Qu'est-ce que le genre. TL:DR
C'est une propriété nominale schématique ambitieuse.
Le genre est souvent tenu pour être une propriété identitaire d'un individu. C'est à dire qu'une personne ne peut pas changer de genre sans changer qui elle est elle-même. Par hypothèse du réalisme de cette propriété, cela veut dire que si un corps appartenant à une personne commets un crime à un temps t1 et que la personne change de genre à un temps t2 postérieur à t1, la personne à t2 n'est pas responsable - parce que pas la même personne, du crime commis à t1.
Cela est absurde. Par conséquent, on doit rejeter l'hypothèse du réalisme de la propriété de genre. Une hypothèse alternative est que le genre est une propriété nominale de la personne. C'est à dire que c'est «une façon de parler» des gens. Du coup, si la personne change de genre, la personne ne change pas de nature, mais de nom. Or, puisque le nom de la personne n'en change pas la nature, on doit supposer (jusqu'à preuve du contraire) que le changement de genre est rétroactif. Après tout, si je change la définition du mot Planète pour y exclure Pluton, on aurait tort de dire «Depuis ce changement, Pluton n'est plus une planète» - l'affirmation correcte serait plutôt «Pluton n'a jamais été une planète, ce qu'on sait correctement depuis ce changement». C'est parce que les mots ont un sens contextuels, et, lorsque ce produit un changement sémantique ponctuel dans la langue, il faut adapter les valeurs de vérité des expressions qui l'utilisent parce que leur sens a changé. Savoir que Pluton a déjà été considéré comme une planète ne change rien au fait que, dans la réalité, ça n'en est pas une. De la même façon que de savoir que le phlogiston a déjà été considéré comme une substance qui existe ne change rien au fait que ça n'existe pas, et savoir que Caitlyn Jenner a déjà été considérée comme un homme ne change rien au fait qu'elle n'en est pas un.
Il reste à savoir de quelle sorte de nominalisme on parle lorsqu'on parle de genre.
Il y a trois familles principales de nominalisme : Le nominalisme des ensembles, le nominalisme schématique, et le nominalisme austère.
Puisque j'ai déjà écris à ce sujet, je vais juste me répéter :
elsa a écrit : Le Nominalisme Austère : est l'idée que les propriétés n'existent pas. Elles sont des comparaisons utiles à la vie de tous les jours, mais elles n'ont pas d'implications ontologiques sur autre chose que la chose décrite. Par exemple, si Michel et moi aimons les pokémons et que le nominalisme austère est vrai, alors il est vrai que Michel aime les pokémons, que moi j'aime les pokémons et c'est tout. Il n'est pas nécessairement vrai, par exemple, que les pokémons existent. Que moi ou Michel existons ou que nous avons quelque chose en commun. Le nominalisme austère a l'implication que les personnes d'un même genre ne sont «pas vraiment» du même genre. Ça nous fais exister tous dans des petites bulles de vides existentiel autour de nous et c'est difficile de voir comment des oppressions systématiques peuvent exister avec une ontologie aussi parcimonieuse. Or, puisque les oppressions systématiques existent manifestement, ça doit vouloir dire que le nominalisme austère est faux.
Le Nominalisme des Ensemble : est l'idée, intellectuellement réconfortante, que les propriétés désigne des ensembles d'objets. La jauneté est l'ensemble des objets jaunes. Être une femme, c'est appartenir à l'ensemble des femmes. Le problème vient lorsqu'on pense aux personnes agenre - pour la théorie des ensembles, un ensemble est défini par son contenu, du coup, les ensemble vides sont identiques. Ça voudrait dire que les personnes agenres seraient toutes agenres de la même façon et pour les mêmes raisons. Ce qui est absurde. Donc le nominalisme des ensembles doit être faux. [lorsqu'il est question du genre]
Les deux formes de nominalismes précédentes sont aussi pire, selon moi, que l'essentialisme.
Il reste les nominalismes schématiques
Le nominalisme schématique implique qu'il existe un principe explicatif aux propriétés, les schémas, qui sont donneurs et receveurs de sens. Pensez aux tropes avec lesquels on raconte les histoires : des bon.nes, des méchant.es, des conflits, des intrigues. Les histoires ont des structures que les auteur.es adaptent pour leurs propres besoins, mais sans les détruire, et notre familiarité avec la structure garanti que nous sommes capable de comprendre les histoire malgré leur originalité.
Le nominalisme schématique timide s'arrête là. Et c'est dommage parce qu'on voudrait avoir plus de soutient, par exemple, que les schémas et les structures de genre soient capable de supporter des forces causales, de supporter ontologiquement des choses indépendante du genre lui-même (comme, les oppressions). Le nominalisme schématique timide a donc pour force que le genre peut être bien compris, mais comme faiblesse que le genre ne change rien.
Le nominalisme schématique ambitieux fait ce pas de plus. Affirme que les structures de propriétés comme les genres sont assez réelles et assez solides pour changer des choses dans le monde. La difficulté, c'est que le genre apparaît comme «tellement réel» qu'on dirait quasiment de l'essentialisme. Quasiment ne veut pas dire vraiment, et ce qui distingue le nominalisme schématique et l'empêche de devenir essentialiste, c'est la reconnaissance que les propriétés comme le genre sont des choses vivantes et respirantes, qui changent constamment à chaque fois qu'on les refait, comme les histoires.