Je me résigne à remonter ce post, je suis désolé, car je ne me vois pas en créer un neuf pour ça.
Je suis mal, je suis super mal. Pour moi, c'est aussi lourd à gérer et à porter que la découverte de mon homosexualité il y a 3 ans déjà.
Pourtant, je le sais depuis bien plus longtemps, même si j'en ai conscience depuis environ l'âge de 12/13 ans, c'est quelque chose qui est devenu tellement "naturel", tellement systématique, tellement instinctif, tellement vital peut-être aussi, que je n'ai
jamais remis en question ce mode de fonctionnement/réaction. C'est peut-être sans doute ce qui m'a permis de vivre de façon cohérente et sécurisée... ou pas. Car je m'aperçois aujourd'hui - pffiouh putain seulement maintenant à mon âge... j'en ai les larmes aux yeux

de devoir le concéder - que ça me bloque, que ça m'isole des "autres", que ça me prive de relations humaines normales.
Depuis tout petit, quand vous avez été habitué à être montré du doigt, à être rejeté, quand vous avez été confronté à ressentir de la honte, de la gêne, du malaise, quand vos parents vous laissent à de parfaits inconnus pendant trop longtemps pour faire soigner et s'occuper de leur toute petite fille gravement handicapée , quand vous n'avez reçu
aucune marque d'affection parentale...
Depuis tout petit, quand vous avez essuyé la sévérité et l'exigence de vos parents, quand vous avez dû faire face à la violence chaotique et imprévisible de votre sœur (à en terminer à l'hôpital...), quand vous êtes autant soumis autant au regard des autres, quand vous passez plus de temps avec votre nounou qu'avec vos parents, vous éprouvez, à un moment ou à un autre, une certaine difficulté à rester serein, à rester stable, à accorder ne serait-ce qu'une once de confiance aux autres.
Je ne nie pas que cette hypersensibilité a dû certes sérieusement amplifier ces ressentis tous aussi négatifs les uns que les autres. Je ne suis pas en train de dire que j'ai vécu une enfance, puis une adolescence particulièrement pauvre, misérable ou difficile. J'ai aujourd'hui une situation matérielle que je qualifie de convenable, et je la dois à mes parents. Mais physiquement et psychiquement, je pense j'ai dû essuyer plusieurs tempêtes en plein apprentissage de la vie.
Très vite, le seul et unique refuge, au moins mental, fut l'isolement et la lecture. Avec une imagination si débordante, il était facile de s'imaginer un monde "gentil", calme, sécurisé, peuplé de personnages gentils aux valeurs irréprochables issus tout droits de mes nombreuses lectures. La contrepartie, c'est de considérer que le monde extérieur, le vrai, le réel, était hanté
a contrario de personnes qui ne vous veulent que du mal.
Dans ces conditions, comment interpréter une marque d'attention, un compliment, une remarque positive, un relatif intéressement, une attirance, un léger rapprochement aussi infime soit-il ?
Bah, c'est là que ça se corse. Forcément déjà vous ne comprenez pas que vous puissiez susciter le moindre intérêt chez quelqu'un d'autre. Habitué aux brimades, à toujours faire mieux, au toujours jamais assez bien, aux quolibets, c'est forcément suspicieux, c'est forcément pour faire mal, pour blesser, c'est un calcul pour mieux trahir ensuite. D'un seul coup, vous régressez dans la peau de ce petit garçon qui a dû affronter tous ces trucs négatifs dès l'école primaire ! Comment c'est possible, jamais vécu, jamais ressenti d'affection réelle de la part de quelqu'un pendant plus de 18 ans, comment c'est possible de considérer que ce n'est pas pour faire du mal la personne que l'on a en face de soi et qui s'intéresse un tant soit peu à vous ?!? Forcément, vous n'entrevoyez que la fuite. Vous n'avez pas envie de ressentir, et dans la chair, et dans les limbes du cerveau tous ces aiguillons acérés et cruels pénétrer sournoisement jusqu'à un douleur indicible, honteuse et insupportable.
C'est inconcevable, vous n'avez jamais rien fait de bien dans votre vie, comment pouvez-vous attirer ou susciter de l'amitié envers quelqu'un d'autre ?!?
Le plus symptomatique certainement c'est quand votre supérieur hiérarchique, voire même le patron qui vient vous féliciter pour votre travail ! En réponse, vous lâchez forcément "
euh ben non hein, je n'ai rien fait d'exceptionnel, c'est mon travail, je suis payé pour ça, et en plus ça ne me convient pas ce que j'ai fait de toute façon personnellement"
Quand quelqu'un flashe sur une photo que vous avez faite, vous répliquez "
euh, je n'ai rien fait de spécial hein, j'étais juste là au bon endroit, au bon moment. Et puis de toute façon, c'est beaucoup moins bien/beau que la réalité"
Cela en devient un réflexe inconscient ! Tout ce que vous entreprenez, tout ce que vous faites, n'est jamais assez bien. Il manque toujours ce petit plus qui permettrait d'atteindre la perfection ! Et cela résonne comme une sempiternelle litanie, au début parentale quand vous êtes mineur, puis une "auto"litanie quand vous devenez majeur. Inconsciemment, vous reprenez le "flambeau/l'étendard" de vos parents, de votre entourage qui vous conspuait ou vous maltraitait dans une sorte d'auto-flagellation du toujours plus, toujours mieux, toujours honteux, toujours débile, toujours décalé, toujours bon à rien.
C'est poussé à un tel point que finalement, vous en venez même à vous demander si votre référentiel est le bon, si votre libre arbitre ou votre jugement n'est pas biaisé. Et puis non, ce n'est pas possible de toute façon vous avez toujours évolué comme ça. Forcément ce sont les autres qui veulent faire leur coup en douce, qui veulent faire du mal. C'était quotidien depuis tout jeune, alors pourquoi ça cesserait aujourd'hui ?
Et puis dans les médias, vous voyez ces criminels, ces crimes passionnels, ces lynchages, ces caillassages, ces viols, ces individus malsains qui ont fait beaucoup de mal autour d'eux par pur plaisir. Tout ceci vous est complètement étranger, complètement incompréhensible, absolument inconcevable.
Tout ces sentiments se mélangent entre réalité et fantasmes, s'interconnectent, se percutent pour enfin se cristalliser en une peur, une angoisse sourde et pesante, une frayeur pressante qui pousse à la fuite, à la suspicion. Et vous vous retrouvez systématiquement comme un con, seul, à fuir ceux qui vous portent un infime intérêt, qui vous adressent une infime gratitude. C'est tellement systématique et naturel, que vous avez l'impression d'être né comme ça. Il ne peut en être autrement, cela s'impose à vous comme une évidence qui vous éloigne irrémédiablement des autres et de toutes possibilités de relations humaines. C'est comme un instinct de survie, ce petit garçon qui ne comprenait rien à ce qui lui arrivait, mais pour autant qui ressentait un vif rejet, une vive douleur, revient d'une force inimaginable en souvenir, et vous force à fuir. C'est plus fort que vous.
A fortiori, je comprends mieux maintenant mes expériences passées où je ressentais des sentiments amoureux envers des personnes. Les 6, 7 fois que cela m'est arrivé, je réalise à présent qu'il s'agissait d'un amour impossible, d'une personne intouchable ou hors de portée. C'était systématiquement à l'attention de personnes dont les sentiments n'étaient pas réciproques à mon égard. Je ne sais pas comment le formaliser, mais je pense on est capable de savoir/deviner au moins intuitivement si la personne dont on tombe amoureuse est, au moins, encline à un rapprochement. Pour mon cas,
a posteriori, je pense je savais à l'avance que c'était impossible...
Bref, tout ce long pavé pour dire que c'est lourd, que c'est pesant, que c'est sclérosant, mais que c'est terriblement naturel et instinctif dans la façon dont j'entreprends mes relations, qu'elles soient amicales ou amoureuses. Et je ne sais pas comment m'y prendre pour surmonter cela. Je ne sais pas comment m'en sortir tellement c'est incoercible, tellement des souvenirs aussi lointains ont pu ainsi traverser tant d'années jusqu'à aujourd'hui encore à 36 ans. J'en viens même à considérer que je n'y arriverai jamais en fait.
PS : je voudrais remercier quelqu'un, qui par son MP

m'a fait entrevoir les bonnes questions, je vais te répondre dans la foulée ce soir.