Conte de NoëLGBT : la Princesse aux trois Boucles (début)

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Dalia
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Conte de NoëLGBT : la Princesse aux trois Boucles (début)

Message par Dalia »

Pourquoi ne pas rêver un peu ? Voici un conte de Noëlgbt, pour la fin de l'année. Je n'ai pas fini de rédiger la fin, mais voici le début, j'écris la suite pour la fin la semaine prochaine. Bises à tou.te.s. Dalia.

La Princesse aux trois Boucles

Il était une fois, dans un lointain royaume, une princesse qui refusait tous les prétendants que ses parents lui présentaient. Aucun prince n’était jamais assez bien pour elle : celui-ci avait les pieds plats, celui-là était trop petit, et le troisième était trop grand. A la fin, le roi et la reine perdirent patience et décidèrent que leur fille épouserait le vainqueur du prochain tournoi de chevalerie qu’ils organiseraient.
La princesse s’enfuit du château et erra pendant des jours dans les chemins creux, se nourrissant de racines et de baies. La nuit, elle dormait à l’abri d’un rocher et au matin, elle se réveillait mouillée par la rosée qui se déposait sur la pierre. Elle qui avait toujours vécu choyée devenait de plus en plus maigre, mais elle ne voulait pas rentrer au château. Quand, un beau jour, elle entendit des clochettes du côté de la clairière. Elle s’approcha en se dissimulant derrière les buissons et découvrit une scène charmante : une bergère faisait paître ses moutons à l’endroit où le soleil éclairait la mousse et l’herbe.

La bergère avait les cheveux relevés en chignon et retenus par des rubans ; se croyant seule, elle avait remonté ses manches sur ses bras potelés et retroussé ses jupes jusqu’à la taille pour tremper ses pieds dans le ruisseau. Elle se pencha pour se laver, puis joua à donner de petits coups de pieds dans l’eau pour éclabousser un petit chien frisé qui l’accompagnait. La princesse resta fascinée. Elle n’avait jamais rien admiré de si gracieux, et elle eut envie de s’approcher pour mieux voir la bergère, et peut-être lui parler. Mais c’était oublier qu’elle avait les joues balafrées par les ronces, et une robe en lambeaux. A son arrivée, le petit chien jappa, la bergère se retourna et eut l’air effrayée : en un instant, elle réunit ses moutons et prit la fuite en sautant sur les pierres pour traverser le ruisseau à gué.

Quand la princesse arriva à l’endroit où la bergère avait disparu, il n’y avait plus qu’un léger tourbillon dans l’eau pour attester qu’elle y avait posé le pied. La princesse s’assit au bord du ruisseau et resta longtemps sous l’effet de cette apparition. Elle venait de comprendre qu’elle était devenue une créature repoussante et laide à faire peur ; et en même temps, elle sentait mieux que jamais qu’elle ne pourrait plus faire demi-tour et rentrer chez ses parents. Cette apparition l’avait émue, bien plus que tous les princes qui s’étaient présentés au château dans leurs plus beaux atours pour demander sa main.

Elle ramassa dans les buissons trois boucles de laine que les moutons avaient laissées, puis elle se mit en route et marcha longtemps, nuit et jour, jour et nuit, jusqu’à arriver dans un village où personne ne la connaissait. Un village où personne n’avait entendu parler d’un roi et d’une reine qui cherchaient leur fille. Elle frappa à la porte de la première maison, et offrit ses services pour les vendanges qui commençaient ; elle se dit prête aux tâches les plus rudes, mais sa maigreur et ses mains restées blanches et délicates lui attirèrent un refus sur chaque seuil. La seule qui la laissa entrer fut une femme aux allures de sorcière, à la longue chevelure blanche et bouclée : « Donne-moi le signe », dit-elle à la princesse en interrompant ses explications. Celle-ci n’avait rien, plus rien à elle, et encore moins à donner. Alors elle lui tendit une boucle de laine de mouton. Et la vieille lui montra dans un coin le matelas où elle pourrait dormir.

La princesse resta tout l’automne chez la vieille ; elle faisait pour elle les travaux des champs. Elle s’y prenait mal, n’avait aucune expérience et manquait de force, mais la vieille ne lui faisait jamais de reproche quand elle rapportait le raisin le soir. Peu à peu, la princesse s’habitua à sa nouvelle vie, mais la journée finie, elle s’asseyait sur le seuil et regardait le soleil se coucher vers l’ouest, en direction du château qu’elle avait quitté. Qu’étaient devenus ses parents ? Quand elle eut rentré tout le raisin, la vieille lui dit : « C’est bien. Je suis contente de toi. Tu as surmonté la première épreuve ». La princesse crût qu’elle voulait parler des vendanges, mais la vieille poursuivit : « Prends ce miroir qui a appartenu à Belle, et regarde l’image de tes parents ».

La princesse prit le miroir, et ses parents lui apparurent. Ils avaient l’air préoccupés, mais aussi extrêmement affairés : dans la grande salle du château, ils faisaient tendre du brocard et de la toile damassée. Les cuivres brillaient. Les serviteurs s’activaient. Ils préparaient le tournoi. « Veux-tu rentrer chez toi ? », demanda la sorcière (car c’était bien une sorcière, maintenant la princesse en était convaincue). La princesse secoua la tête, en signe de refus. « Alors, demain, tu iras aux cuves, pour fouler le raisin, et faire le moût de vin ».

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L’odeur du raisin foulé fait tourner la tête. La princesse n’avait jamais vécu l’allégresse qui suit les vendanges : le jus coulait, les paysans exultaient. Des musiciens étaient venus pour jouer. Une jeune paysanne prit la princesse par la main et l’attira dans une ronde. Quand la ronde se transforma en farandole et sortit dans la cour, elle ne lui lâcha pas la main, et quand la farandole se défit, elle l’attira dans la nuit, derrière la grange. « Tu n’es pas comme les autres », lui dit la paysanne, essoufflée. « Tu n’es pas juste une étrangère, tu es complètement différente des femmes d’ici, et tu serais toujours différente même si tu restais au village toute ta vie. Je l’ai vu dans tes yeux, et je l’ai senti dans ta main. Donne-moi le signe ». Et elle appuya brièvement ses lèvres sur les siennes. La princesse comprit quel signe elle portait. Elle sortit de sa poche la deuxième boucle de laine de mouton, la déroula, la déroula, et la boucle s’allongea jusqu’à former un lien qui revint sur lui-même et les enveloppa toutes les deux. Elles se serrèrent, s’embrassèrent et se caressèrent ainsi toute la nuit, protégées des regards par la magie de la boucle.


(à suivre, suite au prochain post)
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