Ca va mettre un peu de temps. On investit dans ses enfants bien plus que le désir de leur bonheur : on veut qu'ils soient heureux sous la forme qui
nous convienne, la plupart du temps. Dans cette forme de bonheur que l'on souhaite à sa progéniture, on projette beaucoup de soi, et sur de nombreuses couches : narcissique, sociale, (voyez comme j'ai réussi l'éducation de mon fils), etc.
Faire le deuil de tout cela est très éprouvant, et la plupart des gens ne sont pas prêt - ni préparés ! - pour cette remise en cause. Il leur est plus simple de demander à la cause extérieure de leur souffrance de disparaître, histoire de n'avoir pas à s'attaquer à la cause intérieure.
C'est très coûteux dans une économie intérieur, de revoir de fond en comble certaines certitudes sur ce que doit être l'existence et une vie réussie. Au point que pour le moment, ta mère n'est pas en mesure d'entendre qu'être homo, comme tu le disais, c'est aussi peu changeable qu'être roux : elle préfère croire que tu pourras évoluer. Seule ta résistance à ce changement là, avec les ans, lui apportera un démenti certain. Le temps qu'il lui faudra pour dissocier son amour pour toi des espérances narcissiques qu'elle entretenaient à ton égard - son vent de fantasmes, comme on en a tous, qui se heurte au roc de ta réalité (je fais lyrique

).
Un fait est certain : tu n'as pas à te mutiler - ou tenter de le faire - pour prendre tes parents en charge. La réalité inattendue que tu représentes est une occasion
pour eux d'évoluer vers plus de souplesse, plus de tolérance, un amour plus juste encore. Choses que ta maman ne peut pas ressentir pour le moment. Le fait est qu'elle est déchirée entre ce qu'elle sait désormais de toi et l'amour qu'elle te porte. Les deux images sont incompatibles, et ça doit la remuer très fort. Tu n'es pas responsable de cela, on ne peut pas être responsable du déni, par la société, d'un fait de nature.
La suite n'est pas close, tu as de nombreux scénarios possibles.
- Le statu quo. On en parle plus, tu te plonges dans les études, tu "normalise" la situation. Mais ce coin de toi est le premier auxquels ils n'auront pas, pour un temps, accès.
- Le mensonge explicite, mais en cas de dernier recours - parce que c'est toujours très destructeur de s'installer dans le mensonge, même si on sait qu'on le fait pour sa sauvegarde - ça laisse des traces.
- L'affirmation, infatigable et respectueuse, de ce que tu es. Sans doute la plus héroïque, et la plus difficile à vivre. Celle qui entrainera le plus de confrontations. Faut être armé pour ça.
etc., etc. !!
Dans tous les cas, tu as intérêt à cultiver les ressources que tu pourras trouver, dans ta famille, tes amis, les associations, etc. Plus tu auras de soutien, mieux ça vaudra. Et si c'est possible, aussi vite que tu pourras, partir vivre ailleurs - ne pas poursuivre tes études dans la même ville.
Les et-aloriens ont toujours pleins d'idées, je pense qu'on peut en causer ici, si tu le souhaites.
Meilleur courage à toi, et pensées très-chaleureuses.