Ce texte est une réponse à un sujet sur le CO. Il vient après une
réponse de Pygargue.
Pour des raisons éthiques, je ne le place pas dans le topic présent sur ce forum. Il me semble que les éléments qu'il contient, aussi argummentés soient-ils, ont une valeur auto-contradictoire. On ne peut à la fois défendre que le CO est une valeur, ancrée dans des retours d'expérience qui en attestent les bienfaits, susceptible donc d'aider certains à franchir le pas, et le soumettre à un commencement de critique, comme on le peut de toute valeur.
Je ne souhaitais donc pas que le topic enregistre cette réponse suite au bel appel de Pygargue dans la sienne. Je regrette simplement que ce faisant, je ne soutienne pas mieux les efforts de Moi33 et Kefka dans leur tentative- plutôt difficile aujourd'hui - à se faire entendre. Un mp réparera sans doute cela.
C'est un texte largement théorique, mais ancré dans le vécue de la discussion en cours, et surtout dans les récits de CO lus sur EA.
Je n'ai trouvé qu'Art et Création pour le placer, étant entendu qu'il s'agit d'une création conceptuelle. J'ai bien conscience de tordre un peu le sens, mais je ne vois pas trop où j'aurais pu le mettre, étant entendu qu'il ne pouvait apparaître dans la rubrique Débats. Et que je voulais que cette voix se fasse entendre. Toute partie du labyrinthe a ses droits, pour peu qu'elle serve à ne pas faire oublier ce qui se dit et vit d'amour dans le monde.
J'ai essayé de faire un effort pédagogique, mais bon. Je suis ce que je suis

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Les termes du débat ne sont pas compris. Il ne s'agit pas de dire "ne faites pas votre CO". Cette problématique était celle des générations précédentes - et on sait les tensions auxquelles elle a donné lieu, entre visibilité assumée ou placard, visibilité partielle ou discrétion.
La question n'est pas celle du placard : elle n'est pas celle de "faire ou pas faire un CO". Ce n'est plus, le plus souvent, un problème qu'on se pose aujourd'hui. Aujourd'hui, il va de soi pour la plupart d'entre nous (*) qu'il est bon de ne pas vivre caché, que cela, le plus souvent, ne fait que nous pourrir la vie, et celles de nos plus-proches.
Il me semble que la question qui se pose est celle de la
dynamique du CO. Quand le faire ? A qui ? Pour quels motifs ? Est-ce
systématiquement bien ? Est-ce qu'on est
obligé ? Le discours qu'on entend sur EA est un discours nuancé sur ces questions
à partir du moment où elles sont abordées. Mais quand elles ne le sont pas, quand on parle du CO comme ça, spontanément, et donc qu'on est à ras de la valeur dans son état naissant, voici ce que moi je retiens :
1. Le CO, c'est bien ;
2. On a intérêt à le faire à tous les gens de qui on est proche, les autres, c'est à discrétion ;
3. Tu seras bien mieux quand tu l'auras fait ;
4. je n'ai que rarement regretté mes CO - quelques voix discordantes là-dessus, mais toujours pondérées par les CO qui se sont bien passés.
Le discours dominant, celui qui émerge de tout ça, qui n'est donc un discours porté par personne, mais une simplification par réduction à plus petit commun dénominateur - ainsi naissent les valeurs... - c'est celui d'un CO positif, qu'on n'interroge que très peu sur ses modalités et ses risques, sauf au cas par cas.
Je ne dis pas que ce n'est pas bien :
il est bon, pour nous, à cette étape de l'histoire de nos société, que le CO devienne, pour nous, une valeur. Cela nous donne une visibilité ancrée dans le concret quotidien de nos relations aux autres, pas juste une visibilité de manifestation politique, et cela incite ceux qui auraient du mal à le faire à passer ce cap - fût-ce au risque d'un changement de vie.
Ce que je dis, c'est que, comme toute valeur,
- elle n'indique pas les risques,
- elle vient avec des scénarios types qui, pour ceux que l'ont continue à raconter, sont de type héroïque.
- elle vient accompagnée, de façon encore diffuse, d'une tendance incitatrice qui peut passer, aux oreilles de certains, pour une obligation. (**)
Encore une fois, je ne prétends pas qu'il faille nous délester de l'aspect normatif naissant, et donc encore faible, du CO. Mais qu'il n'est pas mauvais d'avoir à l'oreille ces voix qui nous indiquent qu'il y a bel et bien là un phénomène normatif. Y répondre par le placard, c'est donc
- ou bien essayer de faire taire les voix discordantes,
- ou bien et en tout cas rater les enjeux de la question. Qui sont ici, je crois : nous voudrions des scénarios types plus diversifiés, et surtout plus subtils ; nous voudrions qu'on cesse de nous considérer comme les jouets d'une nouvelle valeur ; nous ne voulons pas nous sentir obligés à -
et il n'est pas nécessaire qu'on nous oblige par des mots pour se sentir obligé, il suffit qu'un groupe dans lequel on vit et à qui on s'identifie pour partie considère quelque chose comme bien.
Il est possible que dans certains cas, ces demandes proviennent d'une peur d'avoir à franchir le pas - possible mais non probable. Et il est très probable qu'il soit trop encore tôt pour que ces demandes soient entendues. La valeur "CO" naissante me semble trop fragile pour qu'on la risque au jeu plus subtil de sa critique. J'interprète ainsi en partie les levées de boucliers - mesurées

- dès qu'on essaie d'y réfléchir un peu, et les arguments du type "vous brlez pas l'bulbe, le CO cey l'bien" ou "laissez les gens faire leur CO, et gardez votre placard si cela vous chante". (***)
Vrai, on n'aime pas les Cassandre, ni ceux/celles qui vont à l'encontre de la position dominante. Et il est vrai que ce sont gens à remettre en cause des choses en lesquelles on croit et qu'on croit bonnes. Et il est vrai aussi que ce n'est pas toujours bon de faire cela - que cela peut nuire à certains.
-------- Notes dispendables (bon comme une partie du reste aussi, hein, j'sais pas faire court).
(0) gay, c'est une identité politique, et donc une certaine façon de s'affirmer en face des autres. homo, c'est juste que ton choix d'objet sexuel/sentimental est majoritairement du même sexe que le tien.
Mais gay tend à devenir synonyme d'homo masculin.
A noter que la définition de gay comme identité politique est plus simple que celle d'homo, la sexualité n'étant pas objet d'une essence figée, mais des bricolages continus du (neuro)biologique et du psychologique.
(*) Le fait que cela aille de soi serait en soi problématique, comme toute norme qui ne dit pas son nom, mais c'est un méta-problème, dont la pertinence peut passer au-dessus de la tête de beaucoup, dès lors qu'une norme en cours de constitution est libératrice pour le plus grand nombre. Cela n'empêche pas moins : c'est une norme, comportementale ou idéologique. En tant que telle je ne vois pas bien ce qui nous empêche d'essayer en d'interroger la pertinence, les limites, les risques, les bienfaits dans le temps et le lieu restreint de son apparition. Cela suppose notamment que l'on s'extraie, le temps de la réflexion, des mécanismes par lesquels elle nous fait agir et qu'on s'essaie à lui demander raisons de ce qu'elle est. Je ne dis pas que l'exercice n'est pas périlleux, et je ne prétends pas que tout le monde doive le faire. En revanche me chagrinerait que l'on demande à ce qu'il ne soit pas fait : c'est une tendance fort dangereuse de notre monde actuel que de renvoyer la réflexion, et notamment la réflexion sur les normes, à une chose inutile et incertaine - et de lui préférer la certitude portée par nos émotions - mouvement (argument Godwin
) qui conduit tôt ou tard à des pogroms.
(**) Bien sûr, vous pouvez opposer à cela
1. on se fout de la minorité qui n'adhère pas à cette valeur ;
2. qu'est-ce que tu viens nous faire ch... avec tes trucs prises de tête sur les valeurs ?
Sur 1, à votre guise.
Sur 2, ce type de réaction, en viendrait-il à se manifester, est constitutif précisément d'une norme naissante, qui apparaît non comme norme, mais comme un état naturel et bon des choses.
(***) Levées de bouclier que je partage en partie, allez pas croire. Mais pourquoi je me tais pas, alors ? Sans doute parce que je n'ai jamais aimé les réductions du réel que portent en elles les valeurs. Peut-être suis-je un peu irresponsable, du coup, je ne sais pas. Il est vrai que je puis intégrer dans la même main le jeu souvent contradictoire des labyrinthes dont se forge une culture - je suis fait comme ça, nul héroïsme, et ça m'a assez pourri la vie, mas l'avantage en est que je n'ai pas peur de me coltiner avec l'insensé du monde, cet insensé sur lequel les valeurs que nous nous forgeons s'essaient à bâtir un sens, le désavantage est que je ne sais le faire, en bonne mais pas exclusive partie, qu'avec la prédominance, sur ces questions, de ma tête sur mes affects.