J'avais posté ça sur FB, mais c'est mieux ici

. C'est du Kliban, je précise.
Un avis à contre-poil - ou plutôt, avec une perspective un peu différente.
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[PS : je découvre ici le nouvel avatar de Specimen Oo !Wow !] |
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(cet "ot" est bien entendu placé ici pour qu'on ne parle que de celaa et pas de la tartine qui suit

)
Nouvelle qui m'inquiète bigrement [La poursuite sans concession des associations contre Sexion D'assut]. Une violence médiatique de cette sorte risque d'avoir pour conséquence de faire se fusionner un peu plus encore la haine du bourgeois et celle de l'homo - amalgame sans fondement, of course, mais largement véhiculé par l'émergence d'un nouvel ensemble d'interdits autour de l'homophobie.
Fabrication de boucs émissaires faciles, autrement plus aisément agressables que le chef d'entreprise et ses petits copains au pouvoir. Je crains fort que de telles levées de bouclier, s'ils ne sont assortis de rien d'autre, ne soient au final contre-productifs. Jusqu'à ce que nous ayons notre Matthew Shephard ce que, foutredieu, je ne souhaite pas.
Je ne dis pas que les assoces ne font pas leur travail. Et la loi - le rappel de la loi - a ici son importance. Mais la loi ne suffit pas.
Si vis pacem, para pacem. Et la paix, ça se prépare dès l'enfance, non simplement en insufflant des valeurs - ou cela à goût de tentative de maintien des classes supposément effrayantes dans un rôle de gentils moutons - mais aussi en redonnant du liant _social_ et du liant _économique_ à une société dont les valeurs sont, aujourd'hui un peu plus qu'hier encore, celles de l'émiettement, de la parcellisation, de la construction factice et superficielle des intimités (or il ne peut y avoir d'intime si tout est marchand) : il n'y a que rentabilisation du temps qui passe - capital jeunesse et autres conneries).
Liant social et liant économique.
Si nous avons notre Matthew Shephard, à foutredieu ne plaise, ce gouvernement - mais tout autant les "socialistes", pour leur passage aux affaires, pour le grand silence cacophonique depuis - auront leur part de responsabilité - on les verrait bien sûr, Tartuffes, se réfugier dans un "l'Etat ne peut pas tout". Part qu'ils refuseront d'endosser, tant les analyses globales, structurelles, à la vue longue et de quelque portée historique leur échappe désormais.
Non, je ne vois pas comment faire passer des valeurs de tolérance dans une société où les ascenseurs sociaux sont en pannne, où les riches se battent pour gagner plus d'argent en temps de crise, où les pauvres voient s'effriter leur possibilité de ne l'être plus, n'ayant que l'espoir d'un tapis minimal, qui les maintient, sous perfusion, dans une vie sans avenir.
Toute affection que je puis avoir pour les mouvements de revendication des droits mise à part, non, je ne crois pas que ce soit là le problème majeur de notre société. Pire. A ne pas envisager _comment_ ce problème se relie, volens nollens, aux difficultés du monde libéral occidental, en fournissant des contre-images possibles (et faciles, qui plus est, parce que traditionnelles !) envers lesquelles exercer la violence, on ne se met pas en position de victoires à long terme.
Même le Buddha le savait : on n'enseigne pas le Dharma à un homme qui a faim - on lui donne à manger d'abord - et après, s'il a des oreilles pour écouter, on peut parler.
Les incriminés quant à eux paient pour faute de tactique. Je doute que cela les fasse changer d'avis. Je doute que l'intransigeance à leur encontre soit sans leur apportes d'autres et nouveaux fans - excellente pub que celle du pauvre David (si j'ose !) contre les méchants Goliath.
Car ans tout cela, on ne dit pas trop _pourquoi_ être homophobe dans l'espace public, c'est problématique, pourquoi il y a une loi contre ça. La loi peut sembler à certains arbitraire ou décadente. Il y a un travail de pédagogie important à faire. Les média, une fois encore, ne jouent pas leur rôle et relaient plus facilement un haro sur le baudet qu'une analyse critique.
(Et bien sûr, je ne suis pas en train de dire qu'il est bon de donner tribune à des groupes homophobes ou de chercher à leur éviter la sanction. Mais _qui_ sanctionne : le public ? les fans ? Que non. Les salles et les programmateurs. Cela va sans doute asphyxier le groupe. L'important étant qu'il devienne impossible - limitation de l'expression, c'est le modèle français - d'émettre des paroles de ce genre en public. Mais l'amalgame sera fait : les puissants ont encore eu raison de la culture populaire des "faibles". L'homophobie endémique en Afrique - d'autant plus qu'elle est soutenue par le pouvoir - n'a pas d'autre source : mal venu d'Occident, dans l'imagerie populaire).
Bref, le combat pour les valeurs est un moyen pratique de cacher d'autres difficultés. Vieille rengaine marxiste, certes.
Je n'entends pourtant pas réduire superstructure à infrastructure, procédure qui m'a toujours semblé trop idéologique pour être honnête : les valeurs, c'est aussi important que l'économie, mais on ne peut pas sans danger travailler l'un sans l'autre. C'est aujourd'hui toute une théorie politique mixte - voire triple - qui nous manque : gouvernance des groupes humains tenant compte - de l'appétit de pouvoir - des valeurs communes - de la production, circulation et destruction des biens. Les grandes théories du XXè siècle, on devrait pouvoir le montrer, n'ont pas permis d'atteindre cet objectif là. Tout est à faire.
En attendant, il faut bien poursuivre les luttes commencées. En espérant que les moyens employés ne créent pas des difficultés à moyen / long terme. Ou plus exactement : en commençant dès aujourd'hui à anticiper sur les difficultés à moyen / long terme, et en mettant en place une gestion des risques appropriée.
Si c'est fait ou pas dans le cas présent, je ne saurais le dire. Ce que je sais, c'est qu'il est un ton de chasseur s'acharnant sur sa proie dans les articles que j'ai pu lire ici et là qui ne me plait pas - aussi discutable puisse être ce que j'ai lu des paroles de Sexion d'Assaut - mais assurément, leur interview me touche par son non calcul, par le pur calcul qu'elle indique avoir pris (moins parler de ces sujets qui risquent de décrédibiliser le groupe) totalement détruit dans le non-calcul de l'interview.
Maintenant, je juge ça de loin et pas en militant. Ne livre donc ici qu'un fond de sentiment. Mais ne puis réellement juger de ce qui est fait, moi qui suis de-loin.
Je vous laisse tout loisir de m'indiquer que je suis un mauvais homo, qu'il faut dénoncer l'homophobie sous toutes ses formes. etc. Comme ce n'est pas de cela que je parle, je vous répondrai peut-être. La question ici est bien : comment rendre tolérante une société qui utilise, pour une part, ses vieux fonds d'intolérance - ou des fonds importés - pour réagir symboliquement et physiquement à la déchéance symbolique et économique dans laquelle une autre partie de la société les contient ?