Je vais répondre à quatre choses, le sujet du post étant traité en dernier (les petits numéros, c'est pour pouvoir sauter les paragraphes

) :
1. Norme : moniiique a tout bon, je parlais bien sûr de la norme de fait, socialement déterminée, qui défini ce qui est le plus souvent intériorisé comme allant de soi, et ce qui fait partie ds marges. Pas d'une norme "naturelle (ce qui ne veut pas dire grand chose, d'ailleurs).
2. Nature : il y a une nature. Résolument. Tout comme il y a des espèces, une biosphère et des mécanismes de régulation, adaptation, évolution de cette biosphère.
Maintenant, pour tempérer ça :
- la nature qu'il y a
contient la socialité de l'homme, sa propension à produire du social (dixit Godelier), à secréter de la morale et des justification, et la fluctuation possible des identifications et des identités des individus au sein des groupes où ils vivent et meurent.
J'en déduis que de la nature, on ne peut pas tirer grand chose en terme d'argument moral, quand bien même on peut sans doute s'interroger sur _pourquoi_ il y a de la morale.
- l'argument évolutif est un argument sain (nonobstant le commentaire que je trouve trop rapide de Nomade - sorry Nomade), mais je l'articulerais un peu différemment que ce qu'en fait WillTMG. Reprenons :
L'homosexualité existe et de façon constante et dans des proportions non égligeables.
L'homosexualité est un trait comportemental qui a souvent des répercussions (négatives) sur la transmission des gènes de l'individu.
Si elle ne présentait pas par ailleurs des traits positifs, ce comportement aurait été éliminé.
Bon. Cela suppose plusieurs choses :
a. que l'homosexualité ait une composante génétique, ce qu'on commence - timidement chez les latins - à reconnaître. Je dis bien : une composante génétique, pas un gène. (en fait il semble qu'il y a un complexe de circonstances, génétiques, congénitales et environnementales, qui influent sur l'apparition de désirs puis de comportements homosexuels : c'est tout sauf simple, comme étiologie).
b. que l'homosexualité
en tant que telle présente des avantages reproductif pour les porteurs des gènes en question (eux, ou leur fratrie par exemple). Il y a une hypothèse en ce sens, lié aux récentes avancées sur la question de la coopération (non plus de la compétition) : les homo s'occuperaient mieux des enfants de la fratrie, donc de porteurs de gènes similaires aux leurs. Cette hypothèse me semble faible et reflétant assez peu les comportements réels.
ou bien
b'. que l'homosexualité soit un spandrel : un trait de comportement hérité d'un autre trait de comportement qui, lui est bénéfique, l'homosexualité représentant un conséquence non préjudiciable à l'espèce de ce comportement/trat favorisé. Des hypothèses (pas idiotes, mais des hypothèses seulement) feraient de l'homosexualité un trait extrême de la bisexualité, laquelle représenterait, pour des raisons vraiment trop complexe à déplier ici, un avantage reproductif dans certains cas. Pour tout cela, je renvoie au bouquin de Balthazart sur la
biologie de l'homosexualité. Cette hypothèse me paraît bien plus solide - et en plus ça m'amuse de voir l'homosexualité comme un spandrel

.
3. Homophobie :
Si je te suis bien moniiique, tu qualifie d'homophobe les propos d'Eboué - plus qu'Eboué lui-même. Homophobie par généralisation à toute une population - qu'on suppose homogène - de comportements relevés chez seulement certains, fussent-ils l'objet d'une évaluation positive. Ca se tient. Mais il faudrait sans doute diversifier le vocabulaire. "Homophobie" commence à recouvrir trop de chose - un peu comme "homosexualité", d'ailleurs.
4. Normalisation
A mon habitude, je raffine au fur et à mesure des échanges. Si je devais le faire ici, je demanderais : qu'est-ce qui se cache dans l'intégration de la norme par les homo ? Quel choix de société ? Pour moi, ce n'est pas réellement clair, et j'oscille entre une société plus heureuse parce qu'une diminution des tension - et une société plus tendue, parce que la création d'une nouvelle marge (c'est toujours le cas, dès qu'il y a demande de normalisation). Je n'ai pas de réponse à cela, et suis très ambivalent sur la question du mariage. Ma position serait proche de la tienne : oui au mariage, mais oui aussi à d'autres formes d'unions reconnues par le corps social.
Mais cela impliquerait une plus grande souplesse de la norme
et des réaction à l'hors-norme qui sont des scripts fortement ancrés dans les psychismes des individus : les émotions ressenties devant la marge sont très facilement violentes ou moralisatrices (je ne le sais que trop bien, ma mère est spontanément comme cela).
Cela dit, la norme morale est souvent d'autant plus libre ou conciliante que les conditions socio-économiques sont favorables. Je en peux donc concevoir la lutte pour les droits des homos sans lui associer celle pour la reconnaissance des homo, qui ne passe pas que par le droit. Et cette dernière est inséparable de la lutte contre les exclusions - ce que la polarisation des débats sur le culturel tend à gommer un peu trop.
Normaliser l'homosexualité, tel que cela va assurément se faire, aura un coût - mais je ne sais pas comment il nous sera imputé : recrudescence des agressions, rigidification confessionnelle rendue dangereuse par l'extension du phénomène religieux du fait des échecs, nombreux et répétés, de républicanisme laïque (échecs éducatifs, échecs de l'intégration, échecs des systèmes d'homogénéisation des conditions initiales).
Si je devais résumer, ne me reste qu'une question : la normalisation des homos va se faire, mais au détriment de quoi ?
- des modèles alternatifs ?
- d'une réflexion plus poussée sur les conditions de vie des plus défavorisées (certains mouvements queer insiste sur le lien entre la demande des droits traditionnels et le renforcement des stéréotypes de classe/race/ etc.) ?
- des homos eux-même, par retour de bâton populiste - très vif en Europe de l'Est, dramatique en Afrique ?
Bref. Est-il encore possible de queerifier ce débat-là, ou bien est-ce déjà trop tard ? Et en ce cas, il faut laisser les droits se mettre en place - ils vont le faire, il y a assez de défenseur comme cela - et déplacer en avant-garde l'action sur les difficultés qu'on peut déjà prévoir ?