être étranger chez soi, être soi à l'étranger

[Blad]

Normal : on a accès en Belgique à tous les médias français, pour nous, un "retour" à la France ne ferait pas une grande différence. Par contre, la réciproque n'est pas vraie ...

La francophonie est culturellement très cloisonnée en fait, par exemple, difficile de regarder la TV suisse, canadienne ou belge en France.

Absolument. J'ai aussi ressenti le sentiment d'appartenir à une nationalité (en l'occurrence française) lorsque j'étais à l'étranger.

Dans l'absolu, je dirais française, mais je ne suis pas vraiment chauvine et encore moins nationaliste.

+1 (encore)!!
Je suis rarement parti à l'étranger mais j'ai rencontré beaucoup d’américains et j'ai travaillé 5 ans avec des chinois. Et je dois dire que j'ai vraiment pris conscience de mon coté "français" en les fréquentant! Surtout si on se met à parler politique. Bizarrement les attaques contre la France de là part d'un étranger ont tendance à m'agacer alors que j’aurais peut être dis la même chose dans un autre contexte...

Sinon, j'ai des racines françaises et parisiennes, et j'ai vécu toute ma vie dans la maison familiale comme mon père, ma grand-mère, mon arrière grand-père et son père. Je me sens plutôt parisien, en tous cas, j'y ai un attachement fort parce que j'y ai tous mes souvenirs et je me vois mal vivre durablement ailleurs en fait

Mes parents sont des vrais nationalistes qui pensent que le seul endroit civilisé dans l’univers est la partie nord de la France. Moi je suis plus modéré, oui je me sens français, j’apprécie le "way of life" français mais je suis quand même fasciné par d'autres pays, sans vouloir nécessairement y vivre pour toujours.

[ordure]

Double nationalité.
Mais je parle qu'une des deux langues. Alors je me sens quand même un peu étrangère quand je suis là bas.
Et comme pour moi être métisse c'est 2 cultures, 2 religions, 2 langues, qui sont souvent en conflits...bah je suis toujours un peu étrangère aussi ici.

[Rosslaew]

Je ne me sens pas Français par nostalgie, ce n'est pas le sens de ma remarque, seulement par différence avec ce qui m'entoure. Il faut se frotter à la différence pour sentir ce qu'on est vraiment, plus profondément qu'on ne le pense. Mon goût pour la discussion, la rhétorique, la contestation, le refus du « chu ben comm' chu » local, ça reste très français, ou perçu comme tel, comme le goût de la moutarde forte, du pain croustillant et des fromages qui puent...

Ça dépend ce que tu considères aussi par nationalité, si c'est ton héritage culturel ou ton attachement au pays non ? Personnellement je me sens citoyen du monde parce que je ne regrette pas la france, que j'aime me mettre au rythme des autres pays et que je m'y sens bien, sans mal du pays en résumé, mais je reconnais aussi clairement que j'ai un héritage français.

Donc être français qu'est-ce que c'est ? Avoir un héritage français, parce qu'on n'a finalement connu que ça, ou avoir un attachement à la france, un réel sentiment d'appartenance, qu'on peut effectivement découvrir en partant à l'étranger ?

(pour ma part de toute façon j'ai un héritage un peu multiculturel, mon père assimilant facilement les autres cultures aussi, du coup j'ai une culture française, italienne et pied noire, selon mes origines, mais aussi des bouts de créole, mexicain et autres, donc bon ça aide ^^)

[Adyton]

C'est vrai que c'est plutôt un héritage culturel auquel je m'attache en me prétendant français. L'idée de nation ne me touche pas, d'autant moins que ses représentants les plus en vue m'écœurent au plus haut point. Tout se qui touche à la tradition me laisse assez froid dès que la religion vient s'en mêler. Ce n'est pas simple quand on se met à y réfléchir. Cet héritage est ancrée dans une terre, la francophonie canadienne n'a rien de la francophonie française par exemple. Il y a une certaine qualité de vie française qui me touche, certaines disponibilités qui correspondent à mes habitudes, mon éducation.

[Manchette]

OFF-Topic :

[quote]Bizarrement les attaques contre la France de là part d'un étranger ont tendance à m'agacer alors que j’aurais peut être dis la même chose dans un autre contexte...[/quote] C'est marrant, mais en ce moment, ça me réjouit au plus haut point. Surtout venant d'un pays qui ne devrait pas exister...

Je crois que l'une des seules choses auxquelles je reste attaché concernant la France, c'est sa laïcité. Je me souviens d'un article d'un journal allemand paru dans Courrier international, expliquant en caricaturant à peine que la laïcité est aux Français ce que l'islam est aux Saoudiens : une véritable religion d'Etat et une identité singulière. C'est d'ailleurs quelque chose qui échappe souvent aux étrangers : j'avais dû longuement expliquer à un ex Malaisien pourquoi c'était une bonne, une excellente chose, qu'il n'y ait pas de mosquée ou autre local à bondieuserie à la fac.

Une autre chose est assez fascinante à expliquer à un étranger (ma xénophilie était mise à rude épreuve du simple fait qu'il s'y intéressât), une chose que je déteste plus que tout : la franchouillardise !

[Norma]

OFF-Topic :

[quote]Bizarrement les attaques contre la France de là part d'un étranger ont tendance à m'agacer alors que j’aurais peut être dis la même chose dans un autre contexte...

C'est marrant, mais en ce moment, ça me réjouit au plus haut point. Surtout venant d'un pays qui ne devrait pas exister...[/ot]

Je crois que l'une des seules choses auxquelles je reste attaché concernant la France, c'est sa laïcité. Je me souviens d'un article d'un journal allemand paru dans Courrier international, expliquant en caricaturant à peine que la laïcité est aux Français ce que l'islam est aux Saoudiens : une véritable religion d'Etat et une identité singulière. C'est d'ailleurs quelque chose qui échappe souvent aux étrangers : j'avais dû longuement expliquer à un ex Malaisien pourquoi c'était une bonne, une excellente chose, qu'il n'y ait pas de mosquée ou autre local à bondieuserie à la fac.[/quote]

Dans ma fac y'a une église universitaire (ma région n'est pas laique, pourtant elle est française !! Je suis française mais je ne m'identifie pas à la laïcité comme faisant partie de mon identité). Très utilisée par les étudiants en théologie. Et je vois pas le mal.
Après tout, à la fac, je ne me sert pas de la chapelle. Mais je ne me sers pas non plus du hall des sports. Ni des psy-réacs du service social. d'ailleurs je trouve les psy-réacs du service social plus dangereux que la chapelle.

Puis après tout, l'état paie bien des gens pour étudier le supra-moléculaire qui d'après mes potes chimistes est plus proche de la superstition que de la science, alors bon... (me lancez pas la dessus par contre, c'est un exemple que je ne maitrise pas, c'était juste pour changer un peu de mon exemple habituel sur les gens qui étudient comment faire un art marxiste qui inciterait à la révolution prolétaire qui pour moi est aussi une foutrerie de connerie abyssalle surtout dans une société qui fonctionne par le tertiaire...)

[Erual]

Je déterre ce sujet parce qu'un article m'y fait pensé ; Comment on devient français. C'est un témoignage de quelqu'un qui vit en France avec une double culture, et qui s'y est senti longtemps étranger. C'est vachement intéressant je trouve

Quand on fait partie de la première génération issue de l’immigration, on devrait, logiquement, ne pas avoir le même rapport, que pour les générations suivantes, avec le pays d’origine de nos parents.

Nos parents, fraîchement accueillis, arrivaient et s’installaient en France le cœur colonisé pendant que nous naissions de l’autre côté, chez ceux qui furent des hôtes imposés et imposants durant plus d’un siècle.

Alors que pour beaucoup d’entre nous, nous n’étions pas Français d’histoire et pas encore de cœur, le pays qui nous voyait naître nous donnait des papiers d’identité à notre majorité et un peu du reste que l’on prenait à l’extérieur du foyer familial.

Je pense qu’à cette époque, nul ne s’est posé la question de savoir que dans tout l’hexagone, les premiers cris de tous ces enfants n’indiquaient pas seulement la vie. C’était aussi le cri d’un défaut qui s’était installé dès la 1ère seconde où on voyait le jour. C’était comme si, au premier bol d’air, les contradictions plantaient leurs épines partout sur notre peau.

On regarde nos parents aux visages d’un autre monde et on constatera, plus tard, que le nôtre n’a de similitude que dans les traits, mais pas dans l’histoire.

Puis en grandissant, deux vies s’offrent à nous. On en perçoit les contours très jeunes, dès l’école maternelle. La vie familiale ne ressemble en rien à la vie en société et ce sont deux valises pleines de choses opposées qu’on fait et défait à chaque situation à laquelle on est confronté.

(...)


Et ce témoignage-ci.

[Erual]

Erual, si ce n'est déjà fait, tu devrais lire Les identités meurtrières d'Amin Maalouf... Il aborde toutes ces questions avec beaucoup de justesse. Je pense que ça t'intéresserait !

J'ai pris un peu de temps, mais je l'ai enfin lu. C'est vraiment excellent. Je trouve même que ses mots coulent tout seul à la lecture (si je vous jure ça veut dire quelque chose^^).
Je l'ai prêté à ma grand-mère d'ailleurs pour ne pas qu'elle s'ennuie, et quand je suis rentrée, elle me dit "c'est un hymne à la tolérance !"
A vrai dire, ce que j'ai apprécié, c'est qu'à aucun moment, il va vers un extrême ou un autre, il pose avec justesse quelques interrogations sur le sujet et essaie d'apporter une analyse assez fine et mesurée.

Je suis assez contente d'avoir répondu que je me sentais "humaine", car dans l'humain, je vais inclure tout ce qui fait partie de mon identité, que ce soit le coté français - aux multiples autres origines de ma mère - ou le coté iranien de mon père. C'est marrant, j'ai toujours eu le ressenti que le fait de parler le persan me manquait, comme si je ne pouvais être qu'en quête d'une identité car en quelques sortes incomplète. En fait c'est pas si mal. Mais je me demande maintenant si en apprenant le persan, je me sentirai pas plus moi, dans une identité "multiple". Comme si mon père, en ne souhaitant pas me parler sa langue maternelle pour ne pas que je mélange et pour que je sois "intégrée à la société française" m'avait amené plus ou moins un sentiment de rejet face à cette culture, qui m'attire pourtant terriblement. Je sais pas si c'est clair, et je sais pas comment l'expliquer. C'est flou aussi.

J'ai l'impression au fond que cela dépend bien plus de la famille dans laquelle on a grandit, plus que le pays dans lequel on a grandit ou vit. Dans le sens, où cela dépend aussi des personnes nous entourant qui ont un regard sur une ou plusieurs cultures, et c'est par rapport à ce regard que l'on se construit.

Ce livre en tout cas m'aura donné une réelle motivation pour apprendre le persan, sans laisser tomber au bout de quelques heures

[monkey]

Je me sens à la fois européenne et française.
Particulièrement européenne lorsque j'ai affaire à des américains, ou tout autre ressortissant de pays tiers, et lorsque je voyage en Europe. En revanche, et paradoxalement, je me sens très française lorsque j'ai affaire à ma copine qui est néerlandaise, en raison notamment de mon accent français lorsque je m'exprime en anglais...

En France, je réalise que je viens du Sud uniquement lorsque je me trouve vers le Nord, d'ailleurs à n'importe quel endroit où quelqu'un va me faire une remarque sur mon terrible accent régional dès que j'ouvre la bouche. Par contre quand je suis dans le Sud, je ne m'y sens pas du tout comme chez moi, au contraire je suis plutôt en mode "SORTEZ MOI DE LÀ". Et je ne me sens jamais sudiste où que je sois, malgré cet accent qui colle à ma voix.

[Liber]

J’ai l’impression qu’il est de plus en plus difficile pour quelqu’un de se dire « Français » parce que cela renvoie indirectement aux partis politiques nationalistes. Se refuser de se qualifier Français, c’est avant tout, pour certains, une façon de rejeter ces partis. Quels partis utilisent de toute façon le drapeau français dans ses meetings ? Chez les socialistes, il n’y a guère que Ségolène Royal qui l’affichait clairement, ce à quoi on lui a rétorqué qu’elle n’était pas au FN. C’était néanmoins habile de sa part, une façon de mettre un terme à l’analogie drapeau-(extrême) droite.

On peut ensuite préférer se qualifier étranger en France, en détaillant toutes nos origines même lointaines, par soif d’exotisme et d’originalité pour soi-même. Finalement, le type qui serait français « de souche » depuis plusieurs générations serait affreusement banal alors qu’au contraire, rares sont ceux qui peuvent prétendre être de souche en France.