Remarque préalable : mon premier message date d'il y a fort longtemps ; vous remarquerez qu'il répond à une suite d'interventions qui prennent au pied de la lettre le complexe d'Œdipe à la sauce vulgarisée. Ceci étant pour expliquer non pas le fond, mais la forme de mon message.
D'où :
luluth a écrit :Ce que je critique, c'est la forme de ton message, qui me donne l'impression d'un beau discours jouant sur la persuasion sans avancer d'arguments, ce qui n'est jamais le cas dans tes articles.
Mouif, mais bon, j'ai déjà précisé mon avis là-dessus dans quelques autres sujets ici, et le débat s'était révélé tout aussi stérile...
luluth a écrit :En résumé, tu explique que le complexe d'Oedipe est un fantasme de Freud généralisé à l'ensemble, voire, une pure invention, et qui se défend de toute critique de par son caractère inconscient. En somme, tu dis que Freud est un menteur, qui fait passer ses fantasmes pour les résultats de ses expériences en matière de psychanalyse. C'est vide et gratuitement lapidaire, ou alors il faut encore m'expliquer
Non, je ne disais pas cela. Enfin, pas exactement, et c'est ce
pas exactement qui fait que je ne suis pas juste dans l'argumentation d'autorité. Freud est parti à l'aventure pour inventer la psychanalyse. Il s'est d'abord analysé lui-même (théorie de soi) pour ensuite transformer ses auto-analyses en une théorie à vocation universelle, applicable à tous, et qui expliquerait les mécanismes de la psychè par des lois fondamentales et immuables (c'est d'ailleurs parce qu'il veut appeler son invention une science qu'il postule ces lois fondamentales universelles).
Or,
la méthode n'a rien de scientifique : elle est inductive, seulement empirique et souvent ad hoc. À ce propos, je te demande quelle pertinence, quelle scientificité, quelle éthique -disons-le tout court- tu accordes au fait d'analyser sa propre fille... D'autre part, quand je dis que Freud prend son cas pour une généralité, je veux bien entendu émettre l'idée que Freud n'a parlé, au mieux, que de la bourgeoisie viennoise des XIXè-XXè siècles. Étant une théorie qui repose sur la famille hétérosexuée nucléaire, le complexe d'Œdipe n'est universalisable ni dans l'espace, ni dans le temps. Et si on adapte cette théorie en l'édulcorant, on obtient des évidences socio et psychologiques : la position différenciée de l'enfant face à plusieurs référents adultes l'aide à construire sa personnalité propre (c'est ce qu'on appelle la socialisation primaire). Avec ça, on va super loin.
La théorie freudienne dans son ensemble est d'ailleurs un membre de la grande famille des théories du dévoilement, qui sont parfaitement logiques comme systèmes, mais
qui finalement tiennent de la croyance parce qu'elles s'auto-légitiment et qu'elles n'ont aucune autre légitimité. Car enfin, et je m'auto-cite pour répondre à Dix-Requiem et à toi-même, si je peux me permettre cette cuistrerie passagère :
luluth a écrit :Tu connais beaucoup de théories qui ne sont pas falsifiables ? Tu fais de l'Histoire, non ? Tu dois savoir ce que c'est que de manier des données, des informations, des résultats d'expériences qui seront peut-être bonnes à jeter dans dix ans.
Dans un autre fil, s'adressant à un autre défenseur tonton Sigmund, Potiron a écrit :Présenter la psychanalyse comme une science au même titre que la physique tient de la supercherie. Le complexe d'Œdipe n'a rien à voir avec la sphéricité de la Terre. On peut prouver par une série de calculs et d'observations physiques assez simples que la Terre est ronde et qu'elle tourne autour du Soleil, que la gravité existe et que sais-je encore. Par contre, tu ne réussiras jamais à prouver que le complexe d'Œdipe est universel aussi bien dans le temps que dans l'espace, et même dans une même société. Dire que ça existe parce que certains cas peuvent être traités en fonction de cette théorie revient exactement à dire que la Terre, justement, est plate parce qu'on ne peut observer qu'elle est ronde à l'œil nu ou que les trottoirs de ta ville sont droits. Tout cela n'a rien de scientifique.
Ça fait plus d'un siècle que le complexe d'Œdipe est de plus en plus et de mieux en mieux remis en question, et c'est tant mieux. Le complexe d'Œdipe est une théorie qui part du postulat que l'identité individuelle ne peut se construire et ne se construit bien que dans un schéma hétérosexué et reporte la culpabilité originelle sur l'enfant dans le conflit qui l'oppose à ses parents. Il ne repose que sur l'autoanalyse de Freud et a été un peu modifié par la suite pour mieux coller à la réalité, essayant de l'expliquer a posteriori. Ce ne sont que quelques-unes des critiques formelles et conceptuelles qu'on peut lui apporter. On a l'impression que ça marche parce que c'est une des nombreuses théories de type "dévoilement", mais on est obligé de constater qu'il est très loin d'être opératoire de façon universelle. La psychanalyse, je le répète, est une pseudo-science : il faut savoir en mesurer les limites. C'est trop facile [et même totalement malhonnête, ajouterai-je] de dire que les personnes qui pensent que ce complexe n'existe pas se trompent parce qu'elles "refoulent".
Et la falsifiabilité d'une hypothèse, fondement de toute proposition scientifique, n'est pas le fait qu'on ignore si elle est vraie ou fausse, mais le fait qu'on s'accorde à dire qu'elle est vraie jusqu'à ce qu'on prouve qu'elle est fausse. Il est très facile de démontrer que le complexe d'Œdipe n'a rien d'universel, c'est tout ce que je m'attachais à souligner. Par là, donc, la question : à quoi sert de s'analyser à travers ce prisme s'il n'est plus -ou n'a même jamais été- d'actualité ? Et le fait de le trouver soi-même au cours d'une analyse peut tout aussi bien tenir de la persuastion qu'une lecture rétrospective de sa propre expérience à la lumière psychanalytique est parfaitement susceptible d'imposer.