Archétype du débat difficile

mais tout à fait passionnant, si on accepte de le mettre sérieusement en discussion. Quelques trucs, rhapsodiques, écrits entre midi et deux. Tartine que vous lirez, ou pas. J'écris au km, donc c'est comme c'est. Peut-être que je rééditerai pour graisser l'caractère ici et là et rajouter d'la ponctuation smiley, mais là, j'ai faim - et j'ai une réunion à 14:00 alors voilà, en l'état.
Tout ça supposerait qu'on distingue bien - ce qui a été fait - la question politico-morale (on dira "pratique", dans un vieux sens de ce terme, qui vise tout ce qui touche l'action humaine) de la question scientifique. Et donc qu'on ne fasse pas des résultats de la question scientifique des entrants - ou des adjuvants - de la question pratique, du moins pas sans analyse critique poussée. Pas sûr que ce soit possible.
Le choix, c'est une question pratique. L'innée et l'acquis, ce sont des questions scientifiques, datant d'ailleurs d'une époque dépassée de la science.
Si on se pose la question des causes et de la genèse de l'hs (ça va plus vite à écrite qu'homosexualité - j'écris hts pour hétérosexualité), il ne peut être question de faire l'impasse sur la prévalence élevée de ce comportement
sexuel au sein des populations humaines. Or comme la sexualité est liée, dans notre espèce, à la reproduction, et que le reproduction est l'une des clefs de l'évolution, l'hs ne peut pas 1. ne pas avoir été sélectionnée ou 2. être un effet secondaire inévitable d'un comportement sélectionné.
Ce qui signifie qu'une des bases de l'hs (resp. de l'hts) est génétique. Sans doute pas d'ailleurs portée par un seul gène, mais par une combinaisons, ce qui expliquerait en partie les variations d'attraction d'un individu à l'autre. En partie seulement, parce que l'environnement et les expériences sont sans doute tout autant déterminants à la fixation d'un comportement chez un individu donné. 100% inné et 100% acquis - c'est un mot de Cyrulnik, pour d'autres choses.
La question qui se pose aux biologistes évolutionnistes est de comprendre pourquoi statistiquement un tel comportement est valorisé - c'est-à-dire pourquoi il ne tend pas tout simplement à disparaître, ce qui serait le cas si les individus produits n'engendraient pas d'enfant. Je connais deux hypothèses, il y a en a sans doute d'autres.
H1 - les homosexuels sans enfant seraient plus enclins à co-éduquer les enfants de leur propre famille - neveux, notamment. Du coup, ils contribueraient à la transmission de leur propre patrimoine génétique, fût-ce de façon plus limitée que la transmission à leurs propres enfants. J'avoue que cette hypothèse me semble si faiblarde que je crains de la mal transcrire.
H2 - les homosexuels exclusifs, peu nombreux (de 2 à 4%) seraient un cas limite de bisexualité, qui, elle, pour des raisons diverses, présente de réels avantages reproductifs un peu trop long à exposer ici (je renvoie au drôlatique et parfois assez... cru "sperm wars" de Robin Baker - oui, c'est en Français - âme fleur bleue s'abstenir). Une hypothèse qui tient mieux la route en tout cas.
La question que se posent les psychologues est plutôt de savoir comment ça se manifeste chez untel ou untel : on change d'échelle, et, du statistique, on passe à l'individuel.
Là, on n'a pas de réponse claire. L'attraction hs (homosexuelle : hs fonctionne aussi comme un adjectif

) est-elle en partie fonction de la permissivité de la société ? Auquel cas ceux qui craignent un recrutement, une promotion auraient raison, non pas de craindre, mais d'y voir une cause de l'augmentation des comportements hs ? Certains types de rapports familiaux - mère-castratrice-père-absent - ont-ils une prévalence étiologique ? Les expériences sexuelles précoces ? Peut-on changer d'orientation sexuelle en cours de vie ? Il est extrêmement difficile de conclure quoi que ce soit là-dessus, obtenir des chiffres fiables est à peu près impossible. Je me garde donc bien d'entretenir la moindre croyance là-dessus, même s'il y a des trucs que je trouve plus probables que d'autres - mais je n'ai pas de raison réellement scientifique pour ce faire. La seule chose qui me paraît correcte est que toute réponse unilatérale ("on ne peut pas changer d'orientation sexuelle", "les rapports familiaux n'ont aucune influence", "c'est une question de feeling", "c'est un choix inconscient" (bel oxymore

), etc.) est
a priori suspecte.
Maintenant, en effet, qu'est-ce que changerait la conscience claire d'une étiologie précise de l'hs ? Rien, si on obéit au principe rappelé pus haut : pas de mélange entre les conclusions de la science et les valeurs. Oui, mais bon. Nous sommes une civilisation qui s'est fondé sur des principes anthropologiques tels qu'il n'est pas possible, pour nous, Occidentaux, de faire l'économie de ce qui est naturel pour définir ce qui est moral...
Et donc
nous avons besoin de nous construire des théories à propos de la catégorie dans laquelle nous sommes inféodés. Ce besoin est strictement pratique. Et là, chacun avance des hypothèses non plus en fonction d'un processus scientifiques - où l'on cherche des causes - mais en fonction d'un processus pratique - où l'on cherche des motifs et des raisons. Ce qui change, c'est que c'est le goût de chacun pour plus ou moins de détermination génétique, plus ou moins de détermination par rapport à l'environnement qui prévaut. Goût forgé par les expériences personnelles, par l'observation, par la connaissance des courants de pensée de son époque et leur influence sur lui/elle - on n'a pas du tout la même optique si on croit en la liberté individuelle ou si on croit dans une forme de déterminisme des actes, cf le post de Miss Hada ou celui de Kefka, sur l'assomption, voire la méfiance de maxime153.
Cette façon de nous construire nos propres théories sur nous-mêmes et sur les catégories auxquelles nous appartenons de façon plus ou moins floue ("hs" en est une), rétroagit sur ce qui est admissible ou pas - sur les raisons et motifs par lesquels nous rendons un comportement moralement validable et donc émotionnellement acceptable. Du coup, cela modifie les contours de la catégorie elle-même. Dit autrement : "hs" est une catégorie construite - je n'énonce rien de nouveau

- sur la base de comportements affectifs eux-mêmes ancrés pour partie dans une transmission d'éducateur à enfant. C'est comme ça dès qu'une catégorie a une composante morale - et dès qu'elle touche à un comportement humain, elle en a un d'emblée : sa composante scientifique met un temps fou à s'en dégager, quand même elle y parvient...
Du coup, on ne parle pas de la même chose quand on parle d'hs comme comportement socialement validé et d'hs comme comportement d'un individu d'une espèce donnée. Pas de la même chose, j'insiste : ce ne sont pas deux facette d'une même chose, ce sont des choses différentes et dont les attendus divergent.
La question est alors : comment nous positionnons-nous face à la chose dans sa composante scientifique ? La réponse la plus courante est : "confusément"

: par embrigadement de la science dans des réponses pratiques, sans analyse finement menée de ce que cet embrigadement peut signifier, sans analyse fine ("généalogique" à la Foucault, par exemple) de la position de pouvoir qui incombe alors au scientifique en position de dire ce qui est bien/mal, bon/mauvais.
Alors que nous pouvons créer un sens réellement
humain sans nous ramener à une extériorité scientifique, à des causes transformées en raisons et motivations de l'action. Mais pour cela, il faut que nous puissions parvenir à nous considérer
à la fois comme des fruits d'une nature externe - des "machines humaines"

si tu veux - et des créateurs de notre nature propre. Car, d'Occident, il n'est pas de dieu qui nous indique par
sa loi ce que nous sommes en tant qu'êtres sociaux - les religions ne font là qu'administrer la chose humaine en prenant la main sur les mécanismes de régulation de groupes. Mais il est des limites que notre nature nous impose, qui sont autant de voies d'expérimentation - on expérimente toujours aux limites et avec les limites - de ce qu'hs veut dire. En le limitant à une question d'innée ou d'acquis, de conscient ou d'inconscient, on ne voit que les contraintes externes, issues des grandes structures interprétatives qui sont celles de notre civilisation. On ne voit plus trop la liberté réelle qui s'y cache, la capacité d'invention qui vient d'une position minoritaire, marginale, sur les bords et donc proche des limites.
A mon sens, l'insistance sur les causes est cohérente avec la réclamation de droits identiques à ceux des hts. Dans les deux cas, on cherche à homogénéiser. Je ne dis pas c'est mal, bien des gens vivront largement plus sereinement de connaître des raisons uniques et d'avoir des droits communs. Mais, comme toujours, je me soucie de ce qui se passe aux frontières, là où ces droits ne sont pas désirés, là où ces causes engendrent des raisons qui elles-mêmes bouchent des horizons
- Occidental aussi en cela, l'Occident étant ce mouvement d'inquiétude pour les marges qu'il crée.