Petits suicides entre amis

Débats Gay et Lesbien
magicalme
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Re: Petits suicides entre amis

Message par magicalme »

Indigo a écrit :
magicalme a écrit :Dans notre société moderne, la souffrance mentale et/ou physique n'est pas acceptée dans le milieu médical. Là où se situe la différence entre euthanasie et suicide, c'est à mon avis dans le côté "incurable" (au sens large) qui est lié à l'euthanasie, que ne revêt pas le suicide. (Quelqu'un en phase terminale qui se tire une balle, je range ça aussi dans la case euthanasie. la forme n'importe pas, mais le fond.)
Je me répète : l'euthanasie, c'est le suicide assisté. Et l'accent est bien sur le "assisté". Sauf qu'entre homicide et suicide assisté, la nuance est mince, et c'est bien là que se situe la majeure partie de l'argumentaire. Donc oui, le cancéreux en phase terminale qui se jette par la fenêtre, c'est un suicide, pas de l'euthanasie. Quant à la non acceptation de la souffrance physique, heum ... la morphine, peut être ? Il me semble que c'est la souffrance psy qui est sacrément moins acceptée, (et au contraire, peut être plus dans le milieu médical). Suffit de voir les réactions de certains face à des dépressifs, c'est pas jouasse niveau empathie.
Petite incompréhension, due à mon inexactitude verbale: quand je dis "pas acceptée", c'est bien avec l'idée que le milieu médical ne tolère pas que ses patients souffrent. Donc oui, je pensais à la morphine par exemple. Ce que je voulais dire, c'est que les réponses médicamenteuses existent, donc on ne peut pas dire qu'une dépression, ou autre, ne se soigne pas. La légitimité des traitements n'est qu'un épiphénomène de ce débat, même si c'est une question passionnante: peut-on, doit-on soigner quelqu'un contre son gré?
Bien entendu sur la distinction euthanasie/suicide, on parle d'un sujet de frontière: c'est bien sur la mince nuance que l'on discute, et sur son positionnement précis.

Pour le reste, je répondrai plus tard!
Queen of Leon
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Re: Petits suicides entre amis

Message par Queen of Leon »

Indigo a écrit :
Queen of Leon a écrit :L'autre chose immuable que l'on possède, c'est l'amour de nos proches. Et pour avoir perdu des proches dans des accidents mortels, je peux te dire que la mort de mes proches est une des rares choses qui me terrorisent vraiment, et que le suicide m'apparaît comme un acte totalement incompréhensible. J'ai vu un père renoncer et détruire sa famille en se suicidant. Je ne comprends pas, et ne comprendrai sans doute jamais. Voilà pourquoi je partage cet attachement à la vie - pas seulement à la mienne, mais aussi et surtout à celle des autres.
Oui, quand quelqu'un meurt, ses proches souffrent. Oui, le suicide est un acte égoïste. Et forcer quelqu'un a vivre dans une souffrance intense, c'est pas égoïste, par contre ? Surtout qu'il y a une différence entre le type qui se fait sauter la cervelle devant ses gamins en bas âge, ou qui se jette sous les roues d'un chauffeur qui n'a rien demandé, et un autre qui s'avale tranquillement ses cachetons chez lui. Ou alors faut compter les points de chaque côté ? "Ah ben il va faire souffrir x personnes et son degré de souffrance est de y, insuffisant." ? Aux dernières nouvelles, dire à ses parents qu'on va pas faire médecine mais plombier ça peut aussi les rendre triste, larguer quelqu'un ça le rend triste ... "Ah ouais mais ça rend vachement plus triste, quand même !" ?

Et euthanasie et suicide ne sont pas si éloignés. L'euthanasie, c'est du suicide assisté. C'est à dire que comme la personne n'est pas en état de mettre fin à ses jours seule, quelqu'un le fait pour elle. Donc dire "je suis contre le suicide, mais l'euthanasie je me prononce pas", je trouve ça très illogique.
Très illogique ?

Je ne me prononce pas sur l'euthanasie, simplement parce que c'est un sujet sur lequel je me suis très peu documentée, sur lequel je connais peu le droit en France et à l'étranger. Et également parce que -heureusement-, je n'ai jamais connu la situation de voir l'un de mes proches à l'état de légume dans lit d'hôpital et de me demander "On le débranche ou pas ?"

Oui comme tu le dis, "forcer quelqu'un a vivre dans une souffrance intense", c'est égoïste, ai-je dis le contraire quelque part ? J'vois pas pourquoi tu parles de "compter les points de souffrance" alors que j'ai simplement dis que je n'avais pas d'avis sur l'euthanasie. A froid, je te dirai que je suis plutôt pour, mais encore une fois je ne me sens pas en position d'en juger pour l'instant. Ca viendra sans doute.

Pour moi il y a un fossé entre le suicide et l'euthanasie, et je vais citer Magicalme parce qu'il explique très bien ce que j'en pense :
magicalme a écrit :Là où se situe la différence entre euthanasie et suicide, c'est à mon avis dans le côté "incurable" (au sens large) qui est lié à l'euthanasie, que ne revêt pas le suicide.
Personne n'a suggéré de forcer quelqu'un à vivre dans une souffrance intense! Mais quand il s'agit d'une souffrance psychologique, et non physique, je pense qu'on est d'accord pour dire que dans la plupart des cas ça n'a rien d'incurable.
Et je ne crois pas que Queen of leon parlait des circonstances de l'actes, mais bien des conséquences psychologiques.
C'est peut-être mon incorrigible optimisme qui me fait penser ainsi, mais je crois qu'on peut toujours aller mieux quand cela relève d'un mal-être psychologique et non d'une déchéance physique et mentale liée à la maladie. Après, je ne considère pas non plus le suicide comme impensable, je suis loin de connaitre toutes les circonstances qui peuvent entraîner un suicide.
4minutes33
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Re: Petits suicides entre amis

Message par 4minutes33 »

(je m'incruste, vous permettez?)
Queen of Leon a écrit : C'est peut-être mon incorrigible optimisme qui me fait penser ainsi, mais je crois qu'on peut toujours aller mieux quand cela relève d'un mal-être psychologique et non d'une déchéance physique et mentale liée à la maladie.
J'ai l'impression qu'un des points du problème est là. Puisque selon certains, la souffrance psychologique peut toujours être guérie, le suicide ne se justifie pas. Sauf que: dans bien des cas, le suicide n'est qu'une euthanasie qu'on s'applique à soi-même selon moi. Je m'explique: quelqu'un en grave dépression depuis 10, 15, 20 ans, qui vit donc dans une souffrance émotionnelle intense, souffrance qui d'ailleurs se traduit sur le plan physique: perte d'appétit ou au contraire prise de poids importante, ce qui à terme peut conduire à des maladies diverses et variées tout à fait réjouissantes entre bien d'autres réjouissances. Et donc à partir de quel moment ce cas devient "incurable,désespéré"? Cette longue descente aux enfers, cette déchéance physique et psychologique qui n'a aucune solution serait à vos yeux moins "grave" qu'une maladie incurable car il y a toujours l'espoir que la personne puisse guérir puisque ce n'est pas physique: ce n'est pas une tumeur qu'on peut voir, apprécier, mesurer dont on peut quantifier les dégâts tangibles. Non là c'est un cancer de l'esprit et ça, ça ne se mesure pas. Donc c'est un peu "facile" de dire "si, ça peut aller mieux, donc le suicide est un acte lâche". Parfois ça ne va pas mieux, parfois c'est incurable et donc le suicide n'est qu'une forme d'euthanasie.
Queen of Leon a écrit :L'autre chose immuable que l'on possède, c'est l'amour de nos proches. Et pour avoir perdu des proches dans des accidents mortels, je peux te dire que la mort de mes proches est une des rares choses qui me terrorisent vraiment, et que le suicide m'apparaît comme un acte totalement incompréhensible.
Ensuite autre point du problème: le suicide c'est incompréhensible parce qu'on fait du mal à nos proches qui nous aiment tant. Plein de choses à relever là dedans. Pardon d'enoncer un lieu commun mais non " L'autre chose immuable que l'on possède, c'est l'amour de nos proches" n'est pas une vérité absolue. Je te passerais les exemples tout à fait sordide qui me viennent à l'esprit ou même un petit flash back mélodramatique mais crois moi, certaines personnes ne grandissent pas avec cette certitude absolue et cette idée tout à fait sécurisante que "quelqu'un les aime quelque part et que c'est immuable".

Ensuite, j'ai envie de dire: quand bien même! Je COMPRENDS parfaitement pourquoi on peut dire que c'est dégueulasse une mère de famille qui se suicide, elle abandonne mari, enfants etc. Sauf que voilà si la vie est devenue invivable, si c'est profond et irréversible, continuer à vivre revient à: un long sacrifice inutile, vivre pour les autres alors que ça n'apporte strictement rien à la personne, et en plus j'ai du mal à être convaincue que lorsqu'on aime quelqu'un on peut lui souhaiter de continuer à vivre si cette vie n'est qu'une suite de souffrances. Bref: on reste chacun maître de sa vie, je trouve ça parfaitement horrifiant de me dire qu'on doit à des gens de rester en vie si on ne le souhaite pas. Notre vie c'est quand même le truc qui n'appartient qu'à nous, j'estime qu'on ne doit rien à personne de ce point de vue (et de biens d'autres mais c'est un autre débat).

Donc oui le suicide est un acte égoïste, il doit l'être d'ailleurs (rien n'est plus nul qu'un suicide pour ou à cause de quelqu'un, comme une vengeance ou autre), et je ne vois pas pourquoi ça en fait quelque chose d'inadmissible. Peut être que c'est parce que je ne suis pas très branchée martyre, ce n'est pas de mon siècle, je ne vois pas en quoi ces gens devraient s'obliger à souffrir pendant des décennies soi-disant parce qu'ils le doivent à leur famille (ou autres).
magicalme
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Re: Petits suicides entre amis

Message par magicalme »

Indigo a écrit :Il me semble - mais ce n'est que mon humble avis - que voir quelqu'un se jeter sous ses roues et le réduire en pulpe sanguinolente, c'est pas top, niveau conséquences psychologiques.
Hum, oui, on est d'accord je crois! :mrgreen:
Mais ce n'est pas ce dont parlais Queen of Leon dans son post! Elle parlait de l'après suicide, de l'absence, pas de l'explosion de viscère sur pare-brise!
Du coup j'aimerais bien que tu développes sur ça:
Indigo a écrit :Et puis ça peut aussi ne pas aller mieux.
Je ne suis pas d'accord avec cette phrase, donc j'aimerais bien que tu étayes un peu ton argumentation car je ne saisis pas trop! :)
Ben, c'est pas le monde des petits poneys roses non plus. Des gens qui connaissent la misère et crèvent seuls dans la rue, y en a. Y a aussi des cas un peu moins extrêmes mais pas tellement plus agréables.
Ok, je pensais que tu parlais uniquement d'un point de vue psychologique.

Mais d'un point de vue purement logique, quand on est au plus bas, ça ne peut techniquement qu'aller mieux! :-P
4minutes33 a écrit :(je m'incruste, vous permettez?)
Queen of Leon a écrit : C'est peut-être mon incorrigible optimisme qui me fait penser ainsi, mais je crois qu'on peut toujours aller mieux quand cela relève d'un mal-être psychologique et non d'une déchéance physique et mentale liée à la maladie.
J'ai l'impression qu'un des points du problème est là. Puisque selon certains, la souffrance psychologique peut toujours être guérie, le suicide ne se justifie pas. Sauf que: dans bien des cas, le suicide n'est qu'une euthanasie qu'on s'applique à soi-même selon moi. Je m'explique: quelqu'un en grave dépression depuis 10, 15, 20 ans, qui vit donc dans une souffrance émotionnelle intense, souffrance qui d'ailleurs se traduit sur le plan physique: perte d'appétit ou au contraire prise de poids importante, ce qui à terme peut conduire à des maladies diverses et variées tout à fait réjouissantes entre bien d'autres réjouissances. Et donc à partir de quel moment ce cas devient "incurable,désespéré"? Cette longue descente aux enfers, cette déchéance physique et psychologique qui n'a aucune solution serait à vos yeux moins "grave" qu'une maladie incurable car il y a toujours l'espoir que la personne puisse guérir puisque ce n'est pas physique: ce n'est pas une tumeur qu'on peut voir, apprécier, mesurer dont on peut quantifier les dégâts tangibles. Non là c'est un cancer de l'esprit et ça, ça ne se mesure pas. Donc c'est un peu "facile" de dire "si, ça peut aller mieux, donc le suicide est un acte lâche". Parfois ça ne va pas mieux, parfois c'est incurable et donc le suicide n'est qu'une forme d'euthanasie.
Je ne pense pas que ce soit exactement ce que nous ayons dit! :gentil:
Je n'ai pour ma part jamais qualifié le suicide "d'acte lâche", ni laissé sous-entendre que cela ne pouvait pas se justifier.
Ce qui m'interpelle est simplement le suicide présenté comme acte murement réfléchi et acceptable alors que c'est le fait d'une personne qui est souvent en mauvaise santé psychologique. (sans aucun jugement dans cette phrase, mais simplement pour reprendre l'angle "médical") Je suis sûr qu'il y a plein d'autres domaines où vous ne laisseriez pas quelqu'un se faire du mal, si vous en aviez la possibilité extérieure. Pourquoi reculer sur celui-là en particulier?

D'autre part, en ce qui me concerne je ne considère pas qu'on puisse toujours aller mieux quand il s'agit d'une souffrance psychologique. C'est bien la frontière dont on parle, et qui reste à définir: quelqu'un qui s'est cassé la jambe ne va pas demander à mourir, et on ne peux pas soigner de force une personne avec des souffrances psychologiques lourdes qui a juste envie d'en finir.

Peut-être que cela a à voir avec votre projet de société? Pour moi un suicide c'est la défaillance de l'état/du groupe, sensés protéger les individus. Du coup, comment voyez-vous le rôle de la société dans cette question?
Chrysé
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Re: Petits suicides entre amis

Message par Chrysé »

Je plussoie à beaucoup de choses ci dessus, et effectivement avant le Suicide, il y a très souvent la Dépression : "creux", affaissement, crise, chute, (ou perte de valeurs) dans une sur…face (Masque ?) ; Perturbation du dynamisme de la vie psychique, qui se caractérise par une diminution plus ou moins grave de l'énergie mentale, une certaine pente de l'affectivité qui est marquée par le découragement, la tristesse, l'angoisse, la peur (et les croyances qui y contribuent).
Mais ce qu'on oublie trop souvent c'est de dédramatiser cette... hop calez vous dans votre fauteuil on prend du recul: Zone nuageuse ou dépressionnaire : Lorsque deux masses d'air (conflit interne de pensées) se rencontrent, elle se gondole par endroits. Une dépression se forme et se creuse au niveau de cette ondulation, car la partie qui cède amorce une rotation sur elle-même (un retournement, une révolution). Une dépression en formation: Rencontre entre une masse d'air chaud et une masse d'air froid.

Vous avez prit le recul nécessaire ? Dès lors on peut entrer dans le vif du sujet... :^^:
Il semble qu'il règne une sorte de consensus général face à la "dépression"…, à moins qu'elle ne soit réellement sévère et qu'on soit alors étiqueté "malade" ce qui conduit invariablement à "se faire soigner", …mieux vaut l'ignorer ! Et ça énormement de gens savent hélas très bien faire...

On ferme alors les yeux, on continue ses activités habituelles comme si de rien n'était !
Faire en sorte d'être constamment occupé est habituellement considéré comme un bon antidote, alors qu’y accorder trop d’attention est considéré comme de la "complaisance". La dépression n’est pas prise au sérieux, sauf s’il s’agit d’une dépression grave; pour la plupart des gens, elle est plutôt un état d’esprit agaçant de complaisance envers soi-même, erf: dû à une situation concrète comme la rupture d’une relation ou la perte d’un être cher, et qui passera si on ne se laisse pas aller !!! :erm: "Ben voyons si tu l'dis bouffi !"

C’est en fonction de sa gravité que la dépression devient un état qui "mérite" qu’on s’y intéresse sérieusement. Notez d'ailleurs qu'on s'interresse à la dépression et rarement à celui qui la vit... erf:

Si l’individu a de la volonté et sait ce qu’il veut, il peut la plupart du temps s’en tirer et poursuivre sa vie... c'est vrai. Mais presque tout le monde ignore que dans ce cas la dépression ne s’en va pas; elle devient simplement plus ou moins inconsciente, ou s’exprime à travers le corps mais aussi à travers parfois plusieurs générations ! Quant à ceux que leur dépression a anéantis, il ne leur est tout simplement pas possible de s’en sortir, ce qui ne reflète pas forcément un manque de volonté ou de la complaisance, comme certains l’imaginent. Peut-être un individu apparemment malheureux est-il en meilleur contact avec ses sentiments qu’un autre qui se domine davantage; ou il est possible, enfin déjà pensable que, quelle que soit notre force, la puissance de l’inconscient soit supérieure ?
Personnellement j'ai une bonne idée de la réponse mais c'est la mienne... :^^:

Un tout petit exemple : Le désintérêt pour l’hygiène personnelle est l’une des expressions extérieures les plus fréquentes de la dépression, j'aurais pu dire chez les jeunes comme beaucoup de bien pensants le disent mais non, y'a pas d'âge, je ne parle pas non plus du style vestimentaire car vous pouvez être parfaitement pomponné sous des "loques" l'habit ne fait pas le moine ! :innocent: et donc pas le sain.

Ces manifestations superficielles de la dépression nous décrivent clairement le processus d’altération qui intervient dans la relation de l’individu avec la réalité extérieure mais aussi ce que ses (soi-disant) amis jugent comme la réalité.
Le sommeil est souvent perturbé, si bien qu’on se réveille très tôt le matin après avoir eu du mal à s’endormir la veille. Là déjà tout le monde applaudit, car la chance n'appartiendrait qu'a ceux qui se lèvent tôt ?
Les habitudes alimentaires peuvent également se modifier: boulimie, anorexie et un recours de plus en plus fréquent à l’alcool. Je crois que la plupart des gens font l’expérience de ce niveau de dépression à un moment ou un autre de leur vie. Mais parfois les symptômes sont plus sévères et plus inquiétants. L’individu est dégoûté par son corps, qu’il trouve affreux; il entre dans un cercle vicieux, car la tendance à négliger son corps conforte le sentiment qu’il est sale et répugnant et donc impropre à se relier à d'autres. Certains fantasmes profondément perturbants peuvent alors faire leur apparition : l’individu croit que son corps pourrit, qu’il sent mauvais, ou qu’il est plein de "mal", noirceur, ou de maladies ou de malédictions. Comme personne ne parle de ce genre de fantasmes et de sensations qui sont un peu gênants, celui qui est profondément déprimé ne se rend pas compte, qu’il s’agit d’expériences courantes, sans doute plus significatives qu’il ne semble à première vue.

Cette charmante description des symptômes classiques de la dépression vous montre qu’une grande partie de ce mystérieux état psychique semble être associée à la relation qu’on entretient avec son corps. Le corps est souvent le premier à exprimer la dépression, parfois même longtemps avant que l’individu ne prenne conscience de l’état d’esprit qui l’accompagne; et c’est lui qui lui semble mauvais, horrible ou putride. La négation de la vie (qui n'est pas encore une idée de suicide et loin de là même) qui caractérise la dépression s’exprime en premier lieu par les sentiments que l’on ressent envers son propre corps. Si son état s’aggrave, l’individu peut simplement rester prostré sans rien faire, et l’on va alors parler de ce que la psychiatrie appelle "dépression nerveuse", où il devient impossible d’évoluer dans la vie normale. On ne peut plus se lever le matin ni aller travailler ni communiquer. On s’englue dans une sorte de torpeur ou de paralysie qu’on ne peut dominer. Ce qui est étrange, surtout lorsque la dépression nerveuse s’accompagne des symptômes les plus flagrants, c’est que souvent l’individu ne ressent rien. Et là l'attention des amis intervient... mais hélas aussi leur sens critique souvent très mal employé...
Nous croyons généralement qu’une personne déprimée se sent affreusement mal ou complétements désespérée. Mais dès lors qu’on ressent et exprime ces sentiments, on est certainement mieux relié à soi-même et sans doute en meilleure santé que celui qui a simplement coupé le courant et ne ressent rien d’autre que de l’apathie.

Peut-être ne faudrait-il même pas appeler dépression cet état qui s’exprime par des émotions, car il s’agit plutôt d’une plongée dans des sentiments sombres ou négatifs. Ce que nous appelons dépression clinique correspond en fait à un désespoir non ressenti. L’individu n’a pas l’impression d’être déprimé, car c’est la dépression qui le possède et non l’inverse.
L’absence de vie, l’apathie et la pagaille qui s’amoncellent dans les placards montrent à l’observateur extérieur ce que l’individu ne peut exprimer, parce qu’il n’éprouve aucun sentiment.

Les fantasmes concernant le pourrissement ou la laideur du corps ne sont pas des sentiments; ce sont des pensées obsessionnelles, tout comme la conviction que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue ou qu’on est un raté. Il n’y a aucun sentiment attaché à de telles convictions ou fantasmes obsessionnels. On ne fait rien parce qu’il n’y a pas la moindre lueur d’espoir. Si certains parmi vous se sont vraiment trouvés dans cet état, ils savent bien que celui qui fait une dépression nerveuse ne dira jamais : " Je me sens horriblement mal. " Parce qu’il ne sent rien du tout.

Il semble y avoir une dichotomie dans la manière dont la psychiatrie orthodoxe envisage les états dépressifs sévères. Il y a d’un côté la dépression qu’on impute aux circonstances, et de l’autre celle qui est endogène, c’est-à-dire organique et sans relation avec les événements extérieurs.

Autrement dit, si quelqu’un fait une grave dépression six mois après la mort de sa mère, on supposera qu’elle est due à ce deuil et qu’il la surmontera. Mais c’est en fait plus compliqué qu’il n’y paraît.
Il y a bien de toute évidence un facteur concret qui peut être directement relié à sa dépression. Je me souviens avoir lu un article dans lequel une recherche statistique minutieuse menée sur plusieurs années apportait la preuve formelle que la plupart des gens qui perdaient un être cher tombaient en dépression. Grâce soit rendue aux statistiques, nous n’aurions jamais pu obtenir ce résultat tout seuls ! Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons nier que certaines situations particulières de la vie provoquent la dépression. C’est à dessein que j’utilise le terme "provoquer" plutôt que "causer".

Le chagrin, entre autres, peut la déclencher, surtout lorsqu’il n’a pas été exprimé ou reconnu au moment de l’événement douloureux. Lorsqu’un être aimé disparaît ou s’en va, il arrive que l’individu réagisse en refoulant toutes ses réactions émotionnelles, sans reconnaître les terribles sentiments de perte, de rage et de désespoir qui l’habitent. Mais il fait souvent une grave dépression quelque temps plus tard, parfois même beaucoup plus tard, sans raison apparente. (Je ne vous parlement des deuils durant la gestation dont nous pouvons tout aussi bien être victime à travers nos mères)

Quelques conseils judicieux, venant même d’un ami plutôt que d’un thérapeute, vont révéler que le processus de deuil, qui est naturel et inéluctable, n’a pas été effectué; et la dépression est alors une sorte de substitut du deuil, un moyen pour les sentiments refoulés de s’exprimer.
Il peut se passer la même chose lors de la rupture d’une relation, surtout pour ceux qui se montrent parfaitement raisonnables et pensent très bien comprendre ce qui n’allait pas et rendait nécessaire cette séparation. Tout le monde reste ami et montre beaucoup de savoir-vivre, et les sentiments naturels que devrait susciter cette situation qui est, somme toute, une sorte de mort appelant chagrin et deuil, ne sont pas reconnus. Et un peu plus tard, la dépression fait son apparition. Il me semble que cet aspect causal de la dépression, même différée longtemps après l’événement, est assez compréhensible.

Il me semblerait aussi que la psychose maniaco-dépressive devrait être rangée dans la catégorie des dépressions, dans la mesure où les phases maniaques sont en réalité une forme de résistance à la dépression. Mais d’un autre côté, certains n’ont aucune défense.
Donc, en résumé,"la nigredo" comme nous la surnommons est l’image d’une phase particulière du processus alchimique qu'entre autre Jung décrivait lui-même après la perte d'un ami, qui décrit parfaitement un stade du développement et de la transformation psychologiques. C’est une étape nécessaire qui doit précéder les phases ultérieures du processus. La nigredo est une plongée dans l’expérience de la mortalité et dans le monde obscur de l’ombre. Vécue à l’âge adulte, elle est souvent une sorte de régression au cours de laquelle l’ego mature s’effondre, alors que tous les sentiments sombres et primitifs de la petite enfance remontent à la surface.

Le terme "ombre", qui est très général, peut recouvrir toutes sortes d'expériences : nos sentiments d’impuissance, nos complexes d'infériorité, notre difformité, notre côté sombre et primitif. Qui êtes-vous sans votre masque, sans votre persona qui vous rend présentable ? Vous êtes ce crâne qu’elle dissimule. Il semble que l’individu en dépression ne soit plus capable d’utiliser la persona pour voiler ce qui est dessous, ce corps mortel perdu dans les ténèbres et le péché pour les croyants. Nous ne sommes pas des êtres immatériels et éternels, vivant à jamais dans la jeunesse, la beauté et la grâce divines. Nous sommes de simples êtres humains. :copain: Aimons nous vivants et mourrons le plus tard possible, en bonne santé !

Extraits d'études et recherches BDUA.
zigomio
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Re: Petits suicides entre amis

Message par zigomio »

moi je trouve que le suicide est une forme d'égoïsme
Chrysé
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Re: Petits suicides entre amis

Message par Chrysé »

Bah peut-être pas "le suicide" et en général, mais certains et d'un certain point de vue, ce n'est pas faux ce que tu dis zigomio oui, et forcément puisqu'on prend la décision ou commet l'acte de priver brutalement les autres, voire allez, n'ayons pas peur des mots, l'humanité, de soi... C'est d'autant plus vrai quand on laissera, abandonnera ainsi par exemple ses enfants en bas âge... ou des parents meurtris à vie.
Mais environ 30 à 100 enfants de 4 à 15 ans se suicident chaque année. "Pulsion de mort" oui, pas "désir de mort" où là, l'égoïsme à plus volontiers sa place parfois, notamment chez les plus grands. "Je me suiciderais bien, mais j’ai peur de le regretter" (dixit rapport neuropsychiatrique commandé par la secrétaire d’Etat à la Jeunesse, Jeannette Bougrab) et c'est ce qu'on se disait entre potes quand on avait 9, 10 ans ça ne date pas d'hier... Mais nul ne naît altruiste et l'égoïsme à du bon je crois même sincèrement que c'est justement ce qui m'a sauvé plus d'une fois...

En se tuant, beaucoup voulaient que leur vie change, mais ne voulais pas qu’elle s’arrête pour autant !
Ah c'est sûr y'a eu du changement autant pour eux que pour l'entourage... un suicidé ne mesure pas les conséquences et terribles dégats qu'il va provoquer parfois sur plusieurs générations comme je le disais...

D'ailleurs ce rapport rappellait aussi que l’enfant qui grandit auprès d’un parent "déprimé, suicidaire ou suicidé, violent, alcoolique ou maître chanteur" etc. (notez qu'une mort autre peut aussi avoir ce type de répercussions) aura tendance à grandir "dans la peur de l’abandon", avec "une sensation de mort imminente" (j'ai connu...et on ne réagit pas tous pareil); parfois pour certains c'est impossible à calmer où alors au prix de beaucoup d'effort et de travail. :euh:
Ayant acquis ce mode de réaction, parfois et selon le suivit apporté, ou la résilience accomplie, le moindre événement réveille chez eux un affolement mortel : une mauvaise note, la perte d’une amitié, déclenchent la pulsion tracée dans sa mémoire biologique. Non seulement ces enfants pensent à la mort pour un rien, un peu comme des soldats revenus du front, mais cette pulsion acquise devient pour eux une manière possible de résoudre leurs problèmes." Mais la mort n'est pas une solution, elle est une évidence, y'a pas de mystère et finalement très peu d'attrait, la vie par contre c'est bien plus fascinant... enfin pour moi. :^^:
Emixam
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Re: Petits suicides entre amis

Message par Emixam »

zigomio a écrit :moi je trouve que le suicide est une forme d'égoïsme
On peut pas tout le temps être dévoué corps et âme aux autres, il y a toujours des petits (ou long selon les personnalités) moment ponctué d'égoïsme, car on a de temps en temps besoin de penser à nous même avant les autres.

Une autre chose aussi, c'est simplement que ce n'est pas que l'on ne veut pas voir la dépression dans l'autre, mais qu'on la ressent pas de façon aussi intense que lui, tel la partie visible de l'iceberg dont seul la personne elle même peut voir la face caché. Jusqu'au moment ou cela est trop intense...

Je suis simplement pour l'euthanasie, je rappellerais pas les raisons, elles ont déjà suffisamment était dites et redites.

Quand au suicide, comme déjà dit, une fois mort on ne peut revenir en arrière, et se dire que quelqu'un souffre depuis trop longtemps et ne remontera jamais la pente, qu'il ferait mieux d'en finir, ou qu'il a bien fait, c'est quelque chose auquel je ne me risquerai jamais, et la médecine aussi je pense.
Chrysé
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Re: Petits suicides entre amis

Message par Chrysé »

Egoïsme 1 point, :^^: Sinon, l'euthanasie, je serais assez d'accord dans de nombreux pays ça se passe déjà en douceur pour beaucoup (et de toute manière une personne déterminée à partir, elle part et je ne parle pas de suicide extérieur, mais du suicide psychique profond celui sur lequel personne ne peut strictement rien hormis le défunt lui même quelques fois).
Je vous recommande un livre très intéressant sur le sujet : Qu'avons-nous perdu en perdant la mort ?, le livre de Damien Le Guay...

Mais j'ai malgré tout, de part mon expérience, quelques réserves sur l'euthanasie, car dans quelles conditions ? :erm: Tout le monde n'est pas aussi honnête et intégre qu'on l'imagine :innocent: Je verrais bien déjà l'obligation de regarder la mort en face soi-même, en remplissant un document stipulant nos dernières volontés sur ce point précis réactualisables, si désiré selon l'évolution de notre vie et relié par exemple aux contrats d'assurances obligatoires ou lié à la carte vitale par exemple, j'ai déjà failli mourir une dizaine de fois et je n'avais rien écrit de précis, charmant pour ceux qui reste d'où une part d'égoïsme et d'invulnérabilité en héritage aussi ! :erm:
Voici quelques idées en vrac, pas forcément toutes bonnes, mais donnez les vôtres...et parlez en avec votre député, pourquoi pas ?

Le moment venu la décision serait prise par exemple au travers d'un vrai conseil à trois têtes: famille, personnel de santé, et un médiateur ou quelque chose comme ça, qui lui fera peser les dernières volontés du futur et potentiel défunt ?
On ne peut pas exiger de nos proches ou des personnels de santé de tout assumé à notre place, c'est parfaitement irresponsable et c'est tout de même la décision de notre départ quoi ! Remplir donc dès (18 ans, 21 ans...?) car hélas la mort n'a pas d'heure... pouvoir dire, ce que l'on désire (peut-être que ça nous ferais encore plus apprécier la vie qui sais ?) Mais... pour les plus jeunes, disons - de 60/70 ans si un véritable bon espoir existe de gagner dans de bonnes conditions de vie autonome, le conseil penchera indubitablement toujours pour celle ci ! On pourrait aussi au pire en cas de conflit, envisager un recours pour les proches... (un deuxième avis médical extérieur, un autre médiateur...)?

Si je prends l'exemple de plusieurs anciens de la famille, une qui n'avait plus que 4 mois à vivre (68 ans et un échange standard moteur...), si on l'avais écouté, pouf dans l'urne puis en mer d'Iroise... en pesant bien le pour et contre avec les médecins, elle a accepté de repartir pour...10, 15, 20 ans...? Enfin, elle tourne rond depuis... :content: (Je précise aussi que l'on a assumer de s'en occuper aussi, il faut pouvoir le faire et ce n'est pas toujour donné à tous).
J'avoue alors n'avoir pensé qu'à une chose, "a-t-elle encore des choses à transmettre ? Est-elle encore curieuse de la vie..." Oui... bon ben voilà, on a la réponse !
Une autre (95 ans), idem et pourtant certains de ses enfants étaient déjà prêt à toucher le jackpot/héritage, mais non 8 jours de soin attentifs, de remise en forme et hop ! on repart pour 2, 3, 4 ans, peut-être même une centenaire ou + ? Elle a quand même profitée d'un mariage, d'une croisière, d'une naissance de plus, depuis, :content: Le prochain coup de grisou, si elles en ont vraiment ras le bol... on assumera leur décision... on les laissera partir tranquillement. :gentil:

Ce qui nous replonge parfaitement dans le sujet : Petits suicides entre véritables amis ou ennemis ? :chaipas:
Emixam
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Re: Petits suicides entre amis

Message par Emixam »

je plussoi, j'ai pas voulu aborder ce problème histoire de pas faire mon parano, mais les risques d'abus (surtout quand y'a de l'argent en jeu) sont réel.
Le moment venu la décision serait prise par exemple au travers d'un vrai conseil à trois têtes: famille, personnel de santé, et un médiateur
Je rayerais famille ou élargirai cette notion au sens plus psychologique que biologique :)
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