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Pascal Houzelot : « Je suis fier d'user de ma position pour faire avancer la cause gay »
Un an et demi après le lancement de la première chaîne gay mondiale, Pascal Houzelot, le Président de PinkTV revient pour imédias sur la polémique autour des chiffres d'abonnement, évoque les projets de la chaîne et parle de sa relation particulière avec les hommes politiques de tous bords.
Imédias : Pour commencer, quel est le nombre d'abonnés à Pink TV aujourd'hui ?
Pascal Houzelot : Aujourd'hui, on compte à peu près 73.000 abonnés. Cela dit, ça commence à m'agacer de donner les chiffres tous les mois...
On vous le demande parce qu'il y a eu une importante polémique autour de votre parc d'abonnés...
Non, il n'y pas a eu de polémique, seulement deux articles dans la presse qui avançaient de mauvais chiffres : un premier dans le magazine Têtu l'été dernier et un deuxième rédigé dans Le Canard Enchaîné par un rédacteur bien mal informé... En réponse à ces mensonges, nous avons fait constater nos chiffres par un huissier -il nous montre le rapport-. Le problème est clos.
Comment expliquez-vous ces rumeurs ?
Les professionnels de la presse écrite qui ne sont pas soumis à l'OJD (organisme de contrôle de la diffusion de la presse, ndlr) déclarent leurs audiences sur l'honneur. Ils gonflent ainsi pour la plupart leurs chiffres de diffusion de 30 % en moyenne, tout le monde le sait. Et ils ont tendance à penser que les professionnels de l'audiovisuel sont aussi menteurs qu'eux ! Mais sur une télévision payante, il n'est tout simplement pas possible de tricher. Les abonnés, c'est notre chiffre d'affaires. Un chiffre d'affaires que je dois communiquer à mes actionnaires... Actionnaires qui sont par ailleurs ceux des opérateurs. Comment mentir ?
Depuis octobre, Pink TV a une tranche en clair. Avez-vous des chiffres d'audiences ? Etes-vous satisfait de cette nouvelle visibilité ?
Il n'y a pas de mesure d'audience sur cette tranche car ce n'est qu'une case quotidienne de 2 heures. C'est une vitrine de nos programmes qui n'a pas vocation à être élargie.
Vous aviez l'ambition de créer une chaîne gay semi généraliste, qui s'adresse autant à un public homo qu'hétéro. Un an et demi après le lancement, pari tenu ?
Nous le pensons, grâce à de bons programmes culturels et d'excellentes séries. Il n'est pas question que d'homosexualité et de musique branchée sur l'antenne, nous sommes arrivés à séduire un certain public hétéro. Mais il ne faut pas se leurrer, le grande majorité de nos abonnés est, et sera toujours, homo. Nous estimons à 20 % le nombre d'abonnés gay-friendly. Il me semble qu'une répartition de 75/25 serait plus harmonieuse.
Vous vouliez aussi éviter de tomber dans un certain « parisianisme ». Et pourtant, on parle sur Pink TV essentiellement d'évènements qui ont lieu dans la capitale...
Notre chaîne est émise de Lorient en Bretagne, difficile d'être parisien quand le berceau de la chaîne est breton ! Et je vous rappelle que je suis Bordelais, comme une grande partie de l'équipe de Pink TV. Après, ce n'est pas de notre faute si la plupart des événements culturels avant-gardistes ont lieu dans la capitale ; s'il y a plus d'opéras, de pièces avec des mises en scène audacieuses ou des expositions innovantes. Mais dès qu'il y a des évènements similaires en province, on en parle bien sûr ! Il ne faut pas oublier que nos abonnés sont à 70 % des Provinciaux et 30 % des Parisiens, c'est une représentation quasi identique de la répartition de la population en France ! Prenez par exemple, «Ca s'est passé comme ça», l'émission de Frédéric Mitterrand. Il interroge avec subtilité et élégance des personnes sur leurs premières amours. C'est soit très émouvant, soit très drôle ! Mais il arrive toujours à sortir des choses touchantes. Ce programme a un effet miroir important et rassemble, j'en suis très fier. Je vous assure qu'il y a des chaînes bien plus parisiennes !
Lors du lancement de Pink TV, vous disiez que le porno était un moteur pour les abonnements. Le reste, c'est de la communication ?
Non, je disais que le porno est indispensable à la viabilité économique de la chaîne. S'il n'y a pas de porno, ça ne nous empêchera pas de faire de très bons programmes mais nous ne pourrions peut-être pas parvenir à l'équilibre! Il n'y a peut-être que 20 % des personnes qui s'abonnent pour le film de catégorie 5 mais ce sont les 20 % qui permettent de faire notre marge. Il serait hypocrite de prétendre le contraire.
Etes-vous satisfait de Nova, la société qui a pris en charge la production de tous vos programmes depuis la rentrée ?
Globalement, oui. «Le Set» a par exemple gagné en qualité. Mais la production de nos programmes sera soumise à un nouvel appel d'offres avant la rentrée de septembre.
A la rentrée, vous parliez d'une interview de Bertrand Delanoë par Marc-Olivier Fogiel et Claire Chazal. Qu'en est-il de ce projet ?
J'ai vu Bertrand cette semaine et nous avons envisagé la possibilité de faire cette émission pour la journée mondiale de lutte contre l'homophobie, le 17 mai prochain. A suivre...
Vous avez beaucoup de séries importées de l'étranger. Peut-on envisager que Pink TV produise d'ici quelques temps sa propre série ? Une sorte de «Plus rose la vie»...
Quand on aura 500.000 abonnés, oui ! J'ai une double casquette car je suis aussi producteur de cinéma (il dirige Mosca Films, ndlr). Je serai fou de joie de produire ce genre de programmes mais ce n'est économiquement pas possible pour l'instant. En tant que producteur, je travaille sur des projets de séries très innovantes pour des grandes chaînes. Il faut espérer que PinkTV grandisse suffisamment pour qu'on puisse les diffuser chez nous.
Pink aura-t-elle droit à la première exclusivité sur vos films ?
Non, ils sont trop chers ! Vous savez comment ça marche : les premières diffusions sont signés par Canal Plus et par les chaînes hertziennes. Les chaînes du câble et du satellite viennent ensuite...
De nouvelles grandes signatures sont-elles attendues à l'antenne pour la rentrée prochaine ?
Sûrement, mais il est un peu tôt en parler. C'est drôle votre question : quand j'annonce l'arrivée de personnalités du PAF, on me dit que je fais «un coup». Et d'un autre côté, la presse ne cesse de me réclamer des noms. Nos grandes signatures ne se cantonnent pas à la figuration sur l'antenne ! Prenez Marianne James par exemple. Elle nous a offert une prestation décalée et rigolote, on est entrain de réfléchir avec elle à un numéro deux. L'apport de Frédéric Mitterrand est aussi considérable. Je suis tout aussi content de la présence de Pascal Sevran ou de Marc-Olivier Fogiel, sans oublier Claire Chazal bien sûr.
Pink TV pariera plus sur la télé-réalité ?
A partir du 19 avril, on va diffuser «Chasse à l'homme, 20 canons pour une bombe». C'est un programme étranger avec des dizaines de superbes garçons ! Nous allons aussi reconduire cet été notre programme coquin «Hot Cast», en conservant ses grands accents kitsch.
Peut-on espérer une meilleure réactivité de la chaîne sur la diffusion des séries étrangères ? Elles arrivent souvent un peu tard...
Oui, nous avons pris conscience de ce problème et nous y travaillons.
9 euros par mois, c'est cher. Peut-on attendre une baisse du prix de l'abonnement ?
Non, cela ne serait pas économiquement viable pour l'instant. En revanche, nous allons bientôt proposer chez certains opérateurs une formule à moins de 6 euros, contre un engagement de 12 mois.
Des groupes audiovisuels étrangers vous ont-ils approché pour reproduire le modèle Pink TV hors de nos frontières ?
J'ai en effet quelques discussions en cours mais il est trop tôt pour en parler.
Votre site Internet fait-il partie des axes de développement ?
Nous sommes très ambitieux sur notre site internet. Pour l'instant, il est très informatif, présente nos programmes. Mais nous comptons lancer une boutique plus étoffée dans quelques jours et un service de rencontres. Autre service attendu, la VOD (vidéo à la demande). Les programmes de PinkTV seront donc bientôt disponibles «à la carte». Enfin, nous travaillons aussi sur un signal international pour les pays étrangers.
Vous avez débuté votre carrière par la politique. A l'aube des élections présidentielles de 2007, une nouvelle génération d'hommes politiques émerge. Aucun regret d'avoir quitté les couloirs de l'Assemblée ?
A votre avis ? Je suis évidemment plus heureux dans ma position de PDG, créateur de la première chaîne gay au monde. Mais cela ne m'empêche pas de rester en contact avec des gens qui font de la politique, comme Sarkozy, Juppé, Delanoë ou Strauss-Kahn. Je ne manque pas une occasion de leur faire passer des messages précis pour faire avancer les droits des gays. Je les sensibilise sur les problèmes du mariage, de l'adoption ou encore l'homoparentalité. C'est de mon devoir, je ne les lâche pas. De cette manière, je continue à faire de la politique...
Vous avez travaillé à TF1 dans l'ombre d'Etienne Mougeotte. Etes-vous toujours consulté ? Sur la discrimination positive par exemple, la nomination d'Harry Roselmack...
Je connais bien Etienne, nous sommes amis. Je sais que le combat des minorités visibles est pour lui réel, ce n'est pas un coup marketing. Il voulait avancer sur ce sujet. Il m'avait toujours dit qu'il y aurait un présentateur noir au 20 heures de TF1, cela n'a pas été une surprise.
Patrick Le Lay a 63 ans, Etienne Mougeotte a 66. Ils n'ont pas de dauphins déclarés. Avoir lancé une chaîne de télévision vous donne une crédibilité, vous connaissez bien la maison. Candidat à leur succession ?
Je connais bien toutes les maisons de télévision aujourd'hui car j'ai la chance de les avoir toutes comme actionnaires. Mon actionnaire principal est Canal Plus. Sont également présents dans le capital TF1, M6, Lagardère, François Pinault, Pierre Bergé et quelques autres.
Raison de plus pour être candidat à TF1 !
Etienne et Patrick réussissent parfaitement leur job. Moi je suis juste un petit indépendant...
Dans quelques jours, on fêtera le premier anniversaire du lancement en France de la TNT. Quelle est la chaîne que vous regardez le plus ?
Aucune, je ne les regarde pas, je n'ai pas le temps.
Quel est selon vous le programme le plus gay-friendly du PAF, hors programmes de Pink bien sûr ?
(Silence) Il y en a encore quelques uns... Des séries en particulier comme «Six feet under», «Will and Grace» ou «Oz»...
L'arrivée de Pink aurait donc réduit la visibilité des gays sur les chaînes hertziennes ?
La visibilité des gays est partout. L'existence de Pink déculpabilise les chaînes hertziennes à diffuser en prime time des films où il y a des homos. Le succès des films comme «Brokeback Montain» ou «Truman capote» témoigne d'une grande avancée. Dans les journaux télévisés aussi, les reportages sur la gay pride ne sont plus les mêmes depuis un an et demi. Et on ne compte plus les présentateurs ou journalistes gay...
Vous avez déjà appelé un rédacteur en chef pour vous plaindre d'un reportage ?
Bien sûr. Il y a très longtemps sur TF1, à propos d'un fait divers, un journaliste, dont la langue avait fourché, avait parlé d'un «assassin homosexuel». J'avais immédiatement appelé Robert Namias, le patron de l'info, pour lui demander s'il aurait parlé «d'assassin hétérosexuel» ? Robert Namias, avec qui j'ai des relations de confiance, m'a donné raison et m'a garanti sa vigilance...
Où est-ce qu'on prend le plus de coup : dans les couloirs de l'assemblés, dans ceux de TF1 ou de Pink TV ?
Sans hésiter, le plus difficile est d'être chef d'entreprise! Surtout quand on gère deux sociétés à la fois ! Etre tout seul face à ses responsabilités, c'est vraiment ce qu'il y a de plus compliqué.