Marrant, je constate qu'on est plusieurs à avoir beaucoup de mal à définir notre origine et notre "chez nous".
Je n'y arrive pas non plus et j'ai essayé plusieurs fois de répondre à ce topic, en vain.
Je suis français depuis tellement de générations que c'en est déprimant (c'est quand même vachement plus classe d'être mixé, au XXIè siècle

).
Comme Pygargue et Luka, c'est à l'étranger que je me suis raccroché à ma francitude, en lisant français, en écoutant de la musique française, en râlant français. Mais c'était surtout parce que je n'avais plus aucun repère, que j'étais totalement perdu et que sans ça j'aurais perdu pied (ce qui aurait par ailleurs permis de m'immerger réellement et entièrement dans la culture cambodgienne, ce qui aurait pu être très intéressant). Ceci dit, ça ne m'a pas fait ça en Belgique. Alors Français, Européen de l'Ouest ou Francophone d'Europe de l'Ouest, je ne sais pas.
Je n'ai aucune identité régionale. Né en région parisienne, éduqué en Bretagne et Normandie, deux régions à forte identité culturelle qui ont tendance à bien te faire comprendre que tu es étranger si tu n'y es pas né (chacune d'une façon différente : la Bretagne ne rejette pas l'étranger, contrairement à la (Basse-)Normandie). Quand on me demande d'où je viens, je ne sais pas quoi répondre. Généralement, je dis "De nulle part" et je précise ensuite.
Je peux dire "Je suis français" et le penser quand je suis à l'étranger. Par contre, le dire en France n'a pas de sens, c'est trop vague. Français, mais d'où ? Ça change tout d'être breton, corse, réunionnais ou bourguignon. Ça change même tout d'être du Finistère ou d'Ille-et-Vilaine, quand on parle à un breton (et d'être du Finistère Nord ou Sud quand on est finistérien). Alors quels sont les référentiels ? Le canton, le département, la région, le pays, le continent ? L'endroit où on est né, celui où on a vécu avant ses 5 ans, celui où on a passé le plus de temps, celui qui nous a le plus marqué, celui où on aimerait vivre ? Je ne sais pas. Sans ces deux référentiels, je ne peux pas me définir face à quelqu'un qui connaît la France et sa diversité.
Non seulement je n'ai donc pas d'origine, mais je ne me sens chez moi nulle part. Peut-être est-ce lié. Je rejoins Luka à nouveau sur ce point : "chez moi", ce sont des instants. Lorsque j'ai découvert la plantation d'hévéa et son paysage magnifique à Bousra au Cambodge, lorsque j'organise un apéro dans mon studio à Paris, lorsque je masse deux amies au bord d'un lac en Auvergne, lorsque je fais du parapente à Itxassou, quand mes parents en Bretagne me demandent si je suis enfin allé voir un médecin, je suis chez moi, parce que j'ai des repères ou que leur disparition est compensée par un émerveillement impossible à nier. Mais ça ne durera pas. Un malaise finira par s'installer, me faisant comprendre que je ne suis qu'invité et qu'il est temps de repartir en quête de ce "chez moi" insaisissable.
Concernant les accents, il paraît que j'en ai un bien français quand je parle anglais (ce qui m'énerve assez). J'aime bien les accents justement parce qu'ils donnent une information sur l'origine géographique (à différencier de l'origine "intérieure") de mon interlocuteur. Ça éveille ma curiosité. Un Français qui me demande son chemin, je lui réponds et je passe à la suite. Un étranger, je m'interroge : que vient-il faire ici ? Qu'est-ce qui l'intéresse ? Vit-il ici ? D'où est-il exactement ? Depuis combien de temps est-il là ? L'accent ne met pas une barrière, dans mon cas, au contraire, il stimule l'intérêt.