Contexte :
- Kliban aime bien la psychanalyse. Il n'aime pas les TCC, mais regarde leur développement avec un certain intérêt, mêlé à un profond dégoût pour les batailles qu'elles mènent contre la psychanalyse, et versa le vice.
- Etapiscium trouve cette dernière inutile et incertaine. Il professe une volonté de cadrage, d'élimination des charlatans, d'évaluation des thérapies. ET en sous-main, il sous-entend sans jamais le dire franchement, que si la psychanalyse n'existait plus, on s'en sentirait tous mieux
Vous pouvez intervenir dans le débat - pour dire que vous vous en foutez (mais pas jouer au troll non plus) ou que vous pensez ci ou ça.
Pour le moment, c'est un truc assez aride (et intellectuellement titillant selon mes standard) entre Etapiscium et vot' serviteur - mais ça va sûrement évoluer
On y va. Comme d'habitude, c'est roboratif.
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Dans nos discussions, un de mes objectifs serait de t'amener à laisser de côté - juste le temps de nos discussionsCela dit, l'inconscient de Freud implique la centralité de la sexualité, les refoulements et partant de là, des explications et des analyses de divers troubles psychiques. Je serais étonné de voir les sciences cognitives donner arbitrairement du sens et traiter symboliquement nos actes manqués...
Les hypothèses de Freud sur l'inconscient ont été largement battues en brèche par des psychanalystes, et en particulier son pan-sexualisme, qui avait peut-être son efficace à l'époque de la création de la discipline. Il y a bien plus dans la psychanalyse que Freud - et encore heureux ! Les références me manquent cependant, je ne suis pas de la partie, et la littérature psychanalytique peut être tout à fait assommante - pour des raisons diverses, qui tiennent en partie à la non scientificité de fond de sa pratique et à ce que certains psy se prennent bien trop au sérieux - sans compter les homophobes.
Tu marques un point, oui, oui ! C'est aussi ce que je disais, en affirmant penser que les TCC sont sans doute destinées à un plus large public que la psychanalyse.Pas d'accord. A partir du moment où une pratique qui se veut thérapeutique, n'atteint pas vraiment ses fins, pire, nie les nie(alors que de là, a découlé sa popularité) de réels problèmes se posent à tous les niveaux et ça concerne évidemment le bien-être du patient. D'autant que comme je l'ai dit plus haut, la psychanalyse impose une lecture particulière et pas toujours justifiée et vérifiée des maladies. Ce qui pourrait pénaliser les malades (notamment en ce qui concerne les autistes). D'où la nécessité du débattre de sa scientificité et de ses limites.Je vais plus loin : éthiquement parlant, peu me chaut que telle thérapie ait statistiquement plus de résultats qu'une autre. Cette considération n'est pas éthique, mais économique. Ici la bonne statistique serait : y a-t-il des cas que telle thérapie n'a pas su soigner et qui ont été soignés par une autre ? Cela seul suffit déjà à mes yeux pour que cette autre thérapie soit recommandable - avec les précautions issues de la première statistique.
De même en médecine, quand on découvre une thérapie, on fait en sorte de connaitre tous ses effets et son efficacité avant de continuer à l'appliquer à un patient.
Et je doute que la considération des cas extrêmes du charlatanisme, des arnaques et des obscurantismes malveillants soient uniquement économiques.
Mais 1. tu jettes le bébé avec l'eau du bain, ce que je trouve hâtif et 2. tu commets, je pense, une ou deux erreurs de catégorie.
Je passe en mode analytique, c'est aride, mais comme tu m'opposes une résistance de rationaliste
1. Je le répète, mon point en deux temps :
a. si une pratique P est utile à quelques individus, et que les autres pratiques (P') se sont révélées inopérantes, P est recommandable
b. recommander P nécessite cependant de la positionner par rapport aux P', de façon à ce qu'on n'use pas de P n'importe comment.
Ton point me semble être exactement inverse :
a'. Si P nuit à quelques uns en prétendant leur faire du bien, alors que P' fait du bien à bien plus d'individus que P, alors il faut dénigrer à P le droit et l'intérêt d'agir en tant que thérapeutique.
Mais comme selon moi, P fait du bien à certains, alors que les P' n'y parviennent pas, le principe a' est ce que j'appelle jeter le bébé avec l'eau du bain.
Tu te concentres sur ceux à qui P a nuit (en les supposant légion, mais sans le dire clairement) en proposant pour remède global la suppression de P. Je me concentre sur ceux à qui P a fait du bien - et j'en connais puisque j'en fais partie, entre autres - en proposant des gardes fous (sic !) pour éviter que P soit proposé à des gens qui feraient certes mieux d'aller essayer un P'. (et cela implique à mon sens une modification de la formation des psychanalystes, et des techniques d'évaluation adaptée, dont je ne sais pas si elles sont disponibles à ce jour).
Maintenant, je te laisse juger de laquelle de nos deux propositions est la plus éthique
2. Les erreurs de catégorie
Il y en a deux, je pense. La première relève de la vulgate de la psychologie, c'est la notion de maladie. Je pense que nous allons définitivement plomber ce forum si nous entrons là-dedans
-> En tout état de cause, la volonté d'assimilation des thérapeutiques à une médecine qui pourrait rendre statistiquement compte de ses guérisons me semble idéologiquement orienté sur une certaine conception de la santé et de la "maladie". Ayant pis cette orientation idéologique, la conclusion va de soi. Mais elle n'est pas très scientifique ni rationnelle, cette conclusion. Juste idéologique.
La seconde erreur de catégorie a partie liée à la scientificité. On ne peut mesurer scientifiquement l'efficacité d'une pratique que si on a pu normer les protocoles. Et c'est là où le bât blesse : cela n'est pas possible avec des pratiques de type psychanalytique. Si l'on doit les évaluer - et, très sincèrement, je pense qu'il le faudrait - , ce n'est pas la bonne façon de faire.
Stricto sensu, il me semble que la psychanalyse relève de l'artisanat de haut vol. Et comme tout artisanat, on n'est jamais très sûr du résultat, sauf à connaitre un très bon artisan. Alors que les TCC relèvent de techniciens bien formés, à une pratique normée - ou en cours de normage. Mais le fait est : juger d'un artisanat avec des critères propres à mesurer une industrie accolée à la science, c'est tuer l'artisanat dans la majorité des cas. Parce que ses résultats ne sont pas reproductibles, parce que d'un artisan à l'autre, le tour de main change radicalement, etc.
On dirait que je plombe la psychanalyse ? Oui, bien sûr, si l'on envisage de vivre dans une société industrielle où le tour de main n'a plus de valeur et ne compte que la patience laborieuse et efficace du technicien. Mais c'est bien ce que je disais : il y a là un choix idéologique. Et pour ma part, je ne suis pas prêt à tuer l'artisan tant que l'industrie ne m'aura pas montré qu'elle sait fabriquer des objets aussi bien façonnées dans tous leurs détails. Le problème étant - et c'est un problème - que l'artisan peu aussi fabriquer une chaise qui s'écroule sous le poids de son patient - tout autant qu'une chaise si aérienne et si robuste à la fois qu'elle emporte l'admiration et l'envie de copie de l'industrie. Les TCC ont donc encore largement le temps de se rendre compte du réservoir de connaissances et de descriptions phénoménologiques qui font l'ordinaire de la pratique psychanalytique. Et réciproquement. Tous ces appels à l'hallali me semblent terriblement prématurés - affaires de gens pressés, ce qui, dans les domaines de la pensée, signe assez inévitablement les idéologues - pas les esprits attelés à comprendre réellement ce qu'il en est.
Mê mê mê yé né prétends pas lé le contraire ! Nulle part je ne prétend la psychanalyse discipline reine, ou que les autres écoles doivent être méprisées, bien au contraire ! C'est bien parce que mon dernier psy avait dans sa palette plusieurs formation qu'il a été en mesure en un temps record de me mettre sur une orbite de mieux-être.Mais il n'y a pas de rapport particulier entre la formation de psychanalyste et la qualité d'un soignant. Il y a pleins d'autres écoles et savoirs-faire cliniques respectables.
En effetLes TCC ne consistent tout de même pas à expliquer au patient le fonctionnement de son cerveau, mais proposent plutôt un découpage et un suivi du fonctionnement psychologique du patient et de ses troubles, en vue de le soigner.
C'est que tu ne sais pas ce que c'est qu'une interprétation - navré de le dire brutalement. Ce n'est pas une vérité. Ce n'est pas une théorie sur la vie du patient. Sinon, faut changer de psy (ce que j'ai fait une fois, précisément pour cette raison) : c'est pas un psychanalyste. C'est en revanche une parole qui a sur celui qui la reçoit l'effet d'une vérité et qui du coup ouvre un pan entier du psychisme qui était jusque là totalement bloqué. Une vraie interprétation, ce n'est pas ta mère désirait ceci, ton père étai cela. Ca, ce ne sont que des théories, sans aucun intérêt en soi. Une vraie interprétation, ça libère. Totalement. Et durablement. Parce qu'elle est reçue par celui à qui lle est adressée. Sinon ne n'est pas une interprétation.L'avantage étant que le thérapeute ne se lance pas dans des interprétations risqués sur la vie du patient. D'autant que ces interprétations se basent sur des théories controversées.
Raison que je ne peux guère partager - elle ne colle pas avec ce que j'ai vécu. Je ne pense pas non plus que les TCC aient besoin de ce genre d'argument pour se justifier.Raison de plus dans une TCC, de ne considérer que le strict nécessaire chez le patient.
En revanche on peut dire oui, qu'elles conviennent bien à des patients qui peuvent avoir du mal, ou ne pas avoir l'envie d'engager trop de leur vie intime, ça oui. Mais tous les patients ne sont pas comme cela - et je ne suis pas comme cela : quand je me lance dans une thérapie, ce n'est pas à moitié.
Que tu le trouves bizarre n'est pas sans poids, mais n'a pas d'incidence que la valeur pour d'autres de leur propres démarches. Sauf à avoir une forte envie de normalisation - et donc de réduction de l'offre.Et généralement même si elles ne soignent que les symptômes, ceux ci ne répliquent sous aucune forme. En principe, des patients qui généralement font la démarche d'aller chez un thérapeute pour se voir soigner leurs troubles se voient satisfait. Autrement, je trouve bizarre d'aller chez un psychologue pour apprendre à se connaitre sur la base de la psychanalyse. :p
Ton "en principe" et ton "généralement" me choquent, mais on rejoint bien ce dont il était question plus haut : je me concentre sur tous les cas, tu te concentres sur la majorité. C'est sans doute que très souvent la majorité m'emm... nuie
Je suis un peu vif, pour marquer le trait. Ne pas le prendre mal. C'est surtout pour savoir si mon analyse à la tronçonneuse (majorité/exceptions) te parle ou pas - c'est important de savoir envers quoi nous sommes intimement engagés, ça a des influences sur les thèses que nous soutenons.
Ooooh ! Vilain garçon ! Ça c'est que de la rhétorique pas très denseD'ailleurs, la psychanalyse est-elle nécessaire pour la connaissance de
soi ?
Ben peut-être que tu acceptes plus facilement que moi d'être dressé. Mais j'ai appris avec le temps que j'étais assez réticent au dressage(Évidemment je ne veux pas non plus dire que les TCC sont toutes puissantes, et même si leur côté "dressage" peut effrayer, ce n'est pas non plus de la torture...)
Encore une fois - je l'ai déjà dit
Il faudra se demander aussi à quoi ressemble une civilisation qui n'accepterait que la psychanalyse comme psychothérapie et une civilisation qui n'accepterait que les TCC. Je suis troublé, je l'avoue, par la conjonction d'un nouvel humanisme matérialiste rationaliste inspiré des Lumières - et aussi militant, et donc en partie aveugle qu'elles - avec l'essort de thérapies styles TCC. Je ne dis pas que c'est mal, bien au contraire. Les Lumières, c'est un moment superbe de l'histoire de l'Occident, et plein de bonnes choses en sortent. Et bien des plus désagréables aussi y trouvent racine - je ne suis pas un nostalgique des Lumières - de façon générale, je ne suis pas un nostalgique, je suis trop de mon temps et de ma culture pour ça - culture plurielle, articulée, accueillante, exigeante aussi : son image est bien plus le réseau complexe que la clarté limpide mais éphémère (