Pass it on
Publié : dim. juin 20, 2010 9:59 am
Salutations du bout du chapeau, les gens,
C'est la première fois que je ponds dans la section famille et entourage. Ne me balancez pas de tomates dans la face, j'ai un truc sérieux à dire même si l'histoire que je viens coucher n'a pas grand chose à voir avec l'homosexualité.
Je suis l'heureux dernier d'une famille de quatre ou cinq enfants. Quatre en vitrine, une dans l'arrière boutique. J'ai grandi avec les trois premiers ; on s'est foutu des baffes, réconciliés, brouillés à nouveau, on a pris des cuites à huit yeux ; bref, on s'est comporté en famille. J'en suis satisfait même s'il n'en reste pas grand-chose. J'imagine qu'on se reverra aux enterrements, qu'on aura des trucs à se bafouiller ; peut-être même qu'un jour on se prendra dans les bras : les réflexes ne meurent jamais, non ?
En revanche, je n'ai jamais rencontré ma demi-soeur. Je n'ai connu son existence qu'incidemment, il y a trois ans. Bien sûr, j'ai eu la lâcheté de faire semblant de m'en foutre et de ne pas en parler avec mon père, son père. D'ailleurs je ne parle plus avec mon père. C'est très confortable.
Seulement, voilà : je ne sais pas mentir aux enfants ! J'ai la manie désastreuse de dire la vérité à ma fille. Alors, quand elle m'a demandé combien j'avais de frères et soeurs, j'ai bien dû prendre acte de l'existence d'une inconnue familière. Et je reconnais que ça m'a travaillé. Hier, j'ai retrouvé ses coordonnées (les réseaux sociaux et Internet ont tué la notion même d'anonymat). Je lui ai écrit ce truc. Le résultat fait un peu le retour du Jedi mais, croyez moi, l'exercice n'est pas évident :
"Chère ***,
Comment dire ? Je suis probablement ton frère. Je ne vois pas d’autre manière de le dire, aussi étrange que cela puisse paraître. J’ai bien cherché une introduction subtile mais j’ai séché comme un collégien abonné au vagabondage plus qu’au bachotage. Pour moi, tu es un secret d’alcôve dans le monde feutré des mensonges familiaux. A tel point que je pense parfois t’avoir rêvée (d’où le probablement, un adverbe comme on se pince pour se réveiller). Je suis loin de ce monde aujourd’hui et tu m’intrigues, et pas qu’un peu. Je ne sais rien de toi et je ne sais pas ce que tu sais de moi. Pour toi, peut-être ne suis-je même pas un nom.
Quand tu grandissais, je ne savais même pas que tu existais. Quand tu prenais un centimètre de ton côté, j’en prenais un du mien ; on aurait pu les mesurer ensemble ; mais, pour un seul père, il a fallu deux toises.
Tu sais, j’ai une fille de 4 ans qui m’a demandé combien j’avais de frères et soeurs ; et tu m’es venue naturellement à l’esprit. Alors je me suis dit que j’allais oser te poser une toute petite, une grande question : ça te dirait qu’on s’écrive, toi et moi ? Il n’est jamais trop tard pour casser les cloisons que dressent les adultes entre les chambres des enfants.
***."
Si je vous dis tout ça, c'est que j'ai un noeud dans le ventre et l'impression d'avoir fait une connerie. Une indispensable connerie, mais une connerie quand même. Et les conneries, ça se partage.
C'est la première fois que je ponds dans la section famille et entourage. Ne me balancez pas de tomates dans la face, j'ai un truc sérieux à dire même si l'histoire que je viens coucher n'a pas grand chose à voir avec l'homosexualité.
Je suis l'heureux dernier d'une famille de quatre ou cinq enfants. Quatre en vitrine, une dans l'arrière boutique. J'ai grandi avec les trois premiers ; on s'est foutu des baffes, réconciliés, brouillés à nouveau, on a pris des cuites à huit yeux ; bref, on s'est comporté en famille. J'en suis satisfait même s'il n'en reste pas grand-chose. J'imagine qu'on se reverra aux enterrements, qu'on aura des trucs à se bafouiller ; peut-être même qu'un jour on se prendra dans les bras : les réflexes ne meurent jamais, non ?
En revanche, je n'ai jamais rencontré ma demi-soeur. Je n'ai connu son existence qu'incidemment, il y a trois ans. Bien sûr, j'ai eu la lâcheté de faire semblant de m'en foutre et de ne pas en parler avec mon père, son père. D'ailleurs je ne parle plus avec mon père. C'est très confortable.
Seulement, voilà : je ne sais pas mentir aux enfants ! J'ai la manie désastreuse de dire la vérité à ma fille. Alors, quand elle m'a demandé combien j'avais de frères et soeurs, j'ai bien dû prendre acte de l'existence d'une inconnue familière. Et je reconnais que ça m'a travaillé. Hier, j'ai retrouvé ses coordonnées (les réseaux sociaux et Internet ont tué la notion même d'anonymat). Je lui ai écrit ce truc. Le résultat fait un peu le retour du Jedi mais, croyez moi, l'exercice n'est pas évident :
"Chère ***,
Comment dire ? Je suis probablement ton frère. Je ne vois pas d’autre manière de le dire, aussi étrange que cela puisse paraître. J’ai bien cherché une introduction subtile mais j’ai séché comme un collégien abonné au vagabondage plus qu’au bachotage. Pour moi, tu es un secret d’alcôve dans le monde feutré des mensonges familiaux. A tel point que je pense parfois t’avoir rêvée (d’où le probablement, un adverbe comme on se pince pour se réveiller). Je suis loin de ce monde aujourd’hui et tu m’intrigues, et pas qu’un peu. Je ne sais rien de toi et je ne sais pas ce que tu sais de moi. Pour toi, peut-être ne suis-je même pas un nom.
Quand tu grandissais, je ne savais même pas que tu existais. Quand tu prenais un centimètre de ton côté, j’en prenais un du mien ; on aurait pu les mesurer ensemble ; mais, pour un seul père, il a fallu deux toises.
Tu sais, j’ai une fille de 4 ans qui m’a demandé combien j’avais de frères et soeurs ; et tu m’es venue naturellement à l’esprit. Alors je me suis dit que j’allais oser te poser une toute petite, une grande question : ça te dirait qu’on s’écrive, toi et moi ? Il n’est jamais trop tard pour casser les cloisons que dressent les adultes entre les chambres des enfants.
***."
Si je vous dis tout ça, c'est que j'ai un noeud dans le ventre et l'impression d'avoir fait une connerie. Une indispensable connerie, mais une connerie quand même. Et les conneries, ça se partage.