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Le double mur.

Publié : jeu. juin 14, 2012 3:52 am
par Gaunt
Salut à tous,

Je vient ici lancer ce débat, cette réflexion personnelle ou cette lettre ouverte comme vous préférez pour parler d'un phénomène que j'ai rencontré. Peut être n'est-il que le fruit de mon imagination mais ça ne le rend pas moins réel pour moi et peut être pour vous.

Tout d'abord je doit vous dire que je m'excuse d'avance si le sujet à déjà été discuté, j'ai cherché à droite à gauche sans avoir non plus remué ciel et terre pour être tout à fait honnête. De plus c'est la première fois que je parle d'un telle sujet en dehors de cogitation personnelles lors de mes séances de réflexions, comprenez ici quand je me douche :huhu:

J'ai hésité à mettre ça dans expériences personnelles car elle me permet de poser le sujet, tout simplement car c'est la seule chose que je connaisse, mais elle ne sert que de ciment pour les bases, une fois le débat lancé elle n'aura plus d'intérêts. Désolé si ce n'est pas le bon topic, n'hésitez pas à déplacer au cas où je me serait planté.
Je parle, je parle mais il serait temps de rentrer dans le vif du sujet, en commençant par une mise en situation pour comprendre :

Loi de mes amis et trop fainéant pour me bouger et trouver un stage à côté des cours cette année je me suis retrouvé avec beaucoup de temps libre, temps qui m'a permit de réfléchir et de laisser vagabonder mon esprit et sans que je m'en rende compte m'a ramené lentement mais surement sur une vérité brute que j'ai écarté de ma vie pendant longtemps : je suis gay. Bon passons pour la révélation ultime, je suis sûr que vous ne vous en doutiez pas une seule seconde ... :huhu:

Le premier mur.

Bon ça ok mais après ? Après vient le fameux "mur", en tout cas je l'appel comme ça, qui est constitué de la société, du regard des autres mais aussi et, à ne surtout pas négliger, mon propre regards et mes propres préjugées. J'ai remarqué y'a déjà longtemps que c'était seulement en posant le regards sur un garçon que je sentais mon cœur se serrer. Je me suis donc retrouvé, encore préadolescent devant le fameux mur et ni une ni deux je me suis dit sans sourcilier que j'allais de toute façon me "sacrifier" pour le bonheur de mes parents et de ma famille et que je me forcerai à vivre une vie en suivant le "Grand Plan Céleste" imaginé par mes parents... (Ou que j'imagine qu'ils ont imaginé enfin bref.) Croyez le ou pas mais à force de me répéter ça j'ai passé presque 10ans à même plus me poser la question évitant le regards des garçons et esquivant les avances des quelques filles qui ont voulu aller plus loin trop longtemps. Laissant mon esprit errer vers une vie avec une fille parfaite, belle, intelligente et cultivée.

Mais bien entendu ce soit disant "sacrifice" n'est qu'une excuse pour cacher ma propre peur d'affronter le regards des autres. Pour la copine parfaite, je réalise maintenant que dans chacun de mes scenarii elle n'est finalement qu'une "potiche" que je sort pour donner envie à tout le monde, pour montrer que je vaut quelques chose. Chacun ses défaut mais ce n'est pas le sujet. Une fois les choses misent au clair j'en arrives à me préparer pour sauter le mur. Mais alors que j’entreprends de regarder sérieusement derrière, quelle n'est pas ma surprise de tomber sur un autre mur, d'une tout autre nature.

Le deuxième mur.

Ce mur là à la particularité d'être Arc-en-ciel, je m'explique, n'ayant jamais vraiment eu de contactes avec d'autres personnes gays, je ne connait finalement que l'image renvoyée par la télé (les films gays) et les manifestations "publiques" (Gay Pride et tout et tout). :attention: Pour ce qui suit je vous demande, s'ils vous plait, de lire jusqu'à la fin avant de me juger. :attention: Hors une réalité me saute au yeux : Je n'aime pas particulièrement les couleurs "flashy" et surtout pas quand on en met plusieurs en même temps (en général), je n'ai jamais ressenti vraiment d'attirance (voir l'inverse) pour les hommes/garçons efféminés (dans le sens visible), ni les corps "sur-musclé" imberbes (encore pire le look camionneurs), je ne sais pas vraiment m'habiller et être à la mode m’intéresse pas du tout, je n'ai jamais eu l'idée de me maquiller/m'habiller avec des vêtements de femme, je n'ai pas envie de faire des soirées "gay" car la sexualité des mes amis est juste anecdotique par rapport à ce qu'ils sont en temps que personnes etc. etc.

Des stéréotypes, des stéréotypes en veut-tu en voilà vous me direz avec raison mais d'où viennent ils ? C'est ce que j'ai vu (voulais voir peut être mais j'essaye d'être le plus honnête) dans les films (soirées full lgbt, travail où tout le monde semble être gay/gay-friendly :blink: etc) et les manifestations (GayPride etc) qui dans un sens portent ces préjugées en voulant en faire un porte drapeau pour ce faire accepter, ce qui marche d'ailleurs. Mais là je me pose une question, si je ne suis pas hétéro ni comme les gays que je vois de ma vision extrêmement limité, qui suis-je ? que suis-je ? Difficile de se dire qu'en soi c'est juste une question de sexualité et rien d'autre. Les gens risquent ils de projeter ces stéréotypes sur moi quand je vais leurs annoncer ? Difficile de leur en vouloir vu que ces préjugés sont portés en quelques sorte par une partie des lgbt eux même.
J'ai essayé de lire sur le sujet et la plupart du temps ce que je trouve c'est que d'autre gay disent que l'on (ceux qui se retrouve pas dans les représentations "mainstream") ne s’acceptent pas complétement et que de rejeter ces stéréotypes c'est une façon de se dire que l'on est pas "trop" gay mais je n'ai rien à vous prouver en écrivant ses lignes c'est ce que je pense donc cette explications ne me suffit pas.

Débat

Voilà le point que j'aimerais discuter avec vous, est-ce que ce deuxième mur existe vraiment, est-ce que d'une certaine façon pour se promouvoir on se risque à créer/porter des stéréotypes qui peuvent être préjudiciable/un deuxième point de difficulté dans la recherche identitaire pour certaines personnes ? Est-ce juste un "mur" que l'on se fabrique par peur ou comme excuse ? Autres ?

j'aimerais vraiment avoir vos avis.
Merci d'avance à ceux qui auront eu le courage de vous lire et j'espère ne pas vous avoir trop ennuyé avec mes "troubles".

Re: Le double mur.

Publié : jeu. juin 14, 2012 6:32 am
par Daisy.Adair
Si tu sortais de ta douche et que tu te rendais dans une association lgbt étudiante ou autre, je pense que tu ne verrais pas la chose de la même manière. Tu te sers de stéréotypes véhiculant ici et là pour te construire une image du gay qui n'est pas celle qu'il renvoie systématiquement dans son quotidien, et comme cette image construite ne te convient pas, tu n'avances pas.

Pour avancer ne serait-ce qu'un peu, il faut bien comprendre qu'il n'existe pas une image mais des images de l'homosexualité. C'est bien une de ces images que tu écris lorsque tu dis ne pas être comme les gays que tu vois, ne pas aimer les couleurs « flashy », ne pas être intéressé par la mode ou ne pas avoir l'idée de te maquiller/t'habiller avec des vêtements de femme (au passage, non, toutes les femmes ne portent pas des robes et ne se maquillent pas). Alors oui, il est probable qu'à l'annonce de ton homosexualité les gens projettent cette image sur toi, celle du mur arc-en-ciel dont tu parles, tout comme il est probable qu'ils ne la projettent pas. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas à eux de t'identifier, ce n'est pas à une seule image de promouvoir ton identité.

Prendre une douche, c'est bien. Sortir, aussi, ça peut être mieux. :arrow:

Re: Le double mur.

Publié : jeu. juin 14, 2012 7:01 am
par aldo
Je n'ai rien d'autre à ajouter. Il y a plein de gays que, quand tu les croises dans la rue, tu n'identifieras pas comme gay... donc forcément tu ne remarques que ceux qui correspondent aux stéréotypes. Magnifique biais d'observation...

Re: Le double mur.

Publié : jeu. juin 14, 2012 12:26 pm
par muchomachomarlboro
Tu me verrais dans la rue, je serais le pire de tes cauchemars. En effet, j'ai toute un panoplie de fringues flashy, je suis souvent maquillé comme une voiture volée et la mode est une passion. Souvent j'ai le droit au couplet "tu es voyant" par des personnes qui pour le coup ne se sont pas vu. Je trouve assez classique le schéma qui consiste à se défendre d'avoir une quelconque attitude de revendication ou typée et un nombre majeur de gays dans mon entourage s'en revendique. Je ne sais trop quoi répondre à ces attaques on ne peut plus répétées (et clichés pour le coup) qui veulent faire d'un folklore plus drôle, divertissant et festif qu'autre chose un stigmate que les uns imposent aux autres pour récupérer une certaine "normalité".
Si l'on ne s'arrête pas aux apparences, certains pourront le dire ici, ce n'est justement qu'une apparence, qu'un jeu, je ne suis pas uniquement et pleinement ce que je donne à voir (et personne ne l'est) et je trouve que les gays, au même titre que beaucoup d'autres, aiment à croire que le monde est une vaste réedition des villages people ou des spices girls et que chacun est représenté par un trait de caractère dominant, forcément sexualisé ("la sportive", "le flic à grosse moustache", "l'indien sauvage", "la bourgeoise coincée" j'en passe et des meilleures), ce qui est faux.
Mon petit conseil, pour ce qu'il vaut, est qu'il ne sert à rien de trier les traits de ta personnalité pour voir si tu es gay et comment ou à quel point tu l'es. Pourquoi ? : that's so gay. :mrgreen:

Re: Le double mur.

Publié : jeu. juin 14, 2012 1:02 pm
par Gaunt

Merci pour ta réponse Daisy, je suis parfaitement au courant du faite que ma vision est très limité, c'est en faite le but de ma venu ici :wink:

Mucho[...], chacun est libre de faire ce qu'il veut ou ce qui le rend bien dans sa peau/tête, je parle juste du faite que la vision extérieur que je perçoit moi en regardant les infos, les documentaires avec mes parents ou mes amis que l'image la plus souvent renvoyé, préféré par la presse, c'est justement cette images de différence très prononcé, de gens heureux, fêtards etc, je me dis juste que peut être c'est un peu limité comme vision ^^


Le post n'est pas là pour parler de mon expérience personnelle mais plus de partir d'elle pour aller sur une réflexion, bien plus intéressante, que j'aimerais poser/lancer à d'autres que mes amis hétéro (ou bien caché dans le placard ^^ ). Je ne pose pas de réponse, j'ai mon avis et il se voit surement à travers les questions mais s'il vous plait répondez ce que vous penser vous sans en prendre compte : Pensez-vous que revendiquer une image forte et que marquer sa différence (drapeau, bar différents etc.) est une bonne stratégie pour se faire accepter ? (Oui et Non sont pas spécialement intéressant là, c'est plus qu'est-ce qui vous fait balancer d'un côté ou de l'autre ?) Ne risquons nous pas de nous enfermer dans l'images qu'un partie des gens, qui sont les plus voyant (manifs, événements etc.), véhicule et joue avec ? Peut on vraiment accuser les "autres" de ne pas s'être assez renseignés et de croire, naïvement, ce que des mouvements, qui justement sont censé représenter les gays, promeuvent ? Peut on vraiment caractérisé une portion complète de la population par quelques traits, plutôt que de traiter le sujet de l'homosexualité seulement comme une question de sexualité et non comme un mode de vie ? Le but réelle n'est-il pas que ça devienne banal et juste une question de sexualité ? Et si oui comment en arriver là après une telle dichotomie entre les "lgbt" et les autres ? (drapeau etc idem que plus haut).

J'aimerais juste votre avis, sans jugement sur celui des autres, juste votre ressentis/réflexions, oubliez ma vie ça a très peu d'intérêt dans le débat ^^ Le but n'est pas de trouver "La" réponse, qui de toutes façon n'existe pas, mais plus de présenter/confronter des logiques/arguments, ne vous braquez pas à essayer de prouver par A+B que la réponse est simplement oui ou non, c'est très rarement le cas. (ou bête/intelligent voir pire bien ou mal ^^)

PS : Évitez les "Tu est naïf, tu te base sur les images renvoyées par les médias qui les contrôlent etc." j'ai choisi de parler exclusivement de ces images contrôlées car, que l'on le veuille ou non, ce sont ces images qui, de façon bien plus "puissante" qu'on pourrait le croire, participe aussi à l’évolution de la société. Tous les gens n'ont pas le temps ou ne veulent juste pas s'amuser à faire des recherche croisées, aller dans les associations etc pour tous les sujets, surtout si ça ne les touche pas directement.

PS 2 : Un petit bonus, une question dont je suis curieux des réponses, un peu plus "large et théorique". Ne voyez ni jugements ni tentative de dire c'est bien, c'est pas bien (on n'est pas dans un film américain xD) : Pensez vous que la notion de mode de vie est intrinsèquement lié à la sexualité (dans le sens hétéro/gay et non pas lié à sa façon de vivre sa sexualité peut importe son sexe et celui du partenaire) ou que c'est d'autres facteurs qui entrent en jeux dans le cas des gays ? (Liberté après des années de replis, pas de modèle "imposé" par la société comme pour la "famille" pour les hétéro, pas de "modèle" dans sa jeunesse (dans la famille), vouloir volontairement ou pas, profiter de sa différence sexuelle pour se montrer différent dans son mode de vie, jouir du faite d'interpeller voir choquer les gens ? etc.

Re: Le double mur.

Publié : jeu. juin 14, 2012 1:55 pm
par muchomachomarlboro
Je trouve plutôt que ce sont les gens qui retiennent ce qu'ils veulent parce qu'entre, les exemples ne sont là que pour lubrifier les imaginations un peu sèches, Rufus Wainwright, Frederic Mittérand, François Sagat, Catherine Lara et Portia de Rossi il y a peut-être le choix de penser que gay, même dans les médias, ça peut être ce qu'on veut comme on veut.

Ce que tu appelles réflexion c'est un lieu commun qui tourne à vide et que beaucoup se posent par cas de conscience ou dédain refoulé. Va lire les topics sur les questions du communautarisme et tu comprendras ce que je veux dire.

Pour répondre brièvement et crument, l'identité sexuelle n'est pas strictement égale aux pratiques sexuelles. Tu crois qu'en banalisant la sodomie entre mecs ça va revenir à banaliser l'homosexualité comme facette de l'identité? Tu voudrais défaire tout le champ d'association qui associe la passivité à la féminité à la recherche de virilité à un tempérament doucereux... Ce ne sont que des notions, péremptoires peut-être, d'où découlent des représentations socio-typées, mais loin s'en faut pour que ce soit une stricte réalité de terrain. Tu poses la question d'un point de vue général, tellement général qu'elle ignore le sens empirique de la culture, tu penses une pratique comme une simple action. Or une pratique se comprend toujours comme la culture d'une action. Vouloir effacer la dimension pratique d'une action (ici l'action sexuelle) revient à vouloir agir sans conséquence, à regarder nos actes comme de pures occurrences qui ne peuvent constituer un part de notre identité. Pourtant je suis convaincu que l'on est ce que l'on fait, que le sens de notre identité est dynamique, qu'il se construit dans la continuité de nos actions. Et j'entends surtout ici quelqu'un qui essaie de ménager un espace acceptable à ce qu'il ne peut accepter. Le temps fera son œuvre. Peut-être. Mais on peut très bien vivre sans. J'imagine que c'est toujours un peu dommage. Je peux me tromper.

Re: Le double mur.

Publié : jeu. juin 14, 2012 1:59 pm
par moniiique
Salut Gaunt, je vais essayer de répondre à tes questions en t'en posant d'autres :

- penses-tu que les femmes auraient obtenu le droit de vote, le droit à l'avortement et celui d'avoir un compte en banque sans que l'autorisation de leur mari soit nécessaire s'il n'y avait pas eu quelques unes d'entre elles qui ne ressemblaient pas à l'image attendue des femmes ? Si certaines d'entre elles n'avaient pas été des stéréotypes hystériques de féministes enragées, penses-tu que celles qui discrètement se contentaient de ressembler aux femmes qu'on s'attendait à voir tout en rêvant de droits plus justes les auraient obtenus ?

-penses-tu qu'en France et en 2012, tu aurais pu avoir le droit de vouloir vivre une vie de gay sans te cacher mais sans t'exhiber non plus, éventuellement penser à te marier un de ces quatre avec un type dont tu tomberais amoureux mais sans faire de vague, comme le font les hétéros, si des folles furieuses en talons aiguilles n'avaient pas foutu des coups de sac à main dans la gueule des flics à Stonewall, provoquant ce qui deviendrait plus tard la gay pride ?

Re: Le double mur.

Publié : jeu. juin 14, 2012 2:04 pm
par Nomis
En fait, il faudrait simplifier le débat, ya un peu beacoup de questions la :lol:
En somme, c'est un genre de "revendiquer la différence VS revendiquer l'indifférence" ?

Et sinon :
Gaunt a écrit :Pensez vous que la notion de mode de vie est intrinsèquement lié à la sexualité
Non. :gentil:

Et je suis plutôt d'accord avec les gens du dessus, même si je pense que des fois il être un poil moins agressif avec les nouveaux, même si ils arrivent avec des idées toutes faites sur un sujet qui a déjà été débattu un bon million de fois. Mais si vous voulez je peux amener les yaourts aussi

Re: Le double mur.

Publié : jeu. juin 14, 2012 2:13 pm
par muchomachomarlboro
OFF-Topic :
Je ne vois pas en quoi être nouveau serait un argument pour être ménagé dans un débat qu'on lance avec force science et conviction. Il faut différencier le vif du débat et le ton qui en découle d'une agressivité hors de propos. Ne devenons pas mou de genou par souci de bien paraître. Pour l'histoire, je suis venu la première fois en me lançant dans un sujet parfaitement similaire, et on m'a reçu chaleureusement. Je suis parti traumatisé par le débat. Je suis revenu parce que j'avais trouvé l'effort de dialogue intéressant. Cela fait cinq ans.

Re: Le double mur.

Publié : jeu. juin 14, 2012 2:44 pm
par Tsar
Oh, la jolie question qui n'a jamais été posée. Comme elle me les brise sévère (rien de personnel, rassure-toi, tu es loin d'être le seul à l'exprimer) et qu'elle a déjà été abondamment traitée, je vais pas faire dans le format sciences-po, deux parties deux sous-parties. Juste quelques réflexions à la première personne, parce que si, les expériences personnelles ont leur importance, y compris la tienne.

J'ai assez longtemps été comme toi. Les folles, les fêtes à paillettes, les Gay Prides à plumes, tout cela me dérangeait ou m'exaspérait, même après ma sortie du placard : je pouvais baiser sans problème, et dans le milieu privilégié où j'évoluais, personne ne s'aventurait à venir me chercher querelle au sujet de ma sexualité, quelqu'un-e l'eut-il/elle voulu que mon gabarit et ma réputation de syndicaliste gauchiste fort en gueule les y aurait fait réfléchir à deux fois. A l'époque, les folles, le milieu, le drapeau, je les méprisais.

Sauf que s'il n'y avait pas eu les grands pédés de Stonewall et leurs talons hauts dans les couilles des flics au service des honnêtes gens, les Gay Prides avec leur musique et leurs outrances (et encore le mot est-il bien fort), les associations et leurs foutus drapeaux, et leurs mégaphones, et leurs revendications, et leurs pétitions, je ne saurais pas qui je suis, je serais incapable de nommer cette partie de moi que la norme et les coutumes condamnent, ce pourquoi certain-e-s me haïssent sans me connaître et dont je refuse aujourd'hui d'avoir honte. Le "milieu" me faisait peur, c'est vrai, mais je me revois à 14 ou 15 ans, lisant avidement les articles sur la Gay Pride dans Le Monde ou n'importe quel journal traînant dans la maison familiale... Il y avait des gens comme moi, qui proclamaient officiellement ce dont je n'avais jamais douté : que les lâches qui me harcelaient, qui avaient décelé ce qui était alors une faiblesse que je refusais encore de nommer, avaient tort, que c'étaient des ordures et que j'étais dans mon droit en refusant de baisser la tête. Que j'étais normal, ce que j'ai fini par admettre après avoir, comme nombre d'entre nous, chercher à me convaincre que je pourrais changer.

J'ai mis des années à m'en rendre compte, mais tous ces gens, chacun et chacune d'entre eux-elles, m'ont aidé, protégé, se sont battus pour moi, pour nous. Ils et elles m'ont permis de me nommer. En gueulant leur différence, en refusant d'être ignoré-e-s, en jetant leur placard au feu, ils et elles ont fait que les nôtres qui s'aiment verront leur amour reconnu à l'égal de celui des hétéros, que celles et ceux d'entre nous qui ont ou auront des enfants, verront leur famille reconnue et protégée.

Aujourd'hui, je ne porterais pour rien au monde des couleurs "flashy" comme tu dis (mon genre c'est plutôt presbytère victorien), mais nom de Lui, que j'aime les folles, les hommes féminins, les camionneuses, les bears, les butchs, et les autres, tous les autres. J'aime qu'ils et elles soient beaux et belles de telle sorte qu'il soit impossible de les ignorer. De nous ignorer. J'aime le monde qu'ils et elles ont construit, un monde souvent nocturne, où comme partout ailleurs le glauque côtoie le beau, un monde qui peut passer du chaleureux au féroce en un rien de temps, mais un monde qui est le nôtre, ou du moins qui peut l'être si nous le souhaitons, où nous pouvons nous réfugier. Où nous pouvons sinon "être nous-même" (on porte toujours masques ou costumes, qu'on le veuille ou non), du moins vivre cette partie essentielle de notre être, rencontrer, aimer, détester des gens pouvant partager et comprendre ce que nos vivons ou avons vécu. Comme sur ce forum, par exemple.

Celles et ceux qui nous reprochent d'être voyant, visibles, lobbyistes, propagandistes, ceux/celles-là nous détestent de toutes façons. Les autres ne nous connaissent pas, ou du moins nous ignoreraient si nous ne nous faisions pas connaître. Ils et elles apprennent à nous accepter parce qu'ils-elles nous voient. Parce que nous sommes leurs enfants, leurs cousin-e-s, leurs ami-e-s, leurs voisin-e-s, leurs collègues, et que des générations de pédés et de gouines se sont battu-e-s pied à pied pour cela. Comme disait Napoléon, "on obtient plus en demandant poliment les armes à la main qu'en demandant juste poliment". Notre arme, notre première arme, c'est d'être visible.

Alors pour celles et ceux qui encore aujourd'hui, 10 ans après moi, consultent en cachette les articles de journaux consacrés à la Marche des Fiertés, pour celles et ceux qui, 40 ou 50 ans avant moi, se sont battu-e-s pour mes droits et ma dignité, moi le pédé glacial aux airs de roi en exil et pour qui la seule concession à la gaieté (haha) est le port d'une cravate rouge avec un costume noir les jours de fête, j'irai marcher à la Gay pride, je défendrai le droit de chacun-e de porter des pantalons turquoises, et je participerai à notre visibilité, en envoyant paître les gens bien que cela décoiffe.