Je viens à vous en ce jour saint pour vous parler de la dernière projection cinématographie à laquelle j’ai été convié. Il s’agit de Babylon AD, la très libre adaptation de l’excellent bouquin Babylon Babies du non moins excellent Maurice G. Dantec. Réalisé par Mathieu Kassovitz à qui l’on doit La Haine ou encore Gothika, ce film s’offre un casting sino-franco-yankee pas trop dégueu sur le papier : Vine Gazoile, Michelle Yeoh, Lambert Wilson, Charlotte Rampling, Gérard Depardieu et Mélanie Thierry.
Adapter du Dantec est un exercice casse-gueule - qui a donné par le passé un ratage en bonne et due forme : La Sirène Rouge – tant le bonhomme a un univers qui lui est propre. Poète de la schizophrénie cybernétique et fin observateur géopolitique, Dantec a créé avec ses trois premiers bouquins un monde glauque, dégueulasse, violent, flippant, complexe mais terriblement attirant dans lequel j’adore me perdre. Vous l’aurez compris : je suis assez fan de son œuvre. De facto, j’attendais avec une impatience grandissante mêlée d’une certaine appréhension cette adaptation.
Dire que j’ai été déçu serait un doux euphémisme. Tiby chéri vous dirait que ce film est intrinsèquement merdique. Il aurait on ne peut plus raison : c’est une téra-bouse à des parsecs du génial bouquin ! Kassovitz, aidé par un scénariste débile congénital et des dialoguistes trisomiques, a totalement dénaturé l’œuvre de Dantec pour en faire un pop-corn movie dont la nullité abyssale n’a d’égale que la longueur sur laquelle elle s’étend. Cette belle brochette d’abrutis n’a gardé qu’un dixième de la substance du livre ( un bout simpliste de la trame et quelques scènes d’action ), supprimant tout ce qui aurait pu susciter chez le spectateur au moins deux secondes de réflexion ( la géopolitique, la métaphysique, l’Histoire, la religion et son emprise sur les sociétés, l’horreur des guerres, les idéaux pour lesquels on se bat et j’en passe ! ). Ici, tout n’est quasiment que prétexte à faire exploser des trucs, casser des machins et tirer sur des bidules.
C’est pas clair ? Non ? Alors développons !
La trame ( de Kassovitz ) est celle-ci : Toorop ( Vine Gazoile ) est un mercenaire dont l’expérience acquise aux fronts de différentes guerres lui vaut d’être engagé par Gorsky ( Depardieu ) pour escorter / convoyer Aurora ( Mélanie Thierry ) depuis un de ces pays des Balkans ravagés par la guerre vers New York. Il est aidé dans sa tâche par une nonne karatéka – sœur Rebecca ( Michelle Yeoh ) – qui a recueilli Aurora alors qu’elle n’était qu’un bébé. Et de l’aide, même s’il est super fort, il va en avoir besoin, ce bon Hugo Cornélius Toorop car deux bandes de vilains veulent lui shlagguer saggle pour mettre la main sur Aurora.
Je ne vous en dis pas plus au risque d’éventer le peu d’intérêt que revêt l’intrigue du film.

Haut les mains, peau d'lapin ! - ça faisait longtemps !
L’histoire simplifiée à l’extrême ne serait rien sans une réalisation bordélique au possible, un découpage narratif absurde et une mise en scène copieusement foirée. C’est simple : ici, tout est mal pensé ! Les chorégraphies de bastons sont à vomir ( y’avait pourtant de quoi faire avec le muscle-man qu’est Gazoile et Yeoh ! ) et floues la plupart du temps ; les gun-fights tout simplement à chier ; les explosions à peine plus bandantes qu’un feu d’artifice dans le jardin de l’hospice de vieux de Muflin. Tout ça sous la caméra parkinsonienne de Kassovitz. Les rares scènes « posées » ( comprendre « sans effets pyrotechniques » ) ne sont, finalement, qu’accumulation de clichés ( le bon héros qui fait tout pour sauver les miches de l’héroïne ou la vilaine salope ( Charlotte Rampling ) qui complote sournoisement avec le vilain salop Gorsky ) et guimauve dégoulinante ( qu’on est bien, assis sur de la neige artificielle à regarder une aurore boréale créée sur fond bleu en post prod et à se dire qu’on va s’en sortir ! ). C’est pitoyable à la base mais quand il s’agit de dénaturer un livre, c’est encore plus à gerber.

Ambiance funky-disco et spotlights ! \o/
Le canevas de personnages – ils sont pléthore dans le livre, peau de chagrin ici – est brodé à la va-vite et navrant de médiocrité. Il faut se rendre à l’évidence : non seulement ils n’ont rien avoir – mais alors riiiiiien du tout du tout- avec ceux du bouquin mais en plus aucun des acteurs n’est convaincant dans son rôle. Aucun ! Toorop n’est ici qu’une brutasse épaisse qui passe son temps à tout dézinguer alors que dans le livre c’est un tueur radical, certes, mais sage, intelligent et fin stratège. Aurora n’est qu’une potiche, contrairement au bouquin où son personnage est évolutif et intéressant. Gorsky et la Suprême Batarde sont ici aussi méchants et crédibles que Tom et Jerry alors que ceux de Dantec sont froids, calculateurs, redoutables et efficaces. Mais la palme du ratage revient sans conteste possible au personnage de Darquandier. Ici, on a un Lambert Wilson non seulement pathétique mais surtout son personnage est à des années lumières du Darquandier impassible, intelligent, savant et effrayant que Dantec oppose à Toorop. Et cet accoutrement de pseudo cyborg ! Mais c’est nawak putain ! Je ne parle pas du personnage de Yeoh qui a été inventé de toutes pièces et qui décrédibilise encore un peu plus le film.
J’élude encore tout un tas de choses pour l’instant – j’y reviendrai si le cœur m’en dit – pour finir avec la bande son qui est labellisée Pourrave. Foutre du Era pendant un gun fighting tourné au ralenti, fallait le faire ! Et les violons de pauvres qui doivent te tirer les larmes quand Toorop montre un visage plus humain ( encore un délire de l’équipe du film !!! ) sont plus nazes que les images qu’ils accompagnent. Vraiment, c’est à chier.
Vous vous demandez s’il y a quelque chose à sauver ? Ma foi, deux ou trois trucs, mais vraiment minimes.
La première, ce serait les deux ( seules ) touches d’humour du film : Toorop qui bute au fusil d’assaut un lapin tout mimi ( que c’était bon ! ) et Aurora qui, après avoir lâché un très sérieux «Nous allons tous mourir !» se fend d’un jovial «Bonne nuit !».
La seconde, à la rigueur, c’est Vine Gazoile que je trouve particulièrement baisable dans ce film. Les cicatrices qu’il porte, les tatouages qui parsèment son corps musclé, son torse pwalu et sa sale gueule me rendent toute chose. Franchement, il peut m’ouvrir en deux comme une figue quand il veut !
Voila voila !
J’aurais aimé vous dire que ce film est une réussite. Hélas, il n’en est rien. C’est un échec de bout en bout. Ceux qui n’ont pas lu les livres ( La Sirène Rouge, Les Racines du Mal et Babylon Babies ) verront en ce film un XXX beaucoup moins funky. Quant à ceux qui connaissent ( et apprécient ) l’œuvre de Dantec, ils ne pourront que me plussoyer et s’en retourneront, plein de regrets, vers leur bibliothèque.