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d'une dépression collective ?

Publié : jeu. mars 04, 2010 9:42 am
par Norma
C'est une question que je me suis formulée récement, et je voulais vous la poser puisqu'ici y'a pas mal de gens qui ont une réflexion assez poussée.

Voilà, ces temps ci - ça se compte en année - je crois remarquer que beaucoup, beaucoup de personnes, quelque soient leur activité, pénible ou non, en viennent à prononcer ces mots "physiquement, je ne peux plus".

Et non physiquement dans le sens "je passe directement de mon canapé à mon fauteil alors toute tentative d'effort se voit invalidé par mon taux de choléstérol". Non, Physiquement dans le sens ou toute activité est devenue totalement insupportable, ou le poid du néant se fait sentir, ou tout pèse, ou il n'y a plus l'envie. Et où cela est si fort que c'est comme si ca s'incarnait dans la chaire.

Pourtant, individuellement, ce n'est pas une dépression : les êtres les plus joviaux, les plus débordant de vie, vivent cela et ressente cet étrange "c'est pas moi d'être comme ça".

Certain vont chez le psy qui leur dit qu'ils ne sont pas en dépression.

Pourtant, nombre de gens se trouvent attiré dans cet étrange vortex d'inaction, dans une dynamique collective de l'inaction.

Principe de précaution qui s'inscrit dans la constitution - quoi de plus parlant ? inscrire textuellement dans la constitution d'un pays la primauté de l'inaction, la peur.

Explosion des ventes de prozac, xanax, lexomil. Société junky.

Voici donc ma question : vivons nous dans une société dépressive ? Si oui, quelles causes ?

Publié : jeu. mars 04, 2010 10:47 am
par Norma
Zal-e-Dastan a écrit :
Enfin, la dépression, ça a toujours existé, c’est aussi que les moyens de l’éradiquer se sont multipliée depuis un siècle. On aurait vendu des antidépresseurs à Rome au Ier siècle ap. JC, il y’aurait une vente record et les salles de consultations pour les psys et autre charlatans du même acabit n’aurait pas désemplies. Heureusement, les sectes chrétiennes étaient là pour prendre en charge les divers névrosés et dépressifs chronique.
:lol: :lol: j'adore ton point de vue.

Dans mes lectures post-moderne, je suis rentrée en débat avec un proche sur ce thème : lui pense que cela est dut à une dissipation du pouvoir, qui serait de plus en plus désincarné.
personnellement, même si j'approuve l'analyse de la dissipation du pouvoir, je ne la crois pas cause de malaise collectif.
Cependant, je me demande si c'est une multiplication de détresse individuelle, ou du moins des détresses individuelles qui se montrent plus facilement au grand jour, ou si cela sort de l'individu, qui individuellement irait bien, pour entrer dan une logique de groupe.

Quelque callé en socio pour m'éclairer ?

Publié : jeu. mars 04, 2010 11:33 am
par *Liw3ll*
Une société où il faut tjs travailler plus pr gagner plus.
Cette nécessité de ne pas être ds le besoin et dc d'en faire toujours plus.

Le pire c'est que je pense que ça va pas aller en s'arrangeant vu la galère que ça devient en France.

Peut être un sentiment d'être envahie par son boulot et par une société de consommation, je ne sais pas.

Publié : jeu. mars 04, 2010 12:21 pm
par ExMembre L
on a oublié comme des cons les trucs qui rendent l'humain équilibré.
On se demande comment aller mieux.


- on bouffe que des trucs dont on ne connait ni la composition ni la recette
- on mange en trente secondes
- on dort de moins en moins
- dès qu'on a deux secondes on court comme des idiots dans les supers marchés pour acheter des conneries
- on a totalement perturbé le rythme biologique
- on ne sait plus ni parler ni écouter
- on fait des trucs absurdes au boulot toute la journée
- on se sent bien nulle part.


moi je dis, si la société était moins absurde, on prendrait le temps de se lever quand le jour se lève, de se coucher quand il se couche, de manger des trucs qui poussent dans la terre à la saison où ça pousse, de se mettre à table plus d'une heure tranquillement en mangeant sans regarder la télé ou trier des dossiers et retard, on ferait moins de réunions de travail alacon pour se reposer un peu plus, et on prendrait le temps de s'écouter dans son esprit, dans son corps, entre nous.


C'est marrant ton sujet c'est le sujet de mon prochain hypothétique livre.

Publié : jeu. mars 04, 2010 12:26 pm
par Védra
lulu galipette a écrit :on a oublié comme des cons les trucs qui rendent l'humain équilibré.
On se demande comment aller mieux.


- on bouffe que des trucs dont on ne connait ni la composition ni la recette
- on mange en trente secondes
- on dort de moins en moins
- dès qu'on a deux secondes on court comme des idiots dans les supers marchés pour acheter des conneries
- on a totalement perturbé le rythme biologique
- on ne sait plus ni parler ni écouter
- on fait des trucs absurdes au boulot toute la journée
- on se sent bien nulle part.


moi je dis, si la société était moins absurde, on prendrait le temps de se lever quand le jour se lève, de se coucher quand il se couche, de manger des trucs qui poussent dans la terre à la saison où ça pousse, de se mettre à table plus d'une heure tranquillement en mangeant sans regarder la télé ou trier des dossiers et retard, on ferait moins de réunions de travail alacon pour se reposer un peu plus, et on prendrait le temps de s'écouter dans son esprit, dans son corps, entre nous.


C'est marrant ton sujet c'est le sujet de mon prochain hypothétique livre.
Veux-tu m'épouser? :lol:

Publié : jeu. mars 04, 2010 12:30 pm
par ExMembre L
:oops: oui! 8)

Publié : jeu. mars 04, 2010 3:26 pm
par Kliban
D'accord avec tout ça.

Nous vivons dans une société du stress - et dans une civilisation fabricatrice de stress.

L'archéologie en est sans doute ancienne. Les points qui me sembleraient intéressant à creuser sont :

- au XIXè siècle, Révolution Industrielle sur l'advenue de la machine à vapeur. Les notions thermodynamique de travail, de rendement énergétique, d'entropie ouvrent le chemin de la taylorisation ultérieure du travail et, peu à peu, de l'optimisation du temps "utile".

- au XIVè siècle, autre révolution, économique : inversion de l'échelle de valeurs, qui fait alors du marchand le héros qu'occupaient auparavant le chevalier et le prêtre. Valorisation de la notion d'intérêt, là où elle était objet de mépris et de défiance dans les siècles antérieurs. Celui qui thésaurise pour son propre compte est perçu comme acteur du bien commun. Il est bon de posséder de la richesse - non pas de la redistribuer, voire de la mépriser.

- au Vè siècle - histoire de dater -, "révolution" spirituelle : Augustin d'Hiponne fonde pour les siècles à venir la notion de personne, en relation directe avec Dieu, pôle échappant au moins en partie à la détermination par le groupe où il s'insère.

- Au paravent ( :mrgreen: ) mettons Ier siècle, Rome. Rome qui 1. repousse toujours plus loin la limes (prononcer limesse) - cela deviendra la frontier américaine, entre autres - et 2. entend œuvrer pour le genre humain en son ensemble : empire universel.

D'une certaine façon, je suis tenté de voir dans notre univers d'aujourd'hui la synthèse de ces quatre mouvements : monde machine soutenu par l'intérêt marchand individuel en vue de s'universaliser. C'est très grossier bien sûr, et ça ne prend pas en compte des tas de trucs. Mais il y a là une des raisons de cette façon de fabriquer du stress : la saturation des marchés oblige à pousser toujours plus loin la rentabilité des machines qu'ils utilisent - les agents du travail - tout autant qu'à s'étendre sur des segments encore inexplorés ou réputés non marchands.

Nous sommes une civilisation du stress parce que nous ne pouvons pas exister sans nous déplacer sans cesse vers de nouveaux territoires en réintégrant peu à peu et avec un certain retard les marges que nous créons. Et parce que ce mouvement se fait non pas en intégrant de l'humain, mais en machinant de l'homme, selon des lignes de forces objectives et efficaces, mais le plus souvent en extériorité instrumentale par rapport à l'humanité.

D'où les ligne d'action possibles :

- contre la romanisation du monde, cesser notre expansion et cesser la tyrannie de l'universel. Repenser le genre humain au pluriel plutôt qu'au singulier. Tous les post-modernismes s'y sont essayés.

- contre l'augustinisme, nous déprendre de la notion encore chrétienne de la personne - l'orientaliser ou l'africaniser en repensant la fraternité du premier article des droits de l'homme à al fois dans son universalité mais aussi dans sa localité. Créoliser ou marronner, si l'on veut, contre les centralités de l'universel (Glissant, mais surtout Deleuze).

- contre la logique de l'intérêt, rappeler celle de la coopération - le grand oublié du darwinisme social, là-même où l'espèce humaine est une espèce coopérative. On trouve ça aujourd'hui dans la notion de "care" (que je connais mal voire pas, je me contente de citer).

- contre la logique du rendement - ben y a le durable :D ! L'augmentation des rendements peut se faire en diminuant l'entropie, ou... en l'augmentant par adjonction au système d'entités qui prennent en charge la création d'entropie supplémentaire pour permettre l'optimisation locale du système - cette dernière option est la nôtre jusqu'à aujourd'hui, la première est bien plus coûteuse.

Dans tout ça, il y a une réforme - profonde - de ce que nous entendons par "être humain". Stress et dépression sont liés à des besoins que l'on néglige, des options négligées par les 4 sondages généalogiques cités ci-dessus. Nous avons très vraisemblablement besoin de nouvelles façon de nouer un rapport à nous-mêmes, à nos contemporains, à notre passé et ceux qui nous suivrons, à ce monde, qui n'est pas qu'une réserve de ressources, aux êtres qui le peuplent et aux pays que nous y déterminons - au sens non pas d'entités juridiques, mais de lieux habités.

Voilou, ske ça m'inspire, là comme ça.

Publié : jeu. mars 04, 2010 4:06 pm
par Kefka
Nous sommes une société de stress, voilà une évidence qui mérite d'être soulignée. Mais il ne faut pas non plus jeter le bébé avec l'eau du bain : nous sommes aussi des êtres de stress permanent.

Inadéquation de nos désirs avec la réalité, relation avec autrui, solitude, vrais/faux sentiments (le syndrome des coeurs brisés, ou cardiomyopathie de stress, ça vous parle ?), prédisposition comportementale et personnelle, déceptions et attentes, ...

Les sources du stress sont multiples et extrêmement diversifiées. Autrement dit, vous ne ciblez qu'une forme de stress possible parmi tant d'autres. Supprimez celle-ci, et le naturel reviendra au galop. On ne peut pas supprimer le stress, celui-ci est à la fois induit par notre nature d'êtres désirants (le stress est induit par le désir) mais aussi par le fait que nous "vivons" : en société comme dans la solitude, la dépression et le stress nous atteignent immanquablement. Il n'y a pas de solution permanente au problème, juste de petits trucs qui échoueront à plus ou moins long terme. Au final, quelque soit la situation ou la société, celle-ci sera forcément génératrice d'un fort stress.

Et la thèse du stress induit par une dissolution et une désincarnation du pouvoir me semble étrange. J'aimerais des précisions.

Publié : jeu. mars 04, 2010 4:38 pm
par Kliban
Kefka a écrit : nous sommes aussi des êtres de stress permanent.
Là tu projettes :mrgreen: .

Je rigole à peine : cette assertion est fausse, mais elle oriente toute la suite de ton post. Nous ne sommes pas des êtres de stress permanent. Et je connais de ces êtres qui ne sont même jamais "stressés" - et qui ne sont pas des légumes pour autant. Le stress n'est pas une mauvaise chose en soi. C'est le stress chronique ou excessif qui est nocif - celui dont nous parlons ici et qui est en jeu quand nous disons "j'en peux plus, je suis trop tressé" ; et celui qui peut mener à une phase dépressive.

Le sujet initial parlait de dépression, je l'ai liée au stress, faudrait sans doute nuancer.
Kefka a écrit :Au final, quelque soit la situation ou la société, celle-ci sera forcément génératrice d'un fort stress.
Un peu le même raisonnement que "la terre est _forcément_ plate parce que sinon on finirait par glisser et on tomberait dans le vide". :mrgreen:

Toute société génère du stress Je ne sais pas. Où sont les preuves anthropologiques ?

Et si même c'est le cas, ces stress sont-ils quantitativement comparables ? Ne peut-on pas avoir des société plus "stressogènes" et d'autres moins ? La quantité globale de stress n'est pas un invariant - comme on le sait de l'étude de population de rats :D .

Sont-ils, ces stress, qualitativement semblables d'une société à l'autre ? Stress chronique ou pas, affectant toute la population ou pas, engendré par les mêmes types de mécanismes d'une société à l'autre ou pas, contrôlé par des mécanismes sociaux d'entretien/de résorption ou pas, etc.

Exemple : là où le stress engendré par l'Occident est pour beaucoup un stress exogène lié à des contraintes de rentabilité - l'occident met le monde sous stress - le stress au Japon est endogène et lié à des contraintes de respect des formes sociales - le Japon met l'individu (une notion quasi-incompréhensible jusqu'à ce que les Japonais l'importent d'Occident sous l'ère Meiji) sous stress.

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Elle est intéressante, oui, cette thèse d'un stress/dépression induit/e par la perte du pouvoir - rejoint l'intériorisation de la fin des transcendance : homme laissé sue à lui-même avec ses appétits et pus aucun idéal directeur. Enfin, je la comprends comme ça.

Ce serait intéressant de développer.

Publié : jeu. mars 04, 2010 5:55 pm
par Norma
pour la notion de dissipation du pouvoir, telle qu'elle étée entendue par la personne à qui je parlais :

un état dépressif voit toutes action ou entreprise lui peser, et se réfugiera dans l'inaction.
Si personne ne prend de décision réellement, si toute forme de pouvoir - donc d'action - est toujours renvoyé à un inexistant "autre" comme une patate chaude (phénomène bien connut des administrations), alors il n'y a pas d'action ou d'entreprise possible.

Le problème est que n'a pas été dévellopé chez la personne qui m'avait avancé cette théorie comment se liaient les deux phénomènbes pour lui, et j'ai donc peur qu'il s'agisse d'un ressort analogique plutôt que de causalité.

Mais sinon, je ne comprend vraiment pas pourquoi pour vous la dépression est forcement déclenchée par le stress ... et dans ce cas, vous parlez de quelle forme de stress ???
Faut m'éclairer, parce que le lien de causalité me saute pas aux yeux.