Charlie a écrit :Je vois qu'on en est plus à des épiphénomènes mais à des actions multiples de quelques individus.
Ce n'est pas contradictoire...
Si on ajoute les attentats régulièrement déjoués en France (je ne peux pas parler pour les autres pays), ça commence à donner un paysage qui pour ne pas être l'apocalypse suffit néanmoins pour pour générer le climat que l'on connait. Mais c'est justement ça le terrorisme.
Bon, franchement, qu'il y ait un terrorisme islamiste, OK, après, de là à parler de générer un "climat" d'insécurité, je crois franchement qu'il y a un pas. J'veux dire, des critiques contre l'islam, il y en a vraiment très très très souvent en France et dans d'autres pays européens ; on peut même se risquer à dire que l'extrême-droite européenne utilise la haine de l'islam et des musulman-e-s comme ciment, au-delà de sa grande diversité. Entre les campagnes anti-minaret du FN et les apéros saucisson-pinard du Bloc Identitaire, sur ce plan on est servi. Il y a très régulièrement en France des initiatives qui visent les femmes musulmanes au nom d'une laïcité dévoyée (la chasse au foulard et à la burqa...), et j'en passe. Les auteurs de ces diverses provocations ne reçoivent pas de menaces de mort, ne vivent pas sous protection policière, ne craignent pas pour leurs jours. Donc bon, le climat de terreur, j'ai quand même l'impression qu'il est un peu/beaucoup fantasmé aussi.
On ne peut pas faire abstraction du fait qu'Ennahda était pendant toute la période Au sujet du rôle que la religion doit jouer dans le nouveau système tunisien, tu te moques de moi je pense. Entre les actions d'intimidations contre des actions culturelles, des actions criminelles contre un quartier chaud, les mots d'autres d'une partie des révolutionnaires, et la campagne des islamistes aux élections, il est clair qu'une partie importante de la population n'est pas pour la conservation du système en l'état, et ça comprend la séparation du politique et du religieux.
On ne peut pas faire abstraction du fait que Ennahda était sous Ben Ali la principale force d'opposition au régime, et que bon nombre de ses militant-e-s ont été persécuté-e-s et emprisonné-e-s. Leur légitimité vient de là, c'est aussi pour cette raison que les Tunisien-ne-s ont voté pour eux.
Ensuite, il ne faut pas assimiler "laïcité" et "démocratie", comme tu sembles le faire. Il y a des dictatures laïques (c'est une évidence), mais il y a aussi des pays assez démocratiques où il n'y a pas de séparation entre l'Eglise et l'Etat. Et du reste, qu'entends-tu par "séparation du politique et du religieux" ? Considères-tu comme "antidémocratique" que des personnes politiques s'inspirent de valeurs religieuses pour déterminer une ligne politique ? N'est-ce pas ce que font largement les conservateur-trice-s qui s'opposent, en France, aux USA et dans d'autres pays, à l'IVG ou au mariage homo ? Si c'est que tu as en tête, je veux bien te suivre pour dire que ce n'est pas "démocratique", mais dans ce cas la quasi-totalité des pays chrétiens n'est pas démocratique non plus.
Sinon, les actions d'intimidation ou les actions criminelles sont, par définition, le fait d'une minorité d'individus. Cela ne signifie rien sur les motivations politiques du mouvement révolutionnaire.
En revanche tu as complètement raison sur la Turquie, et je n'ai jamais dit que le contre pouvoir qui y existait était démocratique. Je pense juste que sans ce contre pouvoir non démocratique, la Turquie serait déjà une république islamique depuis les années 70.
Sources ? preuves ?
Si tu penses que l'islam, avec son idéologie politique, est soluble dans la démocratie, ce n'est pas mon opinion. Jusqu'ici, elle trouve une argumentation dans les nombreux exemples des pays musulmans. On verra bien si ta vision recèle une part de concrétisation dans le futur.
Le fond de ma pensée, c'est :
-que "l'islam" ne saurait être considéré comme un tout monolithique, qu'il y a une multiplicité de courants musulmans, qu'il y a une très grande variation géographique et historique de l'islam, et que tout discours généralisant sur "l'islam" et sa supposée incompatibilité avec la démocratie est de ce fait erroné ; cela est d'ailleurs vrai pour toutes les religions, et ça me ferait bien rire que quelqu'un essaie de démontrer ou d'infirmer la compatibilité ou l'incompatibilité du christianisme avec, au choix, la démocratie/la dictature/la laïcité/le droit des femmes/le capitalisme/le féodalisme/le socialisme/l'esclavagisme/l'égalité/la paix/la guerre/la tolérance/l'intolérance/le bien/le mal ;
-que, corrélativement au point précédent, il me semble qu'il y a des facteurs infiniment plus importants que la religion dominante pour expliquer la situation politique d'un pays, et que d'ailleurs les pays d'Afrique à majorité chrétienne ne sont pas plus démocratiques que les pays d'Afrique à majorité musulmane, et que les pays musulmans d'Europe de l'Est ne le sont pas moins que bon nombre d'autres pays de la région ayant une histoire similaire.
Au fait, que fais-tu de l'Indonésie et de ses 240 millions d'habitants, dont 86 % de musulmans, 4e pays le plus peuplé au monde, qui a une vie politique libre et démocratique depuis la chute de Suharto en 1999 ?