Les dessous des voiles dévoilés
Re: Les dessous des voiles dévoilés
J'ai déjà donné mon point de vu mais puisque tout le monde le répète je ais de même :
La laïcité ça ne veut pas dire que l'on doit exprimer ses croyances uniquement dans la sphère privé et les cacher dans la sphère publique.
Ça veut juste dire qu'aucune religion ne doit se mêler aux affaire de l'état et vice versa.
L'argument "laic" est juste non avenue pour justifier les interdictions de port de voile.
Et je me permet de contre dire le second argument de manchette : tout ce qui est réservé aux femmes culturellement n'est pas forcement misogyne. (c'est le discours qui accompagne cela qui peut l'être est l'ai bien souvent) : sinon brûle les jupes obligatoires des hôtesses de l'air, le maquillage, les talons, interdit aux femmes qui se marient dans une mairie (espace public) d'être dans une grande robe blanche avec des voilettes sur la tête.
On voit la paille dans la culture des voisins, mais la poutre dans ce qui est culturellement accepté et conseillé chez nous ...
Je prend un exemple simple : j'ai acheté une fois un collier de type sm, vous savez ces tour du coup en cuire avec un anneau au milieu. Je me suis ait vilipendée par une connaissance puisque ca devait être offert par un/e maitre, et que c'était une marque de soumission.
J'ai expliqué mon point de vue (c'était à un moment où justement je tentais de guérir d'une relation m'ayant trop "soumise" dans un sens non sexuel) : qu'en me l'offrant à moi même, c'était pour moi le signe que je n'acceptais plus que moi comme maitre.
Un même signe, deux discours. Ce n'était pas le collier en lui même qui me mettait dans X ou Y situation, mais mon acceptation ou non du discours, mon point de vue sur l'objet.
On ne peut pas présumer de l'opinion de toutes les femmes portant le voile sur cette pratique, ce serait odieusement prétentieux, à ça renierait toute possibilité d'individualité de cette tranche e la population qui ne serait donc plus perçut que comme groupe.
La laïcité ça ne veut pas dire que l'on doit exprimer ses croyances uniquement dans la sphère privé et les cacher dans la sphère publique.
Ça veut juste dire qu'aucune religion ne doit se mêler aux affaire de l'état et vice versa.
L'argument "laic" est juste non avenue pour justifier les interdictions de port de voile.
Et je me permet de contre dire le second argument de manchette : tout ce qui est réservé aux femmes culturellement n'est pas forcement misogyne. (c'est le discours qui accompagne cela qui peut l'être est l'ai bien souvent) : sinon brûle les jupes obligatoires des hôtesses de l'air, le maquillage, les talons, interdit aux femmes qui se marient dans une mairie (espace public) d'être dans une grande robe blanche avec des voilettes sur la tête.
On voit la paille dans la culture des voisins, mais la poutre dans ce qui est culturellement accepté et conseillé chez nous ...
Je prend un exemple simple : j'ai acheté une fois un collier de type sm, vous savez ces tour du coup en cuire avec un anneau au milieu. Je me suis ait vilipendée par une connaissance puisque ca devait être offert par un/e maitre, et que c'était une marque de soumission.
J'ai expliqué mon point de vue (c'était à un moment où justement je tentais de guérir d'une relation m'ayant trop "soumise" dans un sens non sexuel) : qu'en me l'offrant à moi même, c'était pour moi le signe que je n'acceptais plus que moi comme maitre.
Un même signe, deux discours. Ce n'était pas le collier en lui même qui me mettait dans X ou Y situation, mais mon acceptation ou non du discours, mon point de vue sur l'objet.
On ne peut pas présumer de l'opinion de toutes les femmes portant le voile sur cette pratique, ce serait odieusement prétentieux, à ça renierait toute possibilité d'individualité de cette tranche e la population qui ne serait donc plus perçut que comme groupe.
Re: Les dessous des voiles dévoilés
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Que la loi ait été votée ou pas, c'est un monstrueux piège à la fois pour la république et pour la démocratie ; comprendre : nous sommes perdants à tous les coups. Voter la loi tend à renforcer l'appartenance nationale au travers de valeurs ré-affirmées (et c'est bien l'essentiel du message qui est véhiculé, si l'on sait regarder au-delà des brumes du discours politique et politicien : « pas de ça chez nous, ça ne fait pas partie de notre culture ») et donc vient contre-dire tout un discours démocratique et libéral se fondant sur la notion des Droits de l'Homme ; ne pas voter celle loi initie le mouvement inverse : cela tend à renforcer le principe démocratique mais, en conséquence, cela affaiblit le sentiment national.
Un petit détour pour comprendre les implications de l'ensemble. Je reprends en partie ce que j'ai écrit plus haut.
C'est avec l'apparition progressive de l'État moderne que se cristallise sur l'objet politique qu'est ce dernier le sentiment national. Mais ce n'est réellement qu'à la Révolution que se réalise le plein transfert émotionnel et et juridique à un être collectif et abstrait des attributs de la souveraineté jusqu'alors concentrées en la personne du roi. D'où une double signification de la notion de nation : la nation historique et territoriale, ethnique même, et celle de sa survie politique. Dès lors, on a deux modèles : celui français et un autre allemand.
Le premier, français, issu de la définition que donne l'abbé Sieyès dans Qu'est-ce que le Tiers Etat ? : "un corps d'associés vivant sous une loi commune et représentée par la même législature". Autrement dit : une communauté politique de citoyens, formée grâce à l'adhésion libre et individuelle aux principes d'un contrat social. Lors de la mise en pratique de cette définition qui nous vient tout droit des Lumières pendant la Révolution, citoyenneté et nationalité se confondaient. C'est sur cette conception volontariste que se fonde Ernest Renan dans son très fameux discours Qu'est-ce qu'une nation ? de 1882 : la nation est "un plébiscite de tous les jours". Dès lors, il n'existe des nations que parce qu'il existe des corps politiques différents : pas de nation "naturelle" possible, elle est uniquement artificielle.
A cette conception, on a toujours traditionnellement opposé celle allemande, empreinte de romantisme. Johann Herder définissait avant tout la nation comme le Volksgeist, l'esprit du peuple. Ce n'est pas un principe, mais une âme collective, unissant naturellement, autour, par exemple, d'une langue commune, un peuple en une entité sociale et politique. L'appartenance à un corps politique ne procède pas alors d'un choix ou d'une construction. Au contraire, elle est l'incarnation d'une nécessité identitaire. C'est dans un passé revendiqué comme unique et particulier que s'enracine alors le sentiment nationaliste, et non plus dans un futur à construire. Dans cette vision, la nation est un corps organique qui englobe chaque individu, mais qui se réalise en dehors de lui et surtout, avant lui.
Le fait est que la nation française est pioche allégrement dans ces deux conceptions : on peut penser à la fois aux hussards noirs de la République qui répandaient la bonne parole concernant nos ancêtres les Gaulois, Charles Martel repoussant les Arabes à Poitiers (732 : quel atavisme !) ou cette vaillante Jeanne d'Arc boutant l'envahisseur anglais. Mais aussi le fait que la France identifie spontanément nationaux à citoyens, ce qui ne va pas de soi. Un national se voit donc alors accorder le droit de vote et participe de facto à l'organisation de la vie politique comme art du vivre ensemble, en respectant droits et devoirs inhérents à cette nationalité.
La nation est alors le moule englobant du vivre ensemble : nous nous référons à des codes communs, inconsciemment intégrés, et à des valeurs admises par tout un chacun : l'exemple le plus flagrant me semble être la laïcité, problème bien prégnant dans le cas qui nous occupe. Au final, il faut que se recoupent une compréhension mutuelle des liens qui unissent les individus ainsi qu'un consentement créant et délimitant une autorité souveraine. Dans le cas du voile, il est à la fois porteur de valeurs qui ne sont pas reconnues par la France telle qu'elle se définit actuellement et est parfois (souvent ?) accompagné d'une remise en cause politique de la légitimité politique démocratique et républicaine. Sans faire de jugement de valeur et sans engager mes propres idées, je peux aisément comprendre que certains individus, et pas forcément les plus intégristes et les plus "racistes", se sentent menacés par cette manifestation culturelle autour de laquelle se cristallisent beaucoup de choses. Dans leur manière de voir les choses, ce n'est pas seulement le voile qui est visé. Inconsciemment, c'est tout un corps perçu comme étranger parce que refusant de jouer le rôle de l'intégration qui est remis en cause : lutter contre un symbole d'asservissement est alors un moyen détourné de rappeler les valeurs d'assimilation qui leur ont été inculquées pendant toute leur éducation. Et par extension, c'est une remise en cause de la tradition démocratique républicaine à la française qui est sur le tapis (répétition de mon précédent post).
Mais si ce n'était que ça, le problème serait simple à saisir. A tout ce que je viens de développer et qui regroupe la délimitation du « citoyen », on trouve un second mouvement profondément ancré dans la pratique démocratique : le respect des Droits de l'Homme. Pour cela, il y pléthore de textes qui fondent et défendent cette vision. C'est là que s'ancre le droit à tout un chacun de pratiquer la religion de son choix, sans se voir restreint dans son exercice. Interdire le voile est alors perçu comme une profonde et durable atteinte à ce principe, violant ainsi le droit de l'individu. Mais qu'est-ce que ce dernier ?
Philosophiquement, et de manière très rapide, un individu est un atome libre de toute influence extérieure. Sa nature quasi-sacrée lui donne accès à de nombreux droits inaliénables et imprescriptibles (c'est tout le propos du libéralisme). Or, et c'est bien là le problème ... Si on considère un individu comme naturellement libre, comme la base de tout, jouissant de droits nombreux, comment alors penser l'organisation sociale ? Une fois admis qu'il n'y a que des individus, comment obtenir d'eux la possibilité d'organisation d'un vivre ensemble viable ? Vivre ensemble, malheureux que nous sommes, c'est forcément porter atteinte aux droits de l'Autre et exiger de cet Autre qu'il s'aliène lui-même aux devoir que l'on exige de lui (problème symbolique de cette difficulté : le vote est-il un droit ou un devoir ?).
Je l'ai dressé ultra schématiquement mais voilà bien le véritable nœud du problème, que personne n'a jusque là relevé : dans quel type de société voulons-nous vivre ? La France est une République démocratique et non une Démocratie républicaine (l'ordre des mots n'est absolument pas anodin). Veut-on accentuer la notion de République, qui implique un vivre-ensemble au nom de valeurs communes et qui passe donc par le rejet de certaines valeurs considérées comme contraires à la pensée dominante ? Ou voulons-nous vivre dans un démocratie qui fait de la place pour chacun ? Les deux sont excessivement risqués : trop de « vivre-ensemble » et le risque d'une société globalement holiste, sans ouverture vers l'extérieur, se profile ; trop de Droits de l'Homme et, finalement, nous assisterons à une perte du sentiment national, à un repli de soi-même sur soi-même et la dissolution du politique dans un tyrannie paternaliste (relisez Tocqueville, c'est très instructif).
A cela, je rajoute une inquiétude purement personnelle : à trop privilégier les Droits de l'Homme, à trop encenser la démocratie libérale et à huer le « nationalisme », on risque de faire plus de mal que de bien à l'idée démocratique en elle-même. Cette dernière, en effet, ne s'incarne pas d'elle-même dans le politique : elle a besoin d'un support pour s'exprimer et s'organiser. Affaiblir la République, c'est affaiblir ce support. Et par transmission, c'est affaiblir la démocratie par la suite.
Re: Les dessous des voiles dévoilés
« Début de XXIe siècle » me semble vraiment trop réducteur. Il n'y a ici strictement rien de nouveau comme problème politique.Kefka a écrit :Vraiment, ce débat me semble symptomatique des maux de la société occidentale, et plus particulièrement européenne en ce début du XXIème siècle. Après, peut-être que je plaque artificiellement des schémas de pensée sur un problème spécifique mais, à mon avis, on a là un sublime exemple des mouvements internes et profondément antagonistes qui animent une démocratie.
Cet été, j'ai lu les Origines du totalitarisme, d'Arendt, et j'ai été absolument sidéré de voir l'actualité et la pertinence de son propos, notamment sur les origines de l'impérialisme occidental (tome 2) : l'opposition qu'elle pointe entre l'État et la Nation (en tant que population homogène) reste brûlante d'actualité. Du coup, j'aurais tendance à considérer que ce n'est pas tant un problème lié à la démocratie, mais bien plutôt à l'organisation en État-nation. Poser la souveraineté nationale en principe politique entraîne presque nécessairement une organisation démocratique, mais il faudrait tout de même en trouver un autre principe partageant cet avantage, et qui puisse le remplacer. Après deux guerres mondiales, il serait temps de penser autrement pour faire face aux enjeux de ce début de siècle : le voile et ce qu'il symbolise, l'Europe, le conflit israelo-palestinien, la montée des nationalismes...
À ceux qui ne l'ont pas encore fait, je recommande chaudement cette lecture (les Origines du totalitarisme) et surtout du tome 2 sur l'impérialisme (même si les deux autres tomes sont aussi magistraux).
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ExMembre
Re: Les dessous des voiles dévoilés
Je viens de lire le post de Kefka. Je voulais juste te remercier pour ton effort de réflexion et d’écriture : tu as réussi à mettre des mots qui me paraissent justes sur ce que je ne sentais que confusément, n’ayant pas lu Tocqueville et n’ayant aucune formation en sciences politiques.
Tu as écrit que, que la loi soit votée ou pas, nous sommes perdants à tous les coups. C’est-à-dire que c’est un monstrueux piège à la fois pour la république et la démocratie. Je crois que c’est juste. Je ne vais pas relancer ce que tu as dit avec des éléments similaires : je ne dispose pas des outils nécessaires. Juste cette constatation : en Belgique, la loi interdisant le port du voile intégral a été votée. Les arrêtés d’application ne le sont pas, vu l’absence de gouvernement fédéral, mais ce n’est qu’un détail. Ce sujet ne fait plus débat chez moi, alors que le vote était précédé du même genre de débat qui secoue la France et ce topic.
Et maintenant. Et bien le même débat ressurgit sous d’autres formes : ce sont les congés scolaires, les habitudes culinaires dans les cantines ... L’exemple des congés scolaires est intéressant : les tenants de l’institution de congés « musulmans » invoquant l’origine et la culture chrétienne de certains des congés scolaires : Noël, Pâcques, la Toussaint etc pour les remettre en cause. La dénomination des congés a été changée en « vacances d’automne », « vacances d’hiver » … Mais ça ne suffit pas. Certains demandent des jours de congés spécifiques et parfois flottants par exemple pour l’Aït El Kébir. De même, la contestation de certains menus à la cantine scolaire, la demande d’instaurer des lavobos spécifiques pour les musulmans dans les toilettes des écoles et j’ai même lu des demandes pour retirer le sapin de Noël dans certaines classes.
Le débat a l’air sans fin, que le vote sur le port du voile se fasse ou pas, le malaise ne sera pas dissipé pour autant. Le débat est bien plus large que ça. C’est bien de « dans quel type de société voulons-nous vivre » qu’il s’agit. Et de quel type de vivre-ensemble voulons-nous.
Je partage ton inquiétude personnelle, à la fin de ton post. A croire que la démocratie porte en elle-même les germes de son propre affaiblissement.
Tu as écrit que, que la loi soit votée ou pas, nous sommes perdants à tous les coups. C’est-à-dire que c’est un monstrueux piège à la fois pour la république et la démocratie. Je crois que c’est juste. Je ne vais pas relancer ce que tu as dit avec des éléments similaires : je ne dispose pas des outils nécessaires. Juste cette constatation : en Belgique, la loi interdisant le port du voile intégral a été votée. Les arrêtés d’application ne le sont pas, vu l’absence de gouvernement fédéral, mais ce n’est qu’un détail. Ce sujet ne fait plus débat chez moi, alors que le vote était précédé du même genre de débat qui secoue la France et ce topic.
Et maintenant. Et bien le même débat ressurgit sous d’autres formes : ce sont les congés scolaires, les habitudes culinaires dans les cantines ... L’exemple des congés scolaires est intéressant : les tenants de l’institution de congés « musulmans » invoquant l’origine et la culture chrétienne de certains des congés scolaires : Noël, Pâcques, la Toussaint etc pour les remettre en cause. La dénomination des congés a été changée en « vacances d’automne », « vacances d’hiver » … Mais ça ne suffit pas. Certains demandent des jours de congés spécifiques et parfois flottants par exemple pour l’Aït El Kébir. De même, la contestation de certains menus à la cantine scolaire, la demande d’instaurer des lavobos spécifiques pour les musulmans dans les toilettes des écoles et j’ai même lu des demandes pour retirer le sapin de Noël dans certaines classes.
Le débat a l’air sans fin, que le vote sur le port du voile se fasse ou pas, le malaise ne sera pas dissipé pour autant. Le débat est bien plus large que ça. C’est bien de « dans quel type de société voulons-nous vivre » qu’il s’agit. Et de quel type de vivre-ensemble voulons-nous.
Je partage ton inquiétude personnelle, à la fin de ton post. A croire que la démocratie porte en elle-même les germes de son propre affaiblissement.
Re: Les dessous des voiles dévoilés
Ça, c'est parce que nous avons choisi une démocratie basée sur la souveraineté nationale. Et en même temps sur les droits de l'homme. Problème : comment la Nation peut-elle être à la fois souveraine et soumise aux droits de l'homme ?Ray Steam a écrit :Je partage ton inquiétude personnelle, à la fin de ton post. A croire que la démocratie porte en elle-même les germes de son propre affaiblissement.
Comme je le disais, l'avantage de la souveraineté nationale est qu'elle implique presque forcément la démocratie. Il faudrait donc trouver autre chose pour remplacer la Nation, mais un « autre chose » compatible, ou mieux nécessitant la démocratie. Une piste pourrait par exemple être le concept anglo-saxon de rule of law...
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ExMembre
Re: Les dessous des voiles dévoilés
Je ne sais pas.aldo a écrit : Une piste pourrait par exemple être le concept anglo-saxon de rule of law...
Mais le modèle anglo-saxon a permis en Angleterre l'instauration de tribunaux islamiques accrédités à exercer la Charia, loi ou règles islamiques, même sans pouvoir émettre de décisions d’ordre pénal. Bon, c'est sur base volontaire uniquement, mais on sait comment ça va. Pour l’instant, les flagellations, les amputations et les lapidations ne sont pas autorisées en Grande Bretagne, cependant, c’est la fin de l’égalité hommes-femmes, la Charia permettant la répudiation et le traitement inéquitable en matière d’héritage, les filles reçevant la moitié de la part dont héritent les fils, par exemple. Il semblerait que certaines décisions de ces tribunaux ne soient pas conformes à la Charte des Droits de l'Homme ... Tu me corriges si je me trompe ...
Ca me semble autrement plus inquiétant que l'éventuelle interdiction du voile intégral dans les lieux publics.
Re: Les dessous des voiles dévoilés
Exactement. Il faudrait également aborder la dimension universaliste de l'assimilation, qui s'est notamment posée lors de l'accès à la nationalité des Juifs pendant la Révolution française.Inconsciemment, c'est tout un corps perçu comme étranger parce que refusant de jouer le rôle de l'intégration qui est remis en cause : lutter contre un symbole d'asservissement est alors un moyen détourné de rappeler les valeurs d'assimilation qui leur ont été inculquées pendant toute leur éducation. Et par extension, c'est une remise en cause de la tradition démocratique républicaine à la française qui est sur le tapis (répétition de mon précédent post).
J'ai par exemple été outré, pour les mêmes raisons que je suis contre le voile, de voir Sarko se signer au Vatican.
Dawkins aborde la question dans Pour en finir avec Dieu. Il défend la vision française de la liberté de conscience, c'est à dire celle de croire ou non.C'est là que s'ancre le droit à tout un chacun de pratiquer la religion de son choix, sans se voir restreint dans son exercice.
La liberté de pratiquer sa religion est de toute façon encadrée par le droit positif, qui met des bornes à toute pratique religieuse. La mise à mort de ceux qui pratiquent l'adultère ou des homosexuels, l'esclavage des étrangers, pour prendre des choses autorisées par l'Ancien testament, peuvent être pratiquées au nom de la liberté religieuse, puisque c'est une pratique religieuse.
Elles sont incompatibles avec la liberté de conscience, puisque contraires au droit positif, qui a le dernier mot en toutes choses.
Sans trop déborder, on peut en revenir au débat qui divisa les socialistes polonais entre le SDKPiL et le PSP (essentiellement la Pologne russe).Poser la souveraineté nationale en principe politique entraîne presque nécessairement une organisation démocratique, mais il faudrait tout de même en trouver un autre principe partageant cet avantage, et qui puisse le remplacer.
A l'époque, la Pologne n'existait pas, partagée entre l'Autriche, la Russie et l'Allemagne.
Les membres du SDKPiL (Rosa Luxemburg a écrit un texte passionnant sur la question nationale : La question nationale et l’autonomie) estimaient qu'il fallait lutter pour la démocratie avant toute chose. Internationalistes intransigeants, ils estimaient qu'il valait mieux militer contre l'absolutisme tsariste que contre l'indépendance de la Pologne. La démocratie pourra alors assurer une certaine autonomie culturelle. On peut discuter de l'argument de l'intégration économique à la Russie, qui rend l'indépendance impossible. Par contre, mettre en place le primat de la démocratisation est assez lucide quand on connait l'histoire polonaise, autant que Russe.
Le PSP (dont était membre Pilsudski) était sur une ligne plus nationaliste, défendant le droit de la nation à disposer d'elle-même, dans un cadre démocratique.
Il est intéressant de voir l'évolution des deux figures majeures de chaque parti.
Rosa Luxemburg sera emprisonnée pour son opposition à la guerre de 14-18, et condamnera sans appel les idées léninistes et la pratique bolchevique.
Pilsudski deviendra assez rapidement le dictateur de la Pologne indépendante et nationaliste.
On peut extrapoler ensuite ces analyses sur le devenir de l'Europe issue de l'éclatement des Empires, suite au Traité de Versailles. Seule la Tchécoslovaquie était restée une véritable démocratie. Même chose pour les Etats décolonisés, entre la Seconde guerre mondiale (Liban) et les années 70 (colonies portugaises et espagnoles). Combien de leaders nationalistes, tel Nehru, ont fait de leur pays une démocratie ? Combien on fait comme Nkurmah ou Sihanouk de leur pays une dictature plus ou moins féroce ?
On pourrait également arguer du nationalisme exacerbé par les dictateurs de Nasser à Pol Pot en passant par Videla ? La question est d'autant plus intéressante que les deux derniers chutant suite à une intervention étrangère déclenchée à cause, précisément, de leur politique nationaliste.
Tout cela pour dire que nationalisme et démocratie sont deux choses différentes, et que l'instrumentalisation de la nation n'es aucunement garante de démocratie. On pourrait parler également des travaux de Zeev Sternhell sur Maurras (La droite révolutionnaire), ou encore le mouvement Völkisch.
Re: Les dessous des voiles dévoilés
Mais aussi le fait qu'il ne soit pas démocratique par essence, et se soit souvent bien accordé du suffrage censitaire, notamment avec Guizot.(Bien que la faiblesse du libéralisme classique est aussi issue de son caractère abstrait).
La loi de 1905 (un an de débat tout de même !) était effectivement une loi qui s'inscrivait dans un contexte particulier, visant à vider l'abcès entre l'Eglise et la République, après Combes et l'affaire Dreyfus (La croix fut fondé pour être le relais de l'antidreyfusisme de l'Eglise).(Et je continue à penser que les enjeux de la laïcité française aujourd'hui ont plus de différences que de similarités avec ceux qui ont donné naissance à cette notion au début du XXème siècle...)
Re: Les dessous des voiles dévoilés
Cela n'est pas écrit, ni même dit. Il a juste été suggéré que la démocratie ne peut pas s'incarner politiquement en dehors d'un cadre organisationnel défini : elle n'est pas un gouvernement. Pour pouvoir s'exprimer, elle a besoin d'un cadre particulier, et ce cadre est, en France, la nation depuis la Révolution française. Mais cela ne veut pas dire que la nation est nécessaire à la démocratie : il y a là une affirmation qui n'est pas comprise dans ce qui a été précédemment écrit.Etapiscium a écrit :Si, comme vous dites, la nation semble être nécessaire à la démocratie, la réciproque n'est pas vraie.
Et sinon, mon inquiétude ne vient pas d'un prétendue volonté d'asseoir l'hégémonie des droits de l'homme. Elle vient plutôt de la résurgence de cette notion, et de la place de plus en plus importante qu'elle prend en politique. Je ne le regrette pas (loin de là !), mais c'est un outil qui peut avoir des impacts négatifs. J'ai juste l'impression que son nouvel emploi paralyse une réflexion réelle et pertinente sur les limites de la notion, et comment elle peut être employée.
Re: Les dessous des voiles dévoilés
Je ne sais pas trop.Ray Steam a écrit :Le modèle anglo-saxon a permis en Angleterre l'instauration de tribunaux islamiques accrédités à exercer la Charia, loi ou règles islamiques, même sans pouvoir émettre de décisions d’ordre pénal. Bon, c'est sur base volontaire uniquement, mais on sait comment ça va. Pour l’instant, les flagellations, les amputations et les lapidations ne sont pas autorisées en Grande Bretagne, cependant, c’est la fin de l’égalité hommes-femmes, la Charia permettant la répudiation et le traitement inéquitable en matière d’héritage, les filles reçevant la moitié de la part dont héritent les fils, par exemple. Il semblerait que certaines décisions de ces tribunaux ne soient pas conformes à la Charte des Droits de l'Homme ... Tu me corriges si je me trompe ...
Ca me semble autrement plus inquiétant que l'éventuelle interdiction du voile intégral dans les lieux publics.
Le monde anglo-saxon, que ce soit au Royaume-Uni ou aux États-Unis, a une assez forte tradition d'arbitrage, notamment religieux. Musulman, mais aussi chrétien ou juif. Si deux individus décident, pour régler un conflit, de se soumettre librement à l'arbitrage d'un tiers, cela ne regarde qu'eux. En particulier, si une femme accepte librement de ne pouvoir hériter que de la moitié de ce que ces frères reçoivent, on peut dire que c'est son droit. Mais ce tiers, cet arbitre, n'est pas véritablement un « juge », et on ne peut pas alors véritablement parler de « tribunal » ou de « justice » parallèles : il ne s'agit que d'un moyen non judiciaire de résolution des conflits civils. En particulier, sauf changement radical de système politique, il ne pourra jamais y avoir de décisions pénales basées en droit sur la Charia.
Le problème survient lorsqu'une des parties est mécontente de la décision de l'arbitre. Si elle était pleinement libre lorsqu'elle a accepté le principe de l'arbitrage, et que le contrat qui lui donne sa valeur légale est lui-même conforme à la loi du pays, elle ne peut se plaindre. Mais peut-être était-elle forcée par sa famille, son entourage... Quelle sont alors ses possibilités de recours ? En particulier, quelle valeur la décision de l'arbitre doit-elle alors avoir auprès des véritables tribunaux ?
La réponse est alors assez facile. S'il n'y avait pas véritablement de consentement, le contrat est nul et la décision de l'arbitre n'a pas de valeur. Mais cela signifie qu'il faut que les tribunaux soient capable de juger du consentement, et dans le doute, considérer qu'il était absent.
Oui, j'ai sans doute été un peu trop enthousiaste en parlant d'une « implication presque nécessaire » entre souveraineté nationale et démocratie. Mais de tous les principes politiques, oui, c'est celui qui semble mener le plus facilement à la démocratie.Manchette a écrit :Combien de leaders nationalistes, tel Nehru, ont fait de leur pays une démocratie ? Combien on fait comme Nkurmah ou Sihanouk de leur pays une dictature plus ou moins féroce ?
On pourrait également arguer du nationalisme exacerbé par les dictateurs de Nasser à Pol Pot en passant par Videla ? La question est d'autant plus intéressante que les deux derniers chutant suite à une intervention étrangère déclenchée à cause, précisément, de leur politique nationaliste.