Témoignage : je suis double et c’est compliqué
Publié : jeu. nov. 04, 2021 2:38 pm
Je suis Michel, 60 ans.
Il me faudra arriver à 60 ans pour comprendre, qu'en fait, j'étais (peut-être) un mec gay ! Et pourtant, je suis marié depuis 1991 à une femme que j'aime avec qui nous avons une fille adorée et adorable.
Ai-je refoulé mon attirance pour les garçons sans m'en rendre réellement compte. Jeune ado, à la piscine, à la plage, je regardais davantage les beaux garçons... et ma sœur, s'en étant aperçu, est aller le conter à ma mère qui a dit "c'est quoi ça ?"... et comme je craignais les foudres maternelles, je me suis replié sur moi-même, rentrant dans la norme du mec qui aimait les filles.
Avec les filles, j'étais surtout le bon copain parce que incapable de passer à l'acte. Quelques unes m'ont vraiment attendu. Deux ou trois ont été plus hardies mais, avec du recul, j'aurai préféré un corps masculin. Ma femme a été l'une d'elles. Je suis tombé sincèrement amoureux. Quand elle n'est pas la, elle me manque. Elle a compris, m'a accepté. Ce qui a peut-être compliqué les choses.
Les mecs gay me repéraient. Bien avant mon mariage, un mec, rencontré dans le cadre du travail, m'avait dit "tu joues un rôle, Michel. Tu n'es pas toi." et il m'avait présenté à sa famille comme son petit ami alors que nous avions eu aucun contact physique. J'ai eu peur de la situation, j'ai eu peur que mes collègues découvrent, j'ai eu peur de me découvrir.
A 40 ans, je n'en pouvais plus alors je me suis perdu dans les rencontres masculines : internet, sauna, lieux de rencontre... Physiquement plus ou moins satisfait mais déstabilisé au plus profond de moi-même. Heureux de plaire, malheureux de ne pas plaire. Envie de me lâcher, empêché de me lâcher de part ma situation maritale. Envie de dire à tous que j''aimais les hommes et honteux de l'être, de tromper ma femme. "Vous êtes double, partagé en deux" m'a expliqué la psy que je rencontrais. En dépression, je devenais très con avec tout le monde, situation qui me pénalisait dans mon travail. Je devais prendre une décision et j'en étais incapable. Je ne voulais pas faire de mal à ma femme, à ma fille, à la famille. Alors, j'ai encore pensé au suicide. Cette idée la, je l'ai toujours eu en tête. Je n'ai jamais été pleinement heureux et pourtant, j'avais tout pour l'être... apparemment. C'est la psy qui m'a sauvé un soir au téléphone... Elle m'avait demandé ce qui m’empêchait de faire mon coming-out. Déjà faire du mal à ma femme, à ma fille et les perdre. Ensuite, me retrouver seul et ne jamais trouver "l'homme de ma vie" beau, sportif, intelligent (je suis comme le petit garçon rêveur de l'opéra de la lune) et enfin peur de devenir un vieux gay plein de soupirs comme me l'avait laissé à penser Jean Marais que je bousculais dans une rue de Grasse alors que je chahutais avec mes copains. Je me souviens de son regard doux et de son sourire. Je ne me rappelle plus très bien de ce qu'il m'a dit mais c'était une invitation ! Je bredouillais des excuses et me sauvais vers mes copains hilares. Cette rencontre physique percutante m'avait perturbé. Des rêves particuliers m'avaient assaillis. Jean Marais m'avait bien et bel ému. (Tout comme Sean Connery que je n'ai vu qu'au cinéma... ).
Mais revenons à mon questionnement : hétéro, gay, que décider ? La décision est devenu évidente. Je choisis la vie d'hétéro. Devenant petit à petit asexuel tout comme ma femme d'ailleurs mais les effets de l'âge se font aussi ressentir. C'est d'ailleurs plutôt frustrant, l'envie n'est plus la et ça fonctionne moins bien.
La soixantaine approchant, je me suis inquiété comme on dit dans le sud. Petit bilan décennal. Je ne regrette rien et je regrette... Toujours double. Que c'est pénible. Je traîne sur les sites gay préférant une autosatisfaction et tente deux ou trois rencontres avec des mecs centrés sur leur unique plaisir et je n'y trouve plus le mien. Mon age n'attire pas malgré que je fasse dix ans de moins et que certains me trouvent encore sexy (heureusement). J'ai un coté narcissique. Avoir encore un profil sur un site gay me permet encore d'exister.
Et puis, un soir où seul à la maison, ne sachant pas quoi regarder à la télévision, je découvre par hasard, sur Disney Channel, la série pour ados "Love, Victor". Je deviens accro à la série et mon mal-être m'assaille de nouveau. N'étais-je pas vraiment gay ? N'étais-je pas fait pour être amoureux d'un mec ? N'étais-je pas fait pour vivre avec un mec ? Je ne sais plus quoi penser. Mais ce qui est certain, c'est qu'il est trop tard pour un coming-out. Personne ne comprendrait la trahison immense et je resterai seul comme un vieux gay esseulé. Et puis, je suis toujours un petit garçon rêveur qui s'imagine avoir 30 ans ! Et les mecs de 30 ans ne cherchent pas un mec de 60 ans et je les comprends parce que j'ai du mal avec les mecs de mon âge.
Alors, mon opéra a été ce qu'il a été, je l'ai composé, je l'ai subi. Franchement, je ne regrette rien, je n'ai plus le droit de changer par respect des gens qui m'aiment et parce que je les aime. Et pourtant, je regrette ce que je n'ai pas pu vivre. Mais dans l'opéra de la vie, il faut faire des choix. J'ai choisi mes chemins mais j'ai toujours été double et c'est toujours compliqué pour moi.
Il me faudra arriver à 60 ans pour comprendre, qu'en fait, j'étais (peut-être) un mec gay ! Et pourtant, je suis marié depuis 1991 à une femme que j'aime avec qui nous avons une fille adorée et adorable.
Ai-je refoulé mon attirance pour les garçons sans m'en rendre réellement compte. Jeune ado, à la piscine, à la plage, je regardais davantage les beaux garçons... et ma sœur, s'en étant aperçu, est aller le conter à ma mère qui a dit "c'est quoi ça ?"... et comme je craignais les foudres maternelles, je me suis replié sur moi-même, rentrant dans la norme du mec qui aimait les filles.
Avec les filles, j'étais surtout le bon copain parce que incapable de passer à l'acte. Quelques unes m'ont vraiment attendu. Deux ou trois ont été plus hardies mais, avec du recul, j'aurai préféré un corps masculin. Ma femme a été l'une d'elles. Je suis tombé sincèrement amoureux. Quand elle n'est pas la, elle me manque. Elle a compris, m'a accepté. Ce qui a peut-être compliqué les choses.
Les mecs gay me repéraient. Bien avant mon mariage, un mec, rencontré dans le cadre du travail, m'avait dit "tu joues un rôle, Michel. Tu n'es pas toi." et il m'avait présenté à sa famille comme son petit ami alors que nous avions eu aucun contact physique. J'ai eu peur de la situation, j'ai eu peur que mes collègues découvrent, j'ai eu peur de me découvrir.
A 40 ans, je n'en pouvais plus alors je me suis perdu dans les rencontres masculines : internet, sauna, lieux de rencontre... Physiquement plus ou moins satisfait mais déstabilisé au plus profond de moi-même. Heureux de plaire, malheureux de ne pas plaire. Envie de me lâcher, empêché de me lâcher de part ma situation maritale. Envie de dire à tous que j''aimais les hommes et honteux de l'être, de tromper ma femme. "Vous êtes double, partagé en deux" m'a expliqué la psy que je rencontrais. En dépression, je devenais très con avec tout le monde, situation qui me pénalisait dans mon travail. Je devais prendre une décision et j'en étais incapable. Je ne voulais pas faire de mal à ma femme, à ma fille, à la famille. Alors, j'ai encore pensé au suicide. Cette idée la, je l'ai toujours eu en tête. Je n'ai jamais été pleinement heureux et pourtant, j'avais tout pour l'être... apparemment. C'est la psy qui m'a sauvé un soir au téléphone... Elle m'avait demandé ce qui m’empêchait de faire mon coming-out. Déjà faire du mal à ma femme, à ma fille et les perdre. Ensuite, me retrouver seul et ne jamais trouver "l'homme de ma vie" beau, sportif, intelligent (je suis comme le petit garçon rêveur de l'opéra de la lune) et enfin peur de devenir un vieux gay plein de soupirs comme me l'avait laissé à penser Jean Marais que je bousculais dans une rue de Grasse alors que je chahutais avec mes copains. Je me souviens de son regard doux et de son sourire. Je ne me rappelle plus très bien de ce qu'il m'a dit mais c'était une invitation ! Je bredouillais des excuses et me sauvais vers mes copains hilares. Cette rencontre physique percutante m'avait perturbé. Des rêves particuliers m'avaient assaillis. Jean Marais m'avait bien et bel ému. (Tout comme Sean Connery que je n'ai vu qu'au cinéma... ).
Mais revenons à mon questionnement : hétéro, gay, que décider ? La décision est devenu évidente. Je choisis la vie d'hétéro. Devenant petit à petit asexuel tout comme ma femme d'ailleurs mais les effets de l'âge se font aussi ressentir. C'est d'ailleurs plutôt frustrant, l'envie n'est plus la et ça fonctionne moins bien.
La soixantaine approchant, je me suis inquiété comme on dit dans le sud. Petit bilan décennal. Je ne regrette rien et je regrette... Toujours double. Que c'est pénible. Je traîne sur les sites gay préférant une autosatisfaction et tente deux ou trois rencontres avec des mecs centrés sur leur unique plaisir et je n'y trouve plus le mien. Mon age n'attire pas malgré que je fasse dix ans de moins et que certains me trouvent encore sexy (heureusement). J'ai un coté narcissique. Avoir encore un profil sur un site gay me permet encore d'exister.
Et puis, un soir où seul à la maison, ne sachant pas quoi regarder à la télévision, je découvre par hasard, sur Disney Channel, la série pour ados "Love, Victor". Je deviens accro à la série et mon mal-être m'assaille de nouveau. N'étais-je pas vraiment gay ? N'étais-je pas fait pour être amoureux d'un mec ? N'étais-je pas fait pour vivre avec un mec ? Je ne sais plus quoi penser. Mais ce qui est certain, c'est qu'il est trop tard pour un coming-out. Personne ne comprendrait la trahison immense et je resterai seul comme un vieux gay esseulé. Et puis, je suis toujours un petit garçon rêveur qui s'imagine avoir 30 ans ! Et les mecs de 30 ans ne cherchent pas un mec de 60 ans et je les comprends parce que j'ai du mal avec les mecs de mon âge.
Alors, mon opéra a été ce qu'il a été, je l'ai composé, je l'ai subi. Franchement, je ne regrette rien, je n'ai plus le droit de changer par respect des gens qui m'aiment et parce que je les aime. Et pourtant, je regrette ce que je n'ai pas pu vivre. Mais dans l'opéra de la vie, il faut faire des choix. J'ai choisi mes chemins mais j'ai toujours été double et c'est toujours compliqué pour moi.