Le Sénégal

Toute l'actualité : une revue de presse de Têtu à La Tribune !
basti
Messages : 436
Inscription : jeu. juin 30, 2005 5:13 pm

Le Sénégal

Message par basti »

Je reviens un peu en arrière, cette histoire :

http://www.tetu.com/rubrique/infos/info ... 2009-01-14

qui date du 14 janvier m'a choqué. Je ne croyais pas que le Sénégal était un pays comme ça. Et contrairement aux Etats issus de la décolonisation de l'Empire britannique, les ex-colonies françaises n'ont pas à leur disposition l'argument "ce sont les lois que les colonisateurs nous ont laissées en partant".

Quelques infos supplémentaires sur le site de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada :

http://www.irb-cisr.gc.ca/fr/recherche/ ... rec=441297

On y apprend qu'il s'agit de l'article 319 du Code pénal sénégalais, modifié par la Loi no 66-16 du 12 février 1966. Or qui était le président du Sénégal le 12 février 1966 ?

Léopold Sédar Senghor !

Quand je pense qu'il a été nommé à l'Académie française. Que ses textes sont étudiés dans les lycées en cours de français, je suis choqué, je suis choqué, je suis choqué.
Kefka
Messages : 2843
Inscription : lun. févr. 11, 2008 10:43 pm

Message par Kefka »

La situation est désagréable, c'est certain. Mais les dernières phrases sont vraiment du n'importe nawak. On étudie pas un poète pour ses opinions et on en nomme pas un Immortel pour ses opinions non plus. On étudie Senghor pour la "négritude", pour le fait qu'il fut le premier normalien noir et le premier agrégé (grammaire) noir. Un peu de sens critique et pas d'émotionnel.
Willou
Messages : 4798
Inscription : ven. mars 03, 2006 1:04 pm

Message par Willou »

Ce que je trouve dommage (choses qui se produit encore et toujours) c'est qu'une minorité qui a été exclu, mis en esclavage, battu, humilié et tout le reste, ne se gène pas pour faire la même chose à une autres minorité, sans que cela ne choque jamais.

C'est en autre le sujet d'un débat assez fermé que j'ai eu avec un arabe et une tunisienne qui se plaignait que les gens les considères comme des merdes, mais pour refaire la même choses aux homos, "c'est normal parce que là, c'est différent".
shadow
Messages : 92
Inscription : ven. juil. 22, 2005 9:22 am

Message par shadow »

phoenix85 a écrit :La situation est désagréable, c'est certain. Mais les dernières phrases sont vraiment du n'importe nawak. On étudie pas un poète pour ses opinions et on en nomme pas un Immortel pour ses opinions non plus. On étudie Senghor pour la "négritude", pour le fait qu'il fut le premier normalien noir et le premier agrégé (grammaire) noir. Un peu de sens critique et pas d'émotionnel.
L'homophobie n'est pas une opinion...
Willou
Messages : 4798
Inscription : ven. mars 03, 2006 1:04 pm

Message par Willou »

Bah heu... si.
C'est penser que les homos sont des sous merdes et que la meilleur choses à faire, c'est de les brûler au nom de dieu.
Kefka
Messages : 2843
Inscription : lun. févr. 11, 2008 10:43 pm

Message par Kefka »

shadow a écrit :
phoenix85 a écrit :La situation est désagréable, c'est certain. Mais les dernières phrases sont vraiment du n'importe nawak. On étudie pas un poète pour ses opinions et on en nomme pas un Immortel pour ses opinions non plus. On étudie Senghor pour la "négritude", pour le fait qu'il fut le premier normalien noir et le premier agrégé (grammaire) noir. Un peu de sens critique et pas d'émotionnel.
L'homophobie n'est pas une opinion...
Bien sûr que si !
Une opinion est le jugement réflexif par un individu sur un objet, une personne tierce ou un comportement et qui s'exprime dans un ensemble d'idées. Elle peut-être influencée par l'origine sociale ou les préjugés. Exactement ce qu'est l'homophobie. Dénier le caractère d'opinion à ce genre de comportement est une manière bien facile de retirer toute réflexion à l'interlocuteur, une sorte de "diabolisation", de rabaissement. Une imposture, donc.
Dernière modification par Kefka le mer. févr. 11, 2009 9:17 pm, modifié 1 fois.
basti
Messages : 436
Inscription : jeu. juin 30, 2005 5:13 pm

Message par basti »

Et la négritude, ce n'est pas une opinion ?

D'après Edgar Faure, dans sa réponse au discours de réception à l'Académie française de Léopold Sédar Senghor, la négritude
Edgar Faure a écrit :est un humanisme d'inspiration négro-africaine (1)
Et mettre les homosexuels en prison, c'est une mesure humaniste ?
Edgar Faure a écrit :On vous appelle, on vous interroge, on vous confie des arbitrages, Vous êtes le recours de la sagesse.
Donc la sagesse, c'est mettre les homosexuels en prison ?

Est-ce qu'on ne se trompe pas depuis 25 ans ou plus sur le gentil monsieur Senghor ?

(1) http://www.academie-francaise.fr/Immort ... aure2.html
basti
Messages : 436
Inscription : jeu. juin 30, 2005 5:13 pm

Message par basti »

Je souhaite que le maire de Paris cesse de participer à l'erreur d'appréciation collective concernant Léopold Sédar Senghor, et débaptise la « passerelle Léopold Sédar Senghor » (1), pour la renommer « passerelle de la Liberté » ou « passerelle des Droits-de-l'homme ».

(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Passerelle ... ar-Senghor
Kliban
Messages : 2089
Inscription : ven. janv. 16, 2009 9:19 pm

Message par Kliban »

On fera attention à na pas assimiler le discours du militant et le discours du maître. Leur performativité ne s'équivalent pas.

Du point de vue du militant gay, Senghor est une ordure. Soit.

Du point de vue du militant black, Senghor est une figure de référence. Soit.

Du point de vue du maître, Senghor est un sujet d'étude - du simple fait qu'il a eu une forte influence sur les lettres, la politique, le post(-)colonialisme, etc. Soit.

La question éthico-morale se pose à chaque fois différemment, parce qu'il s'agit à chaque fois d choses - d'actes - différents.

Il revient au militant de construire des référencres et des contre-images. Il revient au maître de dénouer l'écheveau de la réaité en fonction de lignes d'études et avec des outils précis. Il revient au militant de critiquer le discours du maître (puisque toute construction en sciences humaines est redevable d'une décision, et qu'il n'est pas de décision sans conséquence éthique) et au maître d'entendre, dans sa radicalité inassimalable à son discours de maître, ce qui rend légitime le discours militant - à savoir, très souvent, sa position de minoritaire.

Maintenant, soyons pragmatiques. Je ne pense pas utile de nous battre pour savoir si Senghor était un gentil ou un méchant. C'était un bonhomme. Il est né, il a grandi, il a vécu, il est mort. Fruit de son temps et de sa singularité propre. Mais le fait est : il est mort. Et critiquer un mort, c'est un peu comme battre la mer pour en tirer du fromage.

Maintenant, on peut s'attaquer à la révérence des vivants pour le mort, dès que les vivants s'opposent autour de ce qu'ils considèrent comme ses réalisations. Tout ce qu'a fait un héros n'est pas louable, tout ce qu'a fait une ordure n'est pas minable. Sauf, précisément pour celui qui a besoin d'en faire une figure expressive forte, de se doter de héros ou de bourreaux qui servent à alimenter la cuve à fuel de la lutte.

Mais c'est aux vivants qu'on s'attaque, pas aux morts. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse rien dire :) Mais faut comprendre ce qui est fait quand on demande à renommer une passerelle parce que le nom qui lui est donné évoque un vilain homophobe.

D'un côté, on peut se dire que si c'était un vilain antisémite du XXè siècle, on aurait sans doute cédé à la pression. Je suis pas sûr, sûr qu'on ne trouve pas de vilains antisémites dans des noms de rues à Paris, mais bon.

De l'autre, on retiendra qu'l faut bien rendre visible la radicalité de la position qui laisse entendre qu'on renommerait une passerelle "antisémite", mais pas une passerelle "homophobe". Il y a là une position typique de notre époque, et il est bon que certains soient assez radicaux pour le faire entendre.

Voilà voilà.

Mais tout ça, c'est du discours de maître. Chu pas un militant, moi. L'erreur à faire serait de croire que tous les discours sont compatibles - donc unifiables. Ils ne le sont pas, pas même dialectiquement.

Ah et en plus j'avais besoin de me défouler :lol:
Luka
Messages : 738
Inscription : lun. avr. 14, 2008 9:10 pm

Message par Luka »

Et si on arrêtait les jugements à tout va et qu'on replacait un petit peu les choses dans un contexte historique et socio culturel ?

En 1966, l'homosexualité est encore considérée comme une maladie par l'association américaine de psychiatrie, donc faut pas déconner non plus. Qui a dit que Kennedy était vraiment un type dégueulasse parce qu'il n'avait pas fait changer ça ?

Il y a des tas de gens que l'on admire qui pour une raison sociale, culturelle, cultuelle ou historique étaient ouvertement ou non contre l'homosexualité. Et je refuse que ça en fasse systématiquement des salauds. L'immense majorité des écrivains d'avant le 20e siècle que l'on étudie sont homophobes. Quant au 20è siècle, c'est juste moins dit, et aussi moins vrai puisque les sociétés évoluent peu à peu, mais il n'empêche que c'est totalement injuste de nier à Léopold Sédar Senghor ses qualités, son talent juste parce qu'en 1966, il était un Homme de son temps pour certaines questions.

Je suis sûre qu'en fouillant en chacun d'entre nous, qui pourtant avons expérimenté le statut de minorité, on trouve des intolérances, des fermetures, justifiées ou non.

Les écrivains et philosophes des Lumières étaient homophobes. Aucun n'a crié à tous que l'homosexualité était normale, saine et devait être acceptée dans la société. Qu'on vienne me dire qu'il faut cesser de les étudier, et inscrire dans tous les livres de classe que non vraiment, z'étaient pas tolérants, ni humanistes, puisqu'ils étaient homophobes.
L'exemple se décline de tout temps, et au sein de toutes les sociétés.

Juger quelqu'un juste sur une question sans prendre en compte l'évolution historique et culturelle, c'est sans intérêt, c'est faussé.
Répondre