
Je comprends parfaitement ce que tu ressens. J'ai vécu la même expérience que toi cette année. En effet, pour la première fois, je n'ai pas osé répondre à une élève en cours me demandant si j'étais homo. Je me suis contenté de lui dire que cela ne la regardais pas ou quelques chose comme çà après quelques secondes d'hésitation. Et j'ai vachement culpabilisé de ne pas m'être honnêtement outé. D'autant que je l'ai fait de très nombreuses fois déjà auprès des élèves en classe quasiment tous les ans, c'est une habitude chez moi. Et puis, là, je n'ai pas pu. Donc tu n'as pas à te flageller ... parce que sinon, je serai aussi obligé de le faire, mais je tiens à mon dos.
Faux voir le contexte : à ce moment-là, au deuxième trimestre, la classe était horrible, la discipline à faire régner était un calvaire, et je m'en prenais plein la tronche quand même parce qu'il y a avait des rebelles à l'autorité que je devais régulièrement virer d'ailleurs parce que c'était plus possible dans l'irrespect à mon encontre. Et la gamine faisait partie du lot de ces gosses difficilement contrôlables que je virais de temps en temps. Du coup, forcément, lorsqu'elle m'a posé la question à 10.000 euros qui a fait rire toute la classe pendant mon cours sur l'homophobie, je me suis dit dans ma tête "c'est pas vrai, là, je vais encore perdre la classe, çà va être encore ingérable...", et j'ai lâchement préféré faire cours...

J'avais l'impression d'un véritable retour en arrière, d'un sentiment de lâcheté de ma part. Mais avec le recul, je suis capable de comprendre ma réaction de ce jour-là. Et puis maintenant, je me dis "putain, merde, on n'est pas des machines, on ne peut pas porter à nous tout seul tous les jours, toutes les minutes, tous les espoirs du monde pour créer un monde meilleur. On en fait déjà beaucoup, et même énormément, alors merde, on a le droit de défaillir de temps en temps. Parce que mine de rien on est des têtes de pont pour le créer ce putain d'avenir meilleur, mais on est des êtres humains avant tout, et pour l'instant on reste quand même un peu seul sur le bateau de l'éducation nationale, si je puis dire, alors on fait ce qu'on peut le plus honnêtement possible, merde..." Bref, faut pas voir çà comme un manque d'acceptation de soi.
Bien sûr, j'ai encore des regrets sur ce sujet. C'est con d'ailleurs, que la question n'est jamais revenu sur le tapis, car aujourd'hui j'ai suffisamment confiance envers cette classe pour le dire si c'était à refaire. Faut dire que si la classe est toujours aussi ultra chiante, les hostilités entre eux et envers moi ont cessé, c'est déjà un combat de gagné. Et puis, j'estime m'être grandement rattrapé grâce au cours lui-même sur l'homophobie : d'une part cela a été les séances les plus calmes de toute l'année (ce que c'était reposant !), d'autre part elles ont été très constructives en terme d'impact sur eux, car ils ont tous fini par dénoncer le bullying, même homophobe, alors que justement parmi eux il y avait des harceleurs passé ou actuels.
Et puis, j'ai aussi eu la satisfaction d'un autre coming-out dans une autre classe que j'ai trouvé jouissif

C'était ma pire élève de cette année, une gamine ingérable, contestatrice et dangereuse (agression d'autres élèves dans la classe qui étaient terrorisés par elle), que j'avais déjà à plusieurs reprises renvoyé de cours. Un jour, la classe est rangée devant ma porte en attendant de rentrer, et elle me dit :
"Z'avez vu madame XX (une amie collègue) ? Elle est belle. Vous l'a trouvez pas belle, m'sieur ?"
Moi : "Euh, moui... elle est belle" (objectivement, elle l'est)
Elle : "Comment çà, mais si elle est belle, vous la trouvez pas belle ?"
Moi : "Si si, elle est belle... M'enfin, je suis pas le mieux placé pour dire un truc pareil, c'est une fille après tout"
Elle : "Comment çà"
Moi : "Ben, je suis gay, donc forcément, je ne suis pas le mieux placé pour parler de la beauté des filles"
Elle : "QUOI ? VOUS ETES GAY ? ET VOUS LE DITES COMME CA ?"
Moi : "Ben, tu veux que je te le dise comment ?"
Et donc là, elle essaye d'ameuter tout le monde pour foutre le bordel comme à son habitude. Elle s'adresse aux deux gamines près d'elle :
"Z'avez entendu ? Il vient de dire qu'il est gay ?"
Sauf que les deux gamines, deux petites gentillettes, ne réagissent pas. Bon, faut dire qu'elles ne sont pas amies du tout, elles avaient plus peur d'elle qu'autre chose. Alors, elle alpague un garçon de la classe qui vient d'arriver à sa hauteur, avec qui le courant passe mieux (il rigolait bien de ses "bêtises" en classe) :
"Eh ! Tu te rends compte, le prof il viens de me dire qu'il est gay, là comme çà !"
Il me regarde, puis il la regarde, et d'un air placide il lui répond :
"Hein, oui, je sais, il nous l'a dit l'année dernière".
Elle : "..."

Elle était sciée, elle ne savait plus quoi dire.

Et moi, je finis par dire "Bon, allez on rentre !" et dans ma tête je me dis "PRENDS CA DANS TA FACE !!!!"
