3615 Ma vie, c'est parti.
Mon père, c'était un héros quand j'étais petite, parce que j'avais vraiment l'impression qu'il était là pour moi. On faisait des randonnées en vélo, et il m'a traumatisé en me faisant croire que les omelettes qu'il préparait, étaient vivantes (oui, parce qu'elles gonflaient... du haut de mes 6 ans, j'avais l'impression qu'elles respiraient

).
Puis est venu la rupture. J'ai arrêté de l'idéaliser à cause de ma mère. Ma mère était toute seule à la maison, elle n'avait qu'à s'occuper que de moi, mon père travaillait, rentrait tard, et le weekend devant sa télé. Alors ma mère était malheureuse, et comme elle n'avait personne à qui parler à part moi, elle me confiait tout. Elle me disait à quel point il se montrait radin avec elle (comme c'est lui qui ramenait l'argent à la maison, il lui donnait 10 Frs par jour pour acheter du pain, et elle devait lui rendre la monnaie). Pourtant, ça ne l'a pas empéché de nous endetter pendant 2 ans.
Elle me racontait que si ils faisaient chambre à part, c'est parce qu'il ronflait trop fort. Puis ils se sont mis à se disputer. Mon père rentrait encore plus tard le soir, ivre. Il a même eu un accident de voiture, un jour. Il s'en est sorti indemne, pas comme sa voiture (voiture de fonction, donc on s'en fout).
Puis tout a dérapé, un jour de vacance dans le Sud, c'était le soir. Mes parents dormaient dans le salon, mais il était à peine 22h, alors on regardait un film tous ensemble. Mon père s'est mit à ronfler, ma mère la réveillé. Il s'est énervé, et est sortit de la maison. Il n'est revenu que le lendemain midi. Quand on est rentré de vacances, mes parents ont entamé une procédure de divorce.
A partir de ce moment, je me suis mise à le détester. Avec tout ce que ma mère me racontait sur lui, je n'avais que ça à faire. A cause de lui, et de son infidélité, j'allais devoir quitter ma maison à la campagne avec un immense jardin, mes copains d'enfance, pour vivre dans un appartement minuscule en ville. Pendant la période de séparation, je ne lui adressais même plus un "bonjour" le matin, et quand j'ai emménagé dans l'appartement avec ma mère, j'ai refusé de le voir pendant 6 mois. J'avais 13 ans et il était devenu un étranger.
Un être distant. Il a toujours été plus ou moins distant, et silencieux. Je le voyais comme un homme des cavernes. La journée à travailler, le soir a rentrer sans dire un mot, juste retrouver sa télé. Je ne lui parlais pas, et il ne cherchait pas à dialoguer.
Puis, je me suis mise à vivre chez lui. Pas que j'en avais spécialement envie, mais j'étais tombé dans une vraie dépression, et je ne supportais plus le côté étouffant de ma mère. Puis surtout, je voulais retrouver ma ville d'origine (2 ans après le divorce, ma mère m'a "forcée" à déménager sur Douai, une ville que je détestais, pour être plus proche de ses autres enfants).
Je voulais être libre, vivre pleinement mon adolescence (à 18 ans, oui, il y a un temps pour tout ^^). Quand j'ai commencé à vivre chez lui, les seuls mots qu'on s'échangeait, c'était :
tu veux quoi à dîner ce soir?
Au début, ça ne me gênait pas vraiment. J'avais l'impression d'avoir mon indépendance, je sortais quand je voulais. Puis ça a fini par me faire du mal. J'avais l'impression de lui être complétement indifférente.
Une fois, je voulais aller chez des amis, mais il était parti bosser, alors j'ai fais mon sac, et je suis partie 3 jours. Je suis revenue, je l'ai vu sur son ordinateur, "
t'étais où?" "chez des potes" "okay".
A ce moment, je me suis dis "
ça se trouve, j'aurai pu avoir un accident, il ne s'en serait pas soucié". Et j'ai commencé à en souffrir.
J'ai essayé d'ouvrir le dialogue, mais à part le programme télé ou son travail, il n'essayait pas d'en savoir plus sur moi.
Une fois, sur une crise d'angoisse, mélanger à mon besoin d'attirer son attention. Je pris les ciseaux et me suis coupé les cheveux. Je vous laisse imaginer le travail. Je suis sortie de la salle de bain, et me suis présentée devant lui. Il m'a regardé, et m'a dit "
t'aurais pu aller chez le coiffeur, non?" "oui... t'as raison".
Je suis partie dans son bureau, j'ai fermé la porte, et me suis laissée glisser contre elle. Je l'ai entendu monter, je l'ai entendu souffler derrière la porte, je sentais qu'il voulait me dire quelque chose... mais il n'a rien fait, et est redescendu.
Aujourd'hui, après deux ans de cohabitation, le dialogue se passe mieux, même si il reste superficiel. Je sais qu'il tient à moi par des attentions détournés...
Par exemple, par son travail, il peut avoir des lots plus ou moins beau. Le dernier, c'était un superbe appareil photo. Il m'a dit: "
regarde ce que j'ai eu..." "putain !! il est trop beau !!" "oui, comme ça, tu vas pouvoir me rendre l'ancien".
Il ne sait pas communiquer, mais aujourd'hui, j'arrive à le comprendre, parce que je suis un peu comme lui. On m'a toujours dit que je lui ressemblais (alors que j'ai été adoptée). Je sais que c'est aussi à moi de faire des efforts pour améliorer notre relation. Je rêve qu'un jour, ça soit lui qui fasse le premier pas et me prenne dans ses bras. Et pas parce que je lui aurais demandé.
Quelque fois, je me dis que lui est encore derrière cette porte a hésité à me reconforter, et moi de l'autre côté, n'ayant pas la force de lui ouvrir.