itinéraire d'un triangle rose
Itinéraire d'un triangle rose
Je viens de finir ce livre : "itinéraire d'un triangle rose, témoignage du dernier survivant déporté pour homosexualité", tel que le présente le bandeau de l'éditeur.
Ce survivant, il s'appelle Rudolf Brazda, né en 1913 en Allemagne. A travers son histoire, on découvre que l'Allemagne pré-nazie était très tolérante vis-à-vis des homo, qui pouvaient s'afficher librement sans crainte de répression. C'est ainsi que Rudolf partagera la vie de son premier amour jusqu'à ce que celui-ci soit appelé sous les drapeaux, en pleine montée du nazisme. En 1937, Rudolf sera condamné pour cette relation à 6 mois de prison. Le climat commence déjà à se détériorer.
Compte tenu de ses origines tchécoslovaques, il est contraint de quitter l'Allemagne (il est considéré comme étranger avec antécédents judiciaires...). Ne parlant qu'allemand, il s'installe près de la frontière, et se débrouille pour s'intégrer comme il peut, et rencontre d'autres hommes, dans une région rapidement annexée par le Reich. En 1942, il est mis en détention de sûreté dans le cadre d'une affaire concernant deux de ses connaissances pour délit d'homosexualité, et pour laquelle il est poursuivi depuis 1941. Le début d'une longue période d'incarcération...
A peine 2 mois après, il est interné au camp de Buchenwald, et y restera jusqu'à la libération du camp, soit un peu moins de 3 ans. Il y découvre le système hiérarchique au sein des détenus, et le traitement réservé aux triangles roses tant par d'autres déportés que par les SS s'ils se font trop remarquer. Pour autant, on apprend aussi que les déportés cèdent à des relations entre hommes, en l'absence totale de femme, et que Rudolf, jeune et beau, profite de ce fait pour ne pas être trop inquiété.
Il survivra ainsi jusqu'à la libération du camp. Un matin d'avril 1945, quelques coups de feu résonnent, et les déportés découvrent un camp abandonné par les SS. Ils s'empressent de le sécuriser et d'organiser sa gestion jusqu'à l'arrivée des soldats américains. Rudolf a échappé à une marche forcé, organisée régulièrement depuis quelques temps pour "évacuer" les prisonniers, en se cachant dans la porcherie du camp. Il s'en est fallu de peu pour qu'il ne connaisse pas la libération.
Il décide alors, avec un compagnon de Buchenwald, de partir en France. Il finit par s'installer à Mulhouse, où il rencontrera le deuxième homme de sa vie, avec qui il partagera 50 ans de sa vie, jusqu'au décès de celui ci en 2003. Il acquerra la nationalité française en 1960. Aujourd'hui Rudolf partage son témoignage et participe aux cérémonies rendant hommage aux déportés pour homosexualité, lui qui avait gardé le silence jusqu'en 2008.
"Je ne regrette rien, pas même Buchenwald" (je cite de mémoire)
Ce survivant, il s'appelle Rudolf Brazda, né en 1913 en Allemagne. A travers son histoire, on découvre que l'Allemagne pré-nazie était très tolérante vis-à-vis des homo, qui pouvaient s'afficher librement sans crainte de répression. C'est ainsi que Rudolf partagera la vie de son premier amour jusqu'à ce que celui-ci soit appelé sous les drapeaux, en pleine montée du nazisme. En 1937, Rudolf sera condamné pour cette relation à 6 mois de prison. Le climat commence déjà à se détériorer.
Compte tenu de ses origines tchécoslovaques, il est contraint de quitter l'Allemagne (il est considéré comme étranger avec antécédents judiciaires...). Ne parlant qu'allemand, il s'installe près de la frontière, et se débrouille pour s'intégrer comme il peut, et rencontre d'autres hommes, dans une région rapidement annexée par le Reich. En 1942, il est mis en détention de sûreté dans le cadre d'une affaire concernant deux de ses connaissances pour délit d'homosexualité, et pour laquelle il est poursuivi depuis 1941. Le début d'une longue période d'incarcération...
A peine 2 mois après, il est interné au camp de Buchenwald, et y restera jusqu'à la libération du camp, soit un peu moins de 3 ans. Il y découvre le système hiérarchique au sein des détenus, et le traitement réservé aux triangles roses tant par d'autres déportés que par les SS s'ils se font trop remarquer. Pour autant, on apprend aussi que les déportés cèdent à des relations entre hommes, en l'absence totale de femme, et que Rudolf, jeune et beau, profite de ce fait pour ne pas être trop inquiété.
Il survivra ainsi jusqu'à la libération du camp. Un matin d'avril 1945, quelques coups de feu résonnent, et les déportés découvrent un camp abandonné par les SS. Ils s'empressent de le sécuriser et d'organiser sa gestion jusqu'à l'arrivée des soldats américains. Rudolf a échappé à une marche forcé, organisée régulièrement depuis quelques temps pour "évacuer" les prisonniers, en se cachant dans la porcherie du camp. Il s'en est fallu de peu pour qu'il ne connaisse pas la libération.
Il décide alors, avec un compagnon de Buchenwald, de partir en France. Il finit par s'installer à Mulhouse, où il rencontrera le deuxième homme de sa vie, avec qui il partagera 50 ans de sa vie, jusqu'au décès de celui ci en 2003. Il acquerra la nationalité française en 1960. Aujourd'hui Rudolf partage son témoignage et participe aux cérémonies rendant hommage aux déportés pour homosexualité, lui qui avait gardé le silence jusqu'en 2008.
"Je ne regrette rien, pas même Buchenwald" (je cite de mémoire)
Re: Itinéraire d'un triangle rose
Il est temps qu'on s'intéresse à cette question, trop longtemps occultée, gênante pour beaucoup de monde apparemment. Une idée de lecture intéressante.
Re: Itinéraire d'un triangle rose
Sur le même sujet, deux proposition de lecture:
Moi, Pierre Seel, déporté, homosexuel de Pierre SEEL (Calmann-Levy)
Le triangle rose : la déportation des homosexuels Jean BOISSON (R. Laffont)
Pour celles et ceux que ça intéresse, on peut entendre Pierre Seel, déporté homosexuel qui s'est battu toute sa vie pour faire reconnaitre la déportation des homosexuels en France, qui témoigne sur son passé de déporté dans l'émission de France inter, Là-bas si j'y suis diffusée en 2005 qui est archivée ici.
Moi, Pierre Seel, déporté, homosexuel de Pierre SEEL (Calmann-Levy)
Le triangle rose : la déportation des homosexuels Jean BOISSON (R. Laffont)
Pour celles et ceux que ça intéresse, on peut entendre Pierre Seel, déporté homosexuel qui s'est battu toute sa vie pour faire reconnaitre la déportation des homosexuels en France, qui témoigne sur son passé de déporté dans l'émission de France inter, Là-bas si j'y suis diffusée en 2005 qui est archivée ici.
Re: Itinéraire d'un triangle rose
C'est pour cela que j'incite mes connaissance gay et lez d'éviter de laisser des traces... Ce n'est pas parce qu'on vit une période où il est possible d'être visible que les retours en arrière ne sont pas possibles... l'Histoire est pleine de retours en arrière !Darkel a écrit :A travers son histoire, on découvre que l'Allemagne pré-nazie était très tolérante vis-à-vis des homo, qui pouvaient s'afficher librement sans crainte de répression. C'est ainsi que Rudolf partagera la vie de son premier amour jusqu'à ce que celui-ci soit appelé sous les drapeaux, en pleine montée du nazisme. En 1937, Rudolf sera condamné pour cette relation à 6 mois de prison. Le climat commence déjà à se détériorer.
Compte tenu de ses origines tchécoslovaques, il est contraint de quitter l'Allemagne (il est considéré comme étranger avec antécédents judiciaires...).

Re: Itinéraire d'un triangle rose
Ça me paraît tout de même paranoïaque.Miss Hada a écrit :C'est pour cela que j'incite mes connaissance gay et lez d'éviter de laisser des traces... Ce n'est pas parce qu'on vit une période où il est possible d'être visible que les retours en arrière ne sont pas possibles... l'Histoire est pleine de retours en arrière !Darkel a écrit :A travers son histoire, on découvre que l'Allemagne pré-nazie était très tolérante vis-à-vis des homo, qui pouvaient s'afficher librement sans crainte de répression. C'est ainsi que Rudolf partagera la vie de son premier amour jusqu'à ce que celui-ci soit appelé sous les drapeaux, en pleine montée du nazisme. En 1937, Rudolf sera condamné pour cette relation à 6 mois de prison. Le climat commence déjà à se détériorer.
Compte tenu de ses origines tchécoslovaques, il est contraint de quitter l'Allemagne (il est considéré comme étranger avec antécédents judiciaires...).
Les périodes précédentes de tolérance (République de Weimar pour l'exemple fourni) n'avaient rien laissé dans le droit, dans les institutions : tout était une simple tolérance, un oubli dans une période tourmentée. Aujourd'hui, le mariage généralisé est du domaine du droit dans plusieurs pays, les intolérances institutionnelles sont toujours à combattre, notamment dans les pays à dominante musulmane où il y a aussi beaucoup de chemin à faire pour les droits des femmes, mais la situation me semble totalement différente que dans les années 30...
Ceci, il faut rester vigilant, les intolérants de tout poil sont toujours prêts à continuer leurs méfaits, il ne faut pas relâcher la garde et continuer à se défendre, comme toute minorité si facile à transformer en bouc émissaire.
Re: Itinéraire d'un triangle rose
Une chose que j'ai apprise et qui m'a étonnée dans ce livre, c'est qu'en France, avant l'occupation et la mise en place de la politique nazie, dont la condamnation de l'homosexualité, il y avait eu une période de 140 ans pendant laquelle l'homosexualité avait été dépénalisée (en 1791, par l'Assemblée constituante).La France est alors le premier pays a ne plus condamner l'homosexualité, ce sur quoi Napoléon et ses successeurs ne reviendront pas. Rappelons qu'après la guerre, il faudra attendre 1982 pour à nouveau ne plus être considérer comme criminels.
Re: Itinéraire d'un triangle rose
Une loi ça se change et ce ne sont pas nos hommes et femmes politiques actuels qui diront le contraire... 140 ans ce n'est rien face à la haine, alors 28 ans et quelques...Darkel a écrit :il y avait eu une période de 140 ans pendant laquelle l'homosexualité avait été dépénalisée (en 1791, par l'Assemblée constituante).La France est alors le premier pays a ne plus condamner l'homosexualité, ce sur quoi Napoléon et ses successeurs ne reviendront pas. Rappelons qu'après la guerre, il faudra attendre 1982 pour à nouveau ne plus être considérer comme criminels.
Re: Itinéraire d'un triangle rose
J'ai trouvé ce sujet tellement intéressant que je fais mes TPE là-dessus.
Comme un "hommage" à ces oubliés de la mémoire..
Moi, Pierre Seel, Déporté Homosexuel est émouvant, dans la mesure où on sent encore cette rancœur chez lui, où on sait qu'il ne peut pardonner cet acte de barbarie aux allemands.
Je n'ai pas lu Itinéraire D'un Triangle Rose, mais on m'a dit que Rudolf Brazda ne regrette rien, que le témoignage n'est pas lourd en ressentiments, mais plutôt heureux. Je ne sais pas.
Il y a aussi le documentaire Paragraphe 175 qui est absolument à voir. Touchant.
Si vous avez d'autres références, n'hésitez pas, cela pourrait m'aider dans mes travaux et dans ma recherche de problématique!
Comme un "hommage" à ces oubliés de la mémoire..
Moi, Pierre Seel, Déporté Homosexuel est émouvant, dans la mesure où on sent encore cette rancœur chez lui, où on sait qu'il ne peut pardonner cet acte de barbarie aux allemands.
Je n'ai pas lu Itinéraire D'un Triangle Rose, mais on m'a dit que Rudolf Brazda ne regrette rien, que le témoignage n'est pas lourd en ressentiments, mais plutôt heureux. Je ne sais pas.
Il y a aussi le documentaire Paragraphe 175 qui est absolument à voir. Touchant.
Si vous avez d'autres références, n'hésitez pas, cela pourrait m'aider dans mes travaux et dans ma recherche de problématique!

Re: Itinéraire d'un triangle rose
En effet Rudolf Brazda dit ne rien regretter, pas même Buchenwald. Et effectivement par rapport à d'autres témoignage de déporté (par exemple Primo Levi), ce témoignage ci ne nous bouleverse pas émotionnellement, et s'attache en règle générale à plutôt décrire la situation globale, à travers l'histoire de Rudolf. Je pense que c'est cet approche des choses qui fait que ce n'est pas un livre "dur" à lire.
Re: Itinéraire d'un triangle rose
Notons également que le degré d'émancipation des femmes va le plus souvent de paire avec celui des homos : "Le degré de l'émancipation de la femme est la mesure naturelle de l'émancipation générale." écrivait le très gay-friendly Charles Fourrier dans sa Théorie de l'unité universelle.Aujourd'hui, le mariage généralisé est du domaine du droit dans plusieurs pays, les intolérances institutionnelles sont toujours à combattre, notamment dans les pays à dominante musulmane où il y a aussi beaucoup de chemin à faire pour les droits des femmes, mais la situation me semble totalement différente que dans les années 30...
Pour la période qui va de la Révolution à Vichy, il faut rappeler la fameuse anecdote Napoléon-Cambacérès. Ce dernier arrivant en retard à un rendez-vous avec l'Empereur, avait prétexté avoir été retenu en galante compagnie. A quoi Napoléon avait rétorqué : "Quand on a rendez-vous avec l'Empereur, on dit à ces dames de prendre leurs cannes et leurs chapeaux et de foutre le camp."
Plus généralement, le fait que la dépénalisation ait été maintenue, notamment lors de la Restauration (qui avait aboli le divorce, rétabli d'abord par la Commune, puis très progressivement par la IIIe république) est assez surprenant quand on sait à quel point ce fut la revanche de l'Eglise sur la Révolution et ses valeurs.
Il n'en demeure pas moins que dépénalisée, l'homosexualité restait très mal vue. A tel point que Proust avait féminisé Albert en Albertine, que Mauriac observait le plus grand silence sur son homosexualité, ou que Cocteau publiait son Livre blanc anonymement.