Un de vos proches est homo, bi,trans ? Vous êtes homo, bi, trans, et les relations avec votre famille vous posent questions ? Cette section vous est dédiée.
"(...)dit que "ces choses là sont à la mode maintenant, de toutes façons", "et que bon, si elle (en parlant de moi) est heureuse comme ça, après tout, pourquoi pas"... Je trouve que compte-tenu de son âge ,sa réaction est à saluer. Car bien des gens du troisième âge rejettent ou ne comprenne pas notre situation.."
Tu peux effectivement saluer cette réaction, car comme tu le dis très justement, les réactions aussi bonnes que cela pour cette génération-là sont assez rares, je confirme...
Ma mère, je la connais sans la connaître. Je ne la connaîtrais jamais. Elle n’est plus elle-même. Ce que je connais d’elle, c’est ce qu’elle est devenue. Ou ce que l’on veut bien me dire d’elle avant.
Mais ce qu’elle est devenue n’est ni une mère, ni même une femme.
Elle existe. Elle est vivante. Son organisme est en vie. Est-ce une vie ou une survie ?
Je fus une enfant désirée, une enfant de la dernière chance. Mais avec moi est née la déchéance. Une déchéance lente et profonde. Irréversible.
Il paraît que je ressemble à ma mère. Il paraît… Je ne sais pas. Je ne saurai jamais. Ce que je sais, c’est que je ne veux pas devenir comme elle. Je veux vivre, pas survivre.
Mes quatre premières années, je ne m’en souviens plus. Dommage, elle était une bonne mère, une vraie mère. Il paraît. Les suivantes n’ont été que souffrance. Souffrances Physiques, souffrances morales. Mais taboues, implicites. Les apparences étaient sauvées
Aujourd’hui, cette mère je la vois une petite dizaine de fois par an. La dernière fois, pour noël, elle ne m’a même pas adressé la parole. A peine dit bonjour. Trop égoïste. On essaye pourtant d’être présente, le plus possible à l’écoute. Elle finit toujours pas être méchante. Une méchanceté gratuite. Je sais pourtant qu’elle nous aime, ma sœur et moi… A sa manière…
Elle ne connaît rien de ma vie. Elle s’en moque, ça ne l’intéresse pas. J’existe, ça lui suffit. Elle vit dans le passé. Celui que je ne peux pas connaître. Elle ne voit pas plus loin que son train-train quotidien. Son petit monde auto-centré.
Au quotidien, elle aurait besoin d’aide, mais ne veut personne. Ne supporte personne. Elle ne fait pas confiance. Surtout pas à ses filles. Elle nous accuse… elle s’accuse. De quoi ?? de tout et rien à la fois.
Il ne faut pas chercher à comprendre. Il n’y a plus rien à comprendre. Il faut accepter. Accepter l’inacceptable.
Cette mère, je lui dois beaucoup malgré tout. Je lui dois la vie. Je lui dois mon éducation. C’est beaucoup, c’est rien.
Oui, je sais dire bonjour à la dame, dire merci, ne pas mettre les doigts dans mon nez, et même ne pas mettre les coudes sur la table.
Mais après ??
Pfiou Zarza, j'ai eu le coeur tout alourdi à te lire, pour toi et parce que ça m'a ramenée à mon histoire...
Ma mère était malade psychologiquement parlant, je ne saurai mettre de termes exacts. Elle souffrait d'une paranoïa, ça c'est sûr, à croire que tout le monde était fou, sauf elle, que tout le monde se liguait contre elle... Elle était complètement coupée de la réalité, elle voyait la vie à travers un prisme complètement déformateur, elle était la première à en souffrir évidemment.
Mais comme si ça ne suffisait pas, elle était très impulsive et se mettait en furie pour un rien. J'en ai fait les frais depuis toute petite, psychologiquement et physiquement jusqu'à mes 14 ans où j'ai eu assez de force morale (ou bien trop peur pour continuer à vivre avec elle) pour fuir chez mon père.
J'ai longtemps pensé qu'elle était schyzophrène puisqu'elle pêtait les plombs en un quart de seconde, devenant ivre de rage et se défoulant sur moi. J'en étais arrivée à avoir peur en permanence, du coup j'étais quasi sûre de l'énerver, parce que j'avais fait ce qu'il ne fallait pas faire ou que je n'avais pas fait ce qu'il fallait faire...
Malgré ça, c'était une mère très aimante avec qui j'entretenais une relation très fusionnelle (je sais au moins d'où me vient ma putain de dépendance en amour, je n'ai connu que cette forme d'amour) et qui m'a poussée à faire pleins d'activités (projections sur moi car elle voulait être artiste, mais j'ai pu faire pleins de choses, je ne m'en plainds pas).
J'ai fini par couper tout contact avec elle, même si je savais qu'elle en souffrait: elle ne comprenait pas, elle était persuadée que c'était mon père et ma grand-mère (sa propre mère) qui me montaient la tête. J'ai coupé tout contact tout simplement parce que la voir me mettait dans un état de stress destructeur à chaque fois, j'ai donc choisi de sauver ma peau. Ma survie psychologique a été à ce prix: rendre malheureuse une mère qui aimait son enfant et ne comprenait pas ce qui se passait. Pour autant je ne regrette rien... Ou presque.
Il y a 2 ans son cancer généralisé l'a assez affaiblie pour qu'elle soit conduite à l'hôpital, je m'y suis rendue trois jours de suite. J'y suis allée avec de l'appréhension, normal. Mais j'avais enfin fait la paix en moi avec elle, le temps avait fait son travail je crois, je n'avais plus peur, tout simplement, plus de haine... Nous avons parlé, malgré sa grande faiblesse, presque comme dans une relation normale de mère à fille, je lui ai même dit que j'étais lesbienne. Ca m'a fait du bien, à elle aussi. Ironiquement je crois que c'est son état physique associé aux fortes doses de morphine qui ont aidé à ce que nos rencontres soient aussi "sereines"... Elle est décédée quelques jours plus tard... Mon seul regret (le plus grand dirons nous): ne pas avoir trouvé le courage de lui tenir la main alors que nos mains étaient proches et qu'elle n'attendait que ça et n'osait pas...
Ceci dit, j'ai toujours tendance à voir le verre à moitié plein et mon mental est construit de telle manière que les choses qui me dérangent, je les mets dans des "tiroirs", que je tiens plus ou moins bien fermés...
Donc malgré tout, j'ai eu une enfance heureuse car j'ai eu assez de moments de bonheur pour pouvoir masquer les autres moments. J'ai eu un père et une grand mère géniaux qui m'ont aidés aussi à surmonter tout ça. Et surtout je ne peux pas en vouloir à ma mère, en tout cas pour ce qu'elle m'a fait parce qu'elle était malade, psychologiquement parlant et donc pas maitresse d'elle même. C'est à mes yeux une chance...
La Noiraude,
Moi qui vis avec toi depuis quelque temps déjà, je te lis avec émotion et je pars à la rencontre d'une personne que j'adore et sur laquelle tu apportes un éclairage contradictoire, mais empreint d'amour, et d'un amour profond... J'avais deviné certains de tes sentiments en te regardant évoluer avec elle, ou nous avions parlé d'autres sentiments que tu pouvais éprouver à son égard (cet agacement...). mais tu l'écris si bien et à force de détails, que je re-découvre ta mère à mon tour...
Zarza,
J'ai la gorge complètement nouée de ce que tu écris.
Visaya,
J'ai la gorge complètement nouée de ce que tu écris.
Je ne peux parler de ma mère immédiatement. Il me faut un peu de temps pour réunir mes idées, pour les ordonner, pour les faire parler. Comme la Noiraude le dit, on a toujours l'impression qu'il est aisé d'en parler, et l'on s'aperçoit au moment de le faire que les mots ne sortent pas. Une mère est une pièce dramatique ou une pièce de boulevard, un roman d'amour ou "vipère au poing", elle n'en reste pas moins une mère...