Athéisme et obsession de la mort

Pour parler de tout et de rien, pas de thème imposé.
Kliban
Messages : 2089
Inscription : ven. janv. 16, 2009 9:19 pm

Message par Kliban »

Je ne répliquerai pas sur ce qu'est un philosophe :D il y a tant et tant de définitions.

Sur l'instant de la mort : on verra bien ce qui se passe à ce moment là, comment le corps réagit. Mais je peux sans difficulté m'endormir le soir en me disant que le lendemain peut-être il n'y aura plus rien. Ce n'est pas la mort en tant que telle qui m'effraie - ne m'a jamais effrayée, je n'ai pas de mérite - je n'ai en revanche pas envie de savoir quand.

La difficulté, ici c'est qu'on s'accroche à soi-même. "Soi-même", c'est une foutue idée. Avec des ramifications dans le passé et le futur et pas grand chose dans le présent. Lestump l'a dit : le présent, ça se trouve dans le corps, dans le corps, dans le corps - et donc aussi dans les émotions et les sentiments. Ici c'est un domaine où la tête ne peut quasiment rien sauf à l'avoir déjà accordée au corps et aux affects : l'avoir mise au service du corps.

On sait qu'on passe une bonne soirée, par exemple, parce qu'on est connecté à ce qui s'y passe : qu'on est incarné - pas juste qu'on a un corps, mais qu'on est ce corps, avec son épaisseur et le flux des affects qui le traversent. Ca veut dire aussi : que corps-émotion-tête sont bien accordés. Et donc que la tête prend pas trop de place.

S'il te faut y réfléchir après coup : c'est que tu n'es pas incarné (mal accordé) - j'ai vécu plus ou moins "désincarné" pendant près de 30 ans... je sais ce que ça fait, goût de poussière et de misère. Pas dans ton corps. Donc pas dans ta vie, ça va avec. Revenir dans ton corps, Brutal. J'ai eu du bol, de mon côté, je suis tombé sur des thérapies et des thérapeutes qui permettent ça. M'a fallu 8 ans, mais je suis assez résistant, intellectuellement parlant :D . Grosse tête qui dit "non, mais..." , "oui, mais...".

Aujourd'hui, je commence à sentir des petits endroits au dedans, des petits moments dans ma journée, où tout est parfait. C'en est parfois à pleurer, réellement. Après on peut s'arrêter là ou aller plus loin. Ca peut toujours s'approfondir, la relation au corps : pour des hyper-cérébrés comme nous, c'est un continent un peu en friche, où tout est à explorer. Et... l'arrière pays est absolument immense. Faut juste prendre le temps. Mais une fois qu'on en a le goût... c'est magique.

Comment on fait ? Je ne sais pas trop. Pour moi, il y a eu une reprise en main de mon corps - c'est affreusement dur, de décréer des habitudes et de réflexes... Et il y a des idées, qui aident. Comme ces convictions que la tête crée des mirages. Que la pierre de touche du "réel", c'est de que je ressens. Que ce que j'éprouve est une somme de trucs qui me traversent. Que "je", "moi", "me", ce n'est qu'une construction, une fonction d'appropriation des choses (c'est pas du blabla théorique, je peux sentir ça). Et que quand on parvient à se désapproprier, il n'est plus grand chose dont on puisse avoir peur. Tout ça, c'est de l'expérience, pas des délires de théoricien. Qu'on n'a pas besoin de s'accrocher à soi pour vivre, que ce n'est pas vraiment important. Et que plus ce "soi" est gros, plus on risque de pas aller bien - mais là, j'avoue des influences indiennes :D .

Bon voilà, c'est un peu rhapsodique, je ne suis pas non plus certain de te répondre - mais ce n'est pas facile, parce que c'est sans doute pari les choses les plus intimes.
Winston Smith
Messages : 262
Inscription : sam. août 16, 2008 9:28 pm

Message par Winston Smith »

Mon conseil à deux balles:
Voyage.
Retrouve-toi dans un pays que tu connais pas, si possible non francophone.
Visite des grandes villes ou au contraire de grandes etendues...
Quand il va falloir te demerder pour trouver où dormir, où et quoi manger, quand tu sentiras le vent dans tes cheveux au bord de l'ocean, que tu auras vu les fjords, marché à Calcutta ou plus pres d'ici quand tu aura pris le thé à Londres ou que tu te seras perdu dans un coin paumé de la Hollande, parcequ'il n'est pas forcement necessaire d'aller loin pour se sentir depaysé et/ou petit face aux elements, je suis quasi-sûr que dans ces moments là tu auras apprecié le present.

Sans deconner, reflechis-y.
Ca peut commencer par trouver un boulot dans un pays pas trop loin d'ici, puis mettre des tunes de coté (par exemple en vivant en coloc etc...) et te servir de l'endroit où tu te trouves comme plate forme pour partir à l'aventure.
Winston Smith
Messages : 262
Inscription : sam. août 16, 2008 9:28 pm

Message par Winston Smith »

Déjà rien que quand la date du depart que tu auras fixé va se rapprocher petit à petit et donc la date du grand saut dans l'inconnu, tu vas te sentir vivant...
Manchette
Messages : 2237
Inscription : ven. oct. 03, 2008 8:08 pm

Message par Manchette »

J'avoue que pour l'instant, je suis assez admiratif devant le stoïcisme de certains. Je me demande vraiment si vous arriverez à penser comme ça quand vous serez sur votre lit de mort, quand vous "sentirez" que finalement, dans quelques secondes, vous ne serez plus. Oserez-vous fermer les yeux en sachant que vous ne les rouvrirez plus? Vous ne pensez pas plutôt que vous donnerez toute votre énergie pour pouvoir les garder ouvert ne serait-ce qu'une seconde de plus?
Tout dépend dans quel état tu te trouves : souffrant, diminué mentalement et/ou physiquement ? Dans ce cas, je préfère hâter ma mort, et vive l'euthanasie !
Et si ça se trouve, tu mourras sans t'en apercevoir, comme ça, tout d'un coup.
Histoire de paraphraser quelqu'un, il vaut mieux vivre heureux en attendant la mort.
Kliban
Messages : 2089
Inscription : ven. janv. 16, 2009 9:19 pm

Message par Kliban »

Voyage si tu veux. Mais ne fuis pas !

Un stoïcien, justement, avait écrit à un de ses (jeunes) amis : "Voyager n'est pas guérir son âme". Voyage oui. C'est une bonne idée. Mais n'en profite pas pour planquer la poussière sous le tapis. Laisse-toi éprouver. Winston Smith a raison.

La solution n'est pas ailleurs. Mais "ailleurs" c'est bien pour ressentir ce qu'on ne parvient pas à ressentir chez soi.

Grand Sachem qui Baille a parlé.
La Noiraude
Messages : 6664
Inscription : lun. avr. 03, 2006 7:14 am

Message par La Noiraude »

Il y a déjà pas mal de longs posts qui peut-être t'aideront à réfléchir, avancer et à dépasser ce qui te ronge.

Ma pierre à l'édifice : lis L'Insoutenable légèreté de l'être, de Milan Kundera, qui à travers un roman réfléchit aux questions que tu poses, et aussi à d'autres ; tu verras, c'est un livre dont certains passages sont jouissifs tant ils sont drôles, par exemple quand Kundera raconte qu'enfant, il se posait une question très scato en partant de l'énoncé "dieu a fait l'homme à son image"...

Et autre chose : certains t'ont conseillé de voyager. Moi je t'invite plus précisément à aller faire un trek dans un désert de sable, ce que j'ai fait à à peu près ton âge, voyage dont je suis rentrée changée car profondément apaisée.
Korrigan
Messages : 1049
Inscription : jeu. juil. 12, 2007 8:05 pm

Message par Korrigan »

Je n'ai malheureusement pas pu tout lire... mais si ça peut te rassurer, ce que tu traverses, nous le traversons toutes et tous à différents moments (souvent charnières) de nos vies.
Je le sais d'autant plus que je suis repassé par là il y a peu de temps, je sais ce qu'est l'angoisse brutale et totale du néant.
Quoi que l'on pense, personne ne sait ni ne saura avec certitude ce qu'est la mort, mais ce qui compte pour le moment, c'est ce que tu fais du temps que tu as et de ta vie. La vie donne un sens à la mort, bien souvent ce genre de désespoir dénote plutôt une furieuse envie de vivre pleinement, peut-être un peu cachée, mais bien réelle.
Quant aux conseils pratiques, personnellement je conseille toujours de s'intéresser à la méditation. Même sans atomes crochus avec le bouddhisme, c'est une précieuse pour apprendre à comprendre et connaître son esprit et gérer ses émotions :).
N'hésite pas à mp si tu veux parler de tes angoisses.
anonymeB

Message par anonymeB »

Quelques temps après mon thread de départ, j'avoue que je commence à comprendre ce que vous appelez "vivre le temps présent". Mais je trouve qu'il faut un courage assez phénoménal pour vivre de cette façon. M'enfin, j'imagine qu'on a pas le choix.

Il m'arrive quand même fréquemment d'avoir de rapides crises d'angoisse, des moments où je recommence à paniquer et à stresser. Des moments de déprime passagère, de résignation, voire de désespoir, mais j'ai compris que tout cela fait partie de la vie, et ça tendance à diminuer, maintenant. Je passe quand même plusieurs heures par jour à observer mes semblables ou les autres animaux, à me poser pas mal de questions sur leur ressentiment à eux. Un sujet est devenu presque tabou pour moi, enfin, je ne veux ni en parler, ni y faire allusion pour l'instant: la vieillesse.

Pas mal de chamboulement au sujet de mes réflexions, puisqu'un critère s'est rajouté. J'ai maintenant une bonne raison de ne plus vouloir d'enfants, par exemple (disons: de la non-envie de participer à un cycle aussi absurde que celui de la vie), mais je me suis plus ouvert à l'idée du couple, éventuellement. J'ai changé mon échelle de valeur quant à certaines choses.

Etc, etc. En fait, ce mois a été assez rude, mais je crois avoir pas mal évolué. C'est au moins ça. Mais il ne me tarde vraiment pas d'être vieux et de ne plus être. Vraiment, vraiment pas. Même si j'ai conscience que c'est stupide, puisque, que ce jour vienne demain ou dans 70 ans, ça ne changera rien à la finalité. Une espèce de lâcheté, en somme, mais ça m'a aussi poussé à faire plus attention à ce que je mange, à ce que je bois, etc...
Blinded
Messages : 8127
Inscription : mar. juin 19, 2007 2:02 pm

Message par Blinded »

Mouais, vivre le temps présent comme tu dis si bien est je pense un mécanisme psychologique de défense tout ce qu'il y a de plus normal pour la plupart des gens je crois bien.
zphyr
Messages : 6444
Inscription : mer. janv. 30, 2008 6:10 pm

Message par zphyr »

Blinded a écrit :Mouais, vivre le temps présent comme tu dis si bien est je pense un mécanisme psychologique de défense tout ce qu'il y a de plus normal pour la plupart des gens je crois bien.
Pis c'est comme ça que c'est agréable, voire jouissif ! :P :lol:
Répondre