Et toi, qu'as-tu fait pour fêter tes morts ?
Et toi, qu'as-tu fait pour fêter tes morts ?
Do ré mi fa sol, les filles et les gars,
Je suis venu vous parler d'un sujet sérieux.
Tu t'es planté de crémerie, asshole, me rétorquez-vous d'une seule voix. Que nenni, dickhead ; c'est juste que même si j'écrivais un article rébarbatif traitant de l'homophobie chez les pygmées, il se ferait quand même déplacer dans le café trois minutes après sa publication. Et oui, on m'a collé une étiquette de journaleux à scandale qui me fermera à jamais les portes du prix Pulitzer. Même ici, sur Et-Alors, il y a un pandore à chaque coin de rue qui s'empresse de mettre vos articles en fourrière dès que vous avez fini votre créneau. Alors, autant les garer tout de suite à la casse, non ? Voilà pourquoi je suis ici, dans le café, à discuter avec vous d'un sujet grave.
Oui, ce soir, je veux poser une vraie question : fête-t-on encore la commémoration des fidèles défunts ? Est-ce réservé à une élite catholique intégriste, ou cette tradition traverse-t-elle les frontières de la religion ? Qu'as-tu fait, toi, lecteur, pour honorer la mémoire de tes morts ?
Avant de vous laisser la parole, je vais vous livrer le témoignage poignant de mon expérience personnelle. Car cette année, c'est peu de le dire, j'ai mis le paquet pour célébrer mes chers disparus.
Dès mon réveil, vers 10 heures, j'ai sifflé une bouteille de sauvignon à la mémoire de l'oncle J.J., décédé des suites de la cirrhose que le seigneur lui a décerné l'année dernière pour l'ensemble de son oeuvre. Même au moment de passer le tire-bouchon à gauche, le saint homme n'avait rien perdu de ce panache qui le faisait danser sur les tables devant mes cousines et moi lorsque nous étions enfants. Je crois pouvoir affirmer qu'il est mort heureux, le frigo plein à craquer de bouteilles de Meursault, et des souvenirs un peu flous plein les mirettes. J'imagine qu'il était quand même un peu déçu de ne pas avoir fini ses stocks ; mais il vaut mieux ça que de subir en guise d'extrême onction l'atroce souffrance du bon vivant qui voit le carburant s'épuiser. Salut, l'artiste !
Dans la foulée, j'ai pris la voiture pour une petite promenade dans la campagne. Ce petit rituel, je l'accomplis une fois l'an, en pensant très fort à mon grand père maternel. La brave homme est mort comme il a vécu : à fond la caisse. Il y a quelques années de cela, le seigneur l'a rappelé au détour d'un virage qu'il avait abordé avec un peu trop de gourmandise aux commandes de son nouveau fauteuil roulant. Il le savait, pourtant, qu'il fallait la passer en seconde, cette foutue épingle ! Las, il voulait tellement améliorer son temps pour épater son infirmière qu'il a oublié de rétrograder. Salut, champion !
Ensuite, je suis allé déjeuner. Je n'ai pensé à rien d'autre qu'à mon assiette. Il faut pas pousser l'empathie trop loin.
L'estomac plein, je suis allé fleurir une de ces vieilles tombes austères que plus personne ne visite. Je l'ai choisi particulièrement esseulée, avec un nom marrant gravé en lettres d'or, et j'ai déposé au pied de sa croix un petit bouquet de cure-pipes. Tu nous manque, pépé, ai-je pleurniché quelques minutes en récitant un Notre Père dans sa version non censurée. Comme il a dû être content, le type en bas dans la boîte ! Sans doute a-t-il pensé que ses petits-enfants l'avait pardonné ; ou, s'il avait vécu dans l'ignorance de sa descendance, a-t-il cru avoir laissé par inadvertance un mioche dans un port quelconque. Enfin, s'il était parti vieux garçon ou inverti, sans doute a-il imaginé que les cloches du miracle sonnaient enfin pour lui.
J'ai arrêté là : trois défunts, c'est le bon chiffre pour une commémoration réussie. L'année prochaine, je ferai tourner l'effectif.
Je suis venu vous parler d'un sujet sérieux.
Tu t'es planté de crémerie, asshole, me rétorquez-vous d'une seule voix. Que nenni, dickhead ; c'est juste que même si j'écrivais un article rébarbatif traitant de l'homophobie chez les pygmées, il se ferait quand même déplacer dans le café trois minutes après sa publication. Et oui, on m'a collé une étiquette de journaleux à scandale qui me fermera à jamais les portes du prix Pulitzer. Même ici, sur Et-Alors, il y a un pandore à chaque coin de rue qui s'empresse de mettre vos articles en fourrière dès que vous avez fini votre créneau. Alors, autant les garer tout de suite à la casse, non ? Voilà pourquoi je suis ici, dans le café, à discuter avec vous d'un sujet grave.
Oui, ce soir, je veux poser une vraie question : fête-t-on encore la commémoration des fidèles défunts ? Est-ce réservé à une élite catholique intégriste, ou cette tradition traverse-t-elle les frontières de la religion ? Qu'as-tu fait, toi, lecteur, pour honorer la mémoire de tes morts ?
Avant de vous laisser la parole, je vais vous livrer le témoignage poignant de mon expérience personnelle. Car cette année, c'est peu de le dire, j'ai mis le paquet pour célébrer mes chers disparus.
Dès mon réveil, vers 10 heures, j'ai sifflé une bouteille de sauvignon à la mémoire de l'oncle J.J., décédé des suites de la cirrhose que le seigneur lui a décerné l'année dernière pour l'ensemble de son oeuvre. Même au moment de passer le tire-bouchon à gauche, le saint homme n'avait rien perdu de ce panache qui le faisait danser sur les tables devant mes cousines et moi lorsque nous étions enfants. Je crois pouvoir affirmer qu'il est mort heureux, le frigo plein à craquer de bouteilles de Meursault, et des souvenirs un peu flous plein les mirettes. J'imagine qu'il était quand même un peu déçu de ne pas avoir fini ses stocks ; mais il vaut mieux ça que de subir en guise d'extrême onction l'atroce souffrance du bon vivant qui voit le carburant s'épuiser. Salut, l'artiste !
Dans la foulée, j'ai pris la voiture pour une petite promenade dans la campagne. Ce petit rituel, je l'accomplis une fois l'an, en pensant très fort à mon grand père maternel. La brave homme est mort comme il a vécu : à fond la caisse. Il y a quelques années de cela, le seigneur l'a rappelé au détour d'un virage qu'il avait abordé avec un peu trop de gourmandise aux commandes de son nouveau fauteuil roulant. Il le savait, pourtant, qu'il fallait la passer en seconde, cette foutue épingle ! Las, il voulait tellement améliorer son temps pour épater son infirmière qu'il a oublié de rétrograder. Salut, champion !
Ensuite, je suis allé déjeuner. Je n'ai pensé à rien d'autre qu'à mon assiette. Il faut pas pousser l'empathie trop loin.
L'estomac plein, je suis allé fleurir une de ces vieilles tombes austères que plus personne ne visite. Je l'ai choisi particulièrement esseulée, avec un nom marrant gravé en lettres d'or, et j'ai déposé au pied de sa croix un petit bouquet de cure-pipes. Tu nous manque, pépé, ai-je pleurniché quelques minutes en récitant un Notre Père dans sa version non censurée. Comme il a dû être content, le type en bas dans la boîte ! Sans doute a-t-il pensé que ses petits-enfants l'avait pardonné ; ou, s'il avait vécu dans l'ignorance de sa descendance, a-t-il cru avoir laissé par inadvertance un mioche dans un port quelconque. Enfin, s'il était parti vieux garçon ou inverti, sans doute a-il imaginé que les cloches du miracle sonnaient enfin pour lui.
J'ai arrêté là : trois défunts, c'est le bon chiffre pour une commémoration réussie. L'année prochaine, je ferai tourner l'effectif.
Dernière modification par Drlrleu le mar. nov. 03, 2009 11:05 pm, modifié 3 fois.
A titre personnel, je vais honorer les chers disparus ce week-end, un aller retour à Saint-Etienne où se trouve le caveau de famille, dans un cimetière qui domine toute la ville. Sur la pierre tombale noire se trouvent gravés les noms de mon grand père et de ma grand mère qui ont été les meilleurs grands parents que l'on puisse avoir; ceux de mon oncle George, d'une grand tante, des arrière grands parents aussi (pardon si je ne cite pas tout le monde)... sans oublier la cousine Simone. C'est sans doute celle que je vais honorer le plus chaleureusement ce week-end puisque nous allons partager ensemble une pizza. Oui, cousine Simone n'est pas tout à fait morte encore, mais le caveau se remplit à une vitesse folle et la chère cousine craint tellement qu'il ne reste plus de place pour l'accueillir quand l'heure sera venue qu'elle a fait graver son nom sur la plaque : si le nom y est, le corps suivra, songe-t-elle. En quelque sorte, elle a réservé la place ! Fichtre, nous autres, on a plus qu'à se faire incinérer...
Alea jacta est...
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Tu insinues qu'il faut qu'on pousse cousine Simone dare dare dans les escaliers pour exaucer son souhait, c'est ça ?amélie-sens a écrit :mais elle a tort ! (et le tort tue, mouarf)si le nom y est, le corps suivra, songe-t-elle
car le gardien d'un cimetière nous a bien expliqué: c'est le premier de la famille qui meurt qui a la place (mais il a aussi dit qu'au bout de 25 ans il ne reste pas gd-chosepas glop)

Tous les gens qui m'importent sont vivants.
Peut-être d'ailleurs que seuls les vivants m'importent.
Si un jour j'honore un mort, ce ne sera pas à la Toussaint. Je trouve cette manie de vouloir imposer des dates liberticide. Soyons amoureux le 14 février (ou 13 ?), soyons triste le 1er novembre, offrons-nous des cadeaux le 25 décembre. Le reste du temps, vivons sans réfléchir et suivons la masse. Où est la spontanéité ? "Oh, au fait, c'est aujourd'hui qu'on pense aux morts ! Heureusement que j'avais un post-it et que j'ai commandé des fleurs par Internet !"
Sans façon. Si un jour je mets les pieds dans un cimetière, ça me ferait grave chier de voir que je ne suis pas seul, de voir que c'est bondé UNE journée dans l'année. Si je vais parler à "mes" morts, j'aurai envie qu'on ne m'entende pas, et justement, c'est la Toussaint qu'il faut éviter, dans ce cas, puisque c'est à peu près le seul jour dans l'année où, pris d'un remord généralisé, la population se mobilise pour fleurir des tombes. Ah, et pas n'importe quelles fleurs, ne sortons pas trop du lot...
Chacun honore ses morts comme il le souhaite, mais je pense que je préfèrerais y aller une fois tous les 5 ans en étant sincèrement concerné par ce que je fais plutôt que tous les ans avec une arrière-pensée de "fais chier, va falloir faire un crochet chez la belle-mère" et "bon, j'ai bien arrosé les plantes avant de partir ?".
Peut-être d'ailleurs que seuls les vivants m'importent.
Si un jour j'honore un mort, ce ne sera pas à la Toussaint. Je trouve cette manie de vouloir imposer des dates liberticide. Soyons amoureux le 14 février (ou 13 ?), soyons triste le 1er novembre, offrons-nous des cadeaux le 25 décembre. Le reste du temps, vivons sans réfléchir et suivons la masse. Où est la spontanéité ? "Oh, au fait, c'est aujourd'hui qu'on pense aux morts ! Heureusement que j'avais un post-it et que j'ai commandé des fleurs par Internet !"
Sans façon. Si un jour je mets les pieds dans un cimetière, ça me ferait grave chier de voir que je ne suis pas seul, de voir que c'est bondé UNE journée dans l'année. Si je vais parler à "mes" morts, j'aurai envie qu'on ne m'entende pas, et justement, c'est la Toussaint qu'il faut éviter, dans ce cas, puisque c'est à peu près le seul jour dans l'année où, pris d'un remord généralisé, la population se mobilise pour fleurir des tombes. Ah, et pas n'importe quelles fleurs, ne sortons pas trop du lot...
Chacun honore ses morts comme il le souhaite, mais je pense que je préfèrerais y aller une fois tous les 5 ans en étant sincèrement concerné par ce que je fais plutôt que tous les ans avec une arrière-pensée de "fais chier, va falloir faire un crochet chez la belle-mère" et "bon, j'ai bien arrosé les plantes avant de partir ?".
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- Inscription : mer. août 26, 2009 10:29 am
Je ne le sais que trop, mon éducation catholique forcenée m'ayant enseigné les subtilités de cette formidable religion principalement axée sur la fête.aldo a écrit :Techniquement, ce n'est pas à la Toussaint qu'on honore les morts, mais le « Jour des morts », le lendemain. La Toussaint c'est pour les saints, comme le nom l'indique...
J'ai édité pour te faire band...plaisir, mon coeur ; mais mon article a une accroche beaucoup moins tabloïdesquement choc et chic qu'à l'origine. Enfin bon, si c'est pour le Pulitzer.