Homosexualité, psychologie et philosophie...

Homophobie,lesbophobie, biphobie, transphobie, sexisme et autres joyeusetés...
Nomade
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Re: Normaliser l'homosexualité ?

Message par Nomade »

WillTMG a écrit :Donc si l'homosexualité n'avait rien d'adaptatif, rien "d'utile" nous aurions déjà disparu hors nous restons une part constante dans la société 7 à 10% d'individu.
Cet argument tient seulement si tu considères que l'homosexualité est génétique... et donc que les homosexuels se reproduisent. La "nature" n'agit pas par elle-même, pour qu'il y ait perpétuation d'un caractère, il faut qu'il y ait transmission de génération en génération. Tu ne nais pas homo parce que la nature prévoit une famine dans 30 ans et qu'il faudra donc limiter la natalité quand tu auras atteint l'âge de faire des gosses.
Si un caractère est un atout pour la survie de l'individu, il a des chances d'être transmis à la génération suivante parce que l'individu atteindra l'âge de se reproduire. Être homo ne te permet pas de courir plus vite pour échapper à un lion et ne te rend pas moins sensible à la grippe aviaire, donc ce n'est pas un avantage évolutif.

Pour reprendre ton exemple, si on a perdu nos poils, c'est qu'on a inventé le vêtement, certes, mais c'est surtout parce que du coup les imberbes ne mouraient plus de froid avant l'âge de 8 ans et parce qu'on a cessé de considérer les poils comme le comble de la sexytude (désolé sandoval, ça ne veut pas dire que tu es resté à l'âge de pierre), que donc ceux qui trouvaient le plus facilement un(e) partenaire était les moins poilus et qu'ils ont transmis l'imberbitude à leur progéniture.
Comment ça, c'est tiré par les cheveux ? :ninja:

On peut continuer ce débat ailleurs avant qu'il ne phagocyte ce sujet. :wink:

Bref, pour revenir au sujet, je suis assez d'accord avec le post de Moniiique, et je doute d'avoir un jour le courage de rédiger une réponse plus complète, donc disons "+1".

Edit : Bon, comme le dit Kliban dans le post suivant, mon commentaire sur l'aspect "avantage évolutif" est un peu trop rapide. Je ne connaissais pas l'hypothèse du "sprandel". :-P
Dernière modification par Nomade le jeu. janv. 20, 2011 4:38 pm, modifié 2 fois.
Kliban
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Re: Normaliser l'homosexualité ?

Message par Kliban »

Je vais répondre à quatre choses, le sujet du post étant traité en dernier (les petits numéros, c'est pour pouvoir sauter les paragraphes :D ) :

1. Norme : moniiique a tout bon, je parlais bien sûr de la norme de fait, socialement déterminée, qui défini ce qui est le plus souvent intériorisé comme allant de soi, et ce qui fait partie ds marges. Pas d'une norme "naturelle (ce qui ne veut pas dire grand chose, d'ailleurs).

2. Nature : il y a une nature. Résolument. Tout comme il y a des espèces, une biosphère et des mécanismes de régulation, adaptation, évolution de cette biosphère.

Maintenant, pour tempérer ça :

- la nature qu'il y a contient la socialité de l'homme, sa propension à produire du social (dixit Godelier), à secréter de la morale et des justification, et la fluctuation possible des identifications et des identités des individus au sein des groupes où ils vivent et meurent.
J'en déduis que de la nature, on ne peut pas tirer grand chose en terme d'argument moral, quand bien même on peut sans doute s'interroger sur _pourquoi_ il y a de la morale.

- l'argument évolutif est un argument sain (nonobstant le commentaire que je trouve trop rapide de Nomade - sorry Nomade), mais je l'articulerais un peu différemment que ce qu'en fait WillTMG. Reprenons :
L'homosexualité existe et de façon constante et dans des proportions non égligeables.
L'homosexualité est un trait comportemental qui a souvent des répercussions (négatives) sur la transmission des gènes de l'individu.
Si elle ne présentait pas par ailleurs des traits positifs, ce comportement aurait été éliminé.

Bon. Cela suppose plusieurs choses :
a. que l'homosexualité ait une composante génétique, ce qu'on commence - timidement chez les latins - à reconnaître. Je dis bien : une composante génétique, pas un gène. (en fait il semble qu'il y a un complexe de circonstances, génétiques, congénitales et environnementales, qui influent sur l'apparition de désirs puis de comportements homosexuels : c'est tout sauf simple, comme étiologie).

b. que l'homosexualité en tant que telle présente des avantages reproductif pour les porteurs des gènes en question (eux, ou leur fratrie par exemple). Il y a une hypothèse en ce sens, lié aux récentes avancées sur la question de la coopération (non plus de la compétition) : les homo s'occuperaient mieux des enfants de la fratrie, donc de porteurs de gènes similaires aux leurs. Cette hypothèse me semble faible et reflétant assez peu les comportements réels.

ou bien

b'. que l'homosexualité soit un spandrel : un trait de comportement hérité d'un autre trait de comportement qui, lui est bénéfique, l'homosexualité représentant un conséquence non préjudiciable à l'espèce de ce comportement/trat favorisé. Des hypothèses (pas idiotes, mais des hypothèses seulement) feraient de l'homosexualité un trait extrême de la bisexualité, laquelle représenterait, pour des raisons vraiment trop complexe à déplier ici, un avantage reproductif dans certains cas. Pour tout cela, je renvoie au bouquin de Balthazart sur la biologie de l'homosexualité. Cette hypothèse me paraît bien plus solide - et en plus ça m'amuse de voir l'homosexualité comme un spandrel :D.

3. Homophobie :
Si je te suis bien moniiique, tu qualifie d'homophobe les propos d'Eboué - plus qu'Eboué lui-même. Homophobie par généralisation à toute une population - qu'on suppose homogène - de comportements relevés chez seulement certains, fussent-ils l'objet d'une évaluation positive. Ca se tient. Mais il faudrait sans doute diversifier le vocabulaire. "Homophobie" commence à recouvrir trop de chose - un peu comme "homosexualité", d'ailleurs.

4. Normalisation

A mon habitude, je raffine au fur et à mesure des échanges. Si je devais le faire ici, je demanderais : qu'est-ce qui se cache dans l'intégration de la norme par les homo ? Quel choix de société ? Pour moi, ce n'est pas réellement clair, et j'oscille entre une société plus heureuse parce qu'une diminution des tension - et une société plus tendue, parce que la création d'une nouvelle marge (c'est toujours le cas, dès qu'il y a demande de normalisation). Je n'ai pas de réponse à cela, et suis très ambivalent sur la question du mariage. Ma position serait proche de la tienne : oui au mariage, mais oui aussi à d'autres formes d'unions reconnues par le corps social.

Mais cela impliquerait une plus grande souplesse de la norme et des réaction à l'hors-norme qui sont des scripts fortement ancrés dans les psychismes des individus : les émotions ressenties devant la marge sont très facilement violentes ou moralisatrices (je ne le sais que trop bien, ma mère est spontanément comme cela).

Cela dit, la norme morale est souvent d'autant plus libre ou conciliante que les conditions socio-économiques sont favorables. Je en peux donc concevoir la lutte pour les droits des homos sans lui associer celle pour la reconnaissance des homo, qui ne passe pas que par le droit. Et cette dernière est inséparable de la lutte contre les exclusions - ce que la polarisation des débats sur le culturel tend à gommer un peu trop.

Normaliser l'homosexualité, tel que cela va assurément se faire, aura un coût - mais je ne sais pas comment il nous sera imputé : recrudescence des agressions, rigidification confessionnelle rendue dangereuse par l'extension du phénomène religieux du fait des échecs, nombreux et répétés, de républicanisme laïque (échecs éducatifs, échecs de l'intégration, échecs des systèmes d'homogénéisation des conditions initiales).

Si je devais résumer, ne me reste qu'une question : la normalisation des homos va se faire, mais au détriment de quoi ?
- des modèles alternatifs ?
- d'une réflexion plus poussée sur les conditions de vie des plus défavorisées (certains mouvements queer insiste sur le lien entre la demande des droits traditionnels et le renforcement des stéréotypes de classe/race/ etc.) ?
- des homos eux-même, par retour de bâton populiste - très vif en Europe de l'Est, dramatique en Afrique ?

Bref. Est-il encore possible de queerifier ce débat-là, ou bien est-ce déjà trop tard ? Et en ce cas, il faut laisser les droits se mettre en place - ils vont le faire, il y a assez de défenseur comme cela - et déplacer en avant-garde l'action sur les difficultés qu'on peut déjà prévoir ?
Manchette
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Re: Normaliser l'homosexualité ?

Message par Manchette »

Pour ma part sur la question des minorités, j'ai plutôt tendance à reprendre la déclaration de l'Abbé Grégoire (comme quoi, même l'Eglise a eu de grands hommes) à propos des droits des Juifs : "Tout en tant qu'individus, rien en tant que peuple."
Ce fut la politique de la Révolution française, qui mit fin à toutes les discriminations à leur encontre. Il en sera de même lors de l'abolition de l'esclavage.

Concernant les homos et le mariage, il faut effectivement se poser la question du rôle de l'homosexualité dans notre approche de la politique.
Pour ma part, je considère la sexualité comme une affaire privée, et la politique comme une affaire publique. Je ne mélange donc absolument pas ma sexualité et mes idées politiques.
La vision des homos et de la culture me parait un brin caricaturale. Si la culture occidentale doit effectivement certains chefs-d'oeuvre à des homos (de Vinci, Proust, etc), il me parait triste de se limiter à l'homosexualité : la Joconde ne doit pas grand chose à la sexualité de Leonard, contrairement au éphèbes du Caravage par exemple. Moby Dick montre assez peu la sexualité de son auteur, non ?
On ne contribue donc pas forcément à la culture en tant qu'homo : le talent voire le génie artistique sont indépendants de la sexualité. Un individu est une somme de caractéristiques, l'homosexualité n'en est qu'une, et c'est l'individu qui contribue à la culture. Cessons donc de nous focaliser sur une caractéristique, et surtout ne tombons pas dans le piège de vouloir dire que nous avons contribué à quoi que ce soit pour revendiquer des droits. Un droit, collectif, n'est pas un mérite, individuel lui.
Hypnos
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Re: Normaliser l'homosexualité ?

Message par Hypnos »

Je ne pense que la normalisation de l'homosexualité nie la culture qui en découle. Au pire cela pourra "l'ouvrir" à plus de monde, si ce n'est pas déjà fait. Je ne sais pas pour vous, mais parmi les plus jeunes générations, en sortant du collège/lycée, nous avons une grande ouverture d'esprit et une sacrée normalisation de l'homosexualité. Peut-être est-ce le fait que je ne m'attache qu'à des gens qui sont un minimum intelligents, mais personne n'a jamais eut de problème avec mon orientation, ils n'ont absolument rien à faire de ma vie amoureuse ou sexuelle, si ce n'est pour en suivre les rebondissements comme le font des amis.

De plus on peut considérer que la culture homosexuelle est déjà ouverte au milieu hétéro. Si on parle de culture de masse homosexuelle, désormais de plus en plus de jeunes filles hétérosexuelles ne jurent que par les boîtes gays ou encore les séries homosexuelles. Et même, de plus en plus de garçons hétérosexuels suivent leurs amis homos sans se préoccuper de ce que l'on peut éventuellement penser d'eux. Donc la culture gay de masse ne sera jamais vraiment anéantie, car les homos auront toujours besoin de lieux où ils ne risquent pas de discriminations (ça fait pas mal de temps que les noirs sont intégrés et acceptés en France, mais il y a toujours du racisme, donc la position officielle d'un pays n'empêche pas la présence d'une minorité ou d'une majorité de crétins).

Si tu parles de culture, au sens un peu "élevé" du terme en entrant dans ce qui concerne la culture littéraire, musicale ou artistique en règle générale, je ne pense pas que le génie ait besoin d'une cause ou d'une pression pour s'exprimer, évidemment une pression peut-être intéressante car elle fait souvent réagir les gens, mais elle n'est pas nécessaire, de plus cela pousse à la facilité de la contestation parfois. Que quelqu'un ouvre sa gueule sur un sujet tabou et c'est un héros, mais tout le monde ne peut pas faire ça sans arrêt, au contraire, la société a besoin de voir ses codes et ses moeurs évoluer, et je pense sincèrement que dans cinquante ans, le fait que le mariage gay ait pu être interdit choquera les jeunes générations. Mine de rien nous nous trouvons dans une position de victimisation, nous sommes considérés comme une plaie de la société par des "gentils penseurs" qui essaient d'insuffler leurs idées aux masses abêties soit en la distillant de pitié à notre égard, car nous sommes victimes de nos conditions, ou pire encore, de haine pour nous détruire. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons malheureusement pas lutter contre leur bêtise et leur étroitesse d'esprit de front, il faut faire changer les choses en profondeur et non en superficialité. Je crois qu'il y a suffisamment de haine sur Terre pour alimenter la culture humaine sur encore des générations. Donc je ne pense pas que la normalisation de l'homosexualité serait dommageable à la culture artistique gay, il y aura toujours des artistes gays, mais à ce que je sache, on n'a jamais défini un artiste par sa sexualité, mais par son oeuvre, son homosexualité n'est qu'un détail pour tous, qu'il soit gênant ou non, et s'il existe une "culture gay" on parle de culture de masse, et pas de culture artistique. Je suis désolé mais je ne crois pas que la folasse du marais qui en est à son quatrième balayage du mois ait obligatoirement lu Proust pour sa culture gay (entrons nous aussi dans le stéréotype :D).

Pour moi on ne peut pas définir un artiste sur son orientation sexuelle, ce serait justement rentrer dans une idée que cette orientation n'est pas normale car elle le définie par rapport à une norme. Après c'est comme pour tout... remplaçons le mot homosexuel par juif ou noir et voyons ce que les gens pensent.

Nous sommes loin de la tolérance et de la normalité que nous méritons, mais ce n'est pas si loin... Tout évolue... Mais comme toutes les minorités sans nations, nous ne sommes vraiment les bienvenus nulle part... Reste à trouver le moindre mal, à savoir les grandes villes ou encore les pays très tolérants :)

Le vrai problème de l'homosexualité, est qu'elle est la seule minorité invisible à ce que je sache... Donc c'est gênant pour tous :P
Kliban
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Re: Normaliser l'homosexualité ?

Message par Kliban »

Yπνος a écrit :Le vrai problème de l'homosexualité, est qu'elle est la seule minorité invisible à ce que je sache... Donc c'est gênant pour tous :P
Merci pour ta longue réponse. Je ne rebondis que sur ce point. Il y a des tas d'autres minorités invisible ou plus ou moins visibles et qui peuvent donner le change :
- les working poors ;
- les analphabètes ;
- les séropositifs ;
- tout pratiquant d'une religion qui ne le montre pas ;
- les juifs non pratiquant ;
- etc.

Peut-être la seule différence avec l'homosexualité est que c'est un fait à composante biologique qu'on ne détecte en général que fort tard - les scripts sociaux associés sont bizarres.


Il y aurait des tonnes à dire sur la culture gay. Sur ce concept de culture gay. Comme du concept de culture noire. Il y a des gays/des noirs qui produisent dans la culture et qui la subvertissent parfois - c'est ce dont Eboué dit redouter la disparition. Mais y a-t-il une culture gay ? Oui, sans doute, des modes de vie spécifiques, par exemple. Mais des choses qui demeurent ? Est-ce qu'une chose qui demeure est "gay" ou relève d'une culture gay ? Le "Cahier d'un retour au pays natal" demeure-t-il comme élément d'une culture noire ? et dans quel sens ? Si les identités ne sont pas figées, les champs culturels communiquent et les œuvres sont comme des navettes entre les champs ou plutôt des prismes en réfractant diversement les lumières.

Mais bon. Ce qui m'intéresse surtout n'est pas de savoir si une société pourrait se payer le luxe obscène de contraindre intentionnellement des minorités histoire d'en produire, de temps en temps, des génies dont se souviennent les siècles (hypothèse de science fiction plus qu'autre chose). Hypothèse obscène, mais on le voit, c'est celle que défend Eboué - une variante de ça, en fait.

C'est de comprendre ce que la normalisation de l'homosexualité va engendrer de marge nouvelle - et si cela va engendrer des marges nouvelles. Il est possible que le portrait idyllique et parisien ou "grande ville" que tu donnes des jeunes gays mettent les relations polyamoureuses, les partenaires multiples, les sex friends et autres amours fugaces sur le même plan que le couple stabilisé par engagement mutuel. Il est probable que non. C'est une marge. il y en a sans doute d'autres.
Hypnos
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Re: Normaliser l'homosexualité ?

Message par Hypnos »

Kliban a écrit :les juifs non pratiquant
Sérieusement ? Euh... Je pense que toute religion fait partie d'une minorité qui reste visible. Si c'était si indétectable que ça, on n'aurait pas eut une Shoah. Bon, je la ramène mais je ne suis pas juif... c'est juste que je trouve l'exemple un peu bizarre...

M'enfin... Pour en revenir à Eboué, il a juste une vision romantique de l'homosexuel, comme peuvent l'avoir beaucoup de personnes. Certains pensent que c'est une mode pour se rendre intéressant.

De plus je rajouterai que contrairement aux autres minorités que tu cites, l'homosexualité peut-être niée pendant des années, là où la religion, la maladie ou l’illettrisme ne peuvent être niés, seulement dissimulés.

Que la société opprime volontairement une communauté pour en faire ressortir le meilleur comme on presserait un fruit pour en faire jaillir le jus... Je suis désolé, mais je trouve le concept à la fois inquiétant et affreusement naïf.

Je m'explique : La différence est le principe premier de la haine sans amour (pour moi la haine est un sentiment qui est affreusement proche de l'amour la plupart du temps, sauf dans certains cas comme celui-ci). En effet, nous avons eut des massacres, voir des génocides, de milliers, de millions de gens depuis des siècles, qu'il s'agisse des croisades ou des guerres saintes côté chrétienté ou islam, qu'il s'agisse des massacres en masse de protestants, du génocide rwandais, de la chasse aux sorcières, des camps de concentration (qui sont l'aboutissement de tout ce que l'Homme a de mauvais en lui).

Ces massacres avaient tous pour origine la différence : Tu n'es pas de la même religion que moi, donc je te tue, tu n'es pas en bonne santé, donc je te tue, tu n'es pas de mon ethnie, donc je te tue, tu as plus d'argent que moi, donc je te tue, tu as un enfant mort né, donc je te tue et ainsi de suite, tu n'aimes pas comme moi, donc je te tue, tu n'es pas comme moi, donc je te tue.

L'oppression d'une différence n'est pas là pour en faire ressortir le meilleur, elle est là pour la détruire. Aplanir les angles pour que les faibles d'esprit qui composent la majorité de notre population mondiale puissent arrêter de devoir réfléchir pour comprendre la différence.

L'oppression, la haine et la destruction rendent les gens transparents, c'est leur seul "avantage" si je puis me permettre l'expression, ils révèlent leur véritable visage. Nous voyons qui est lâche et suit le mouvement, qui est mauvais et le mène, qui a le courage de s'y opposer et qui est bon. Les périodes de crises sont les seules périodes où nous avons des ennemis et des héros. Ou nous voyons des gens devenir mauvais et tenter de détruire les autres, ou d'autres qui tentent de sauver ceux qui peuvent l'être.

Cela dit, nul besoin d'oppression pour que la vérité transparaisse sur un visage, il suffit d'une crise. Prenons un accident de train. Dans un même compartiment, nous aurons une femme enceinte blessée, un homme qui lui marchera dessus pour sortir le plus vite possible et sauver sa peau, quelqu'un qui tentera de l'aider à sortir et une dernière personne qui lui prendra son sac à main. L'humanité est ainsi faite.

Je pense donc qu'attaquer une communauté rend juste les réactions des gens plus vraies et entières, dans ces cas là, les nuances de gris disparaissent, et nous voyons tout en noir et blanc. En aucun cas cela ne fait ressortir le meilleur, cela fait juste ressortir la véritable nature des gens. Je vous rappelle qu'être LGBT ne fait pas d'une personne quelqu'un de fréquentable. Il y a des violeurs gays, il y a des gens monstrueux homosexuels. Il y a également de formidables artistes, des gens généreux et exceptionnels... Nous vivons dans la diversité, et elle implique le meilleur et le pire.

C'est probablement pour cela que je trouve ta vision de la chose un peu naïve...
Kliban
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Re: Normaliser l'homosexualité ?

Message par Kliban »

Ca me fait trop trop de bien quand on me dit que je suis naïf :D

Bon. Mon propos n'a jamais été de prétendre que les sociétés humaines, dans leurs luttes contre les minorités, avaient eu pour mobile premier de les presser pour en obtenir le meilleur - idée évidemment grotesque au vu de l'archive historique.

Ca s'articule plutôt comme ça, dans ma tête :

Cette idée de "je te presse pour que être sûr de détecter les meilleurs" est un ressort tout à fait réel de toute méritocratie - la sélection par les concours, c'est exactement ça, même si ça ne relève pas d'une oppression politique et que tout un chacun reste libre de se présenter ou pas.
A noter aussi que ce fut le cas des castrats, lesquels en revanche n'avaient guère de choix et pour qui l'opération, irréversible, ne donnait pas toujours les résultats attendus, et donc les bénéfices escomptés...

On peut donc se demander si un argumentateur fou - une sorte d'utopiste - ne pourrait pas nous sortir un argument de ce type sur les gays. Je le dis encore, l'idée n'est pas de moi : je l'ai clairement entendue chez D. Fernandez, qui d'ailleurs à dû en faire un livre "La gloire du paria" - que je n'ai pas lu. Donc, comme je l'indiquais très clairement, cette idée relève de politique-fiction. Je pense en effet que ça ne tient guère la route, mais il me semble qu'elle relève de la "vision romantique" ou "esthétisante" d'Eboué, et donc qu'elle a une place, fût-elle minime, dans le grand flots d'idée qui trainent à notre sujet.


Elle n'est d'ailleurs plus au centre de ce qui m'intéresse ici (changement du sujet du premier post) et je me demande d'ailleurs pourquoi on ne reprend pas les questions essentielles de la gestion des marges que j'ai laissé depuis maintenant deux postes, trois avec celui-ci.

Je repose donc : normaliser implique _toujours_ la création de marges (on peut critiquer ce point). Quelles sont/seraient ces marges crées/confirmées à l'occasion des normalisations successives de la condition sociale de homos, et que comptons-nous en faire ?


(Nota : sur les juifs non pratiquant, cette scène tirée de la très récente biographie de Derrida par B. Peeters, p. 76 :

"Lors d'un dîner, où les anciens de Vichy [on est en 1954] sont nombreux, l'une des convives lance : "Oh, les Juifs, moi je les sens à distance, Monsieur..." " Vraiment ? réplique Derrida d'une voix forte. Et bien, je suis Juif, Madame." Ce qui jette un sérieux froid autour de la table."

J'ai la faiblesse d'assimiler cela à un exemple de minorité invisible, et le geste de Derrida à une forme de Coming Out.

Mais bien sûr, la ressemblance s'arrête là. Il s'agissait juste de rebondir sur ton idée que seuls les homo relèvent d'une minorité invisible : simplement dit comme cela, c'est faux et il convient de raffiner la définition.

En revanche, ils relèvent d'une minorité invisible parfois à leur propres yeux, ainsi que tu le notes à très juste titre, et là, j'ai un peu plus de mal à trouver un contre-exemple, sans aller chercher dans des maladies étranges (genre les noso-agnosies, où le patient se sais_ pas qu'il est malade ou handicapé, parfois lourdement.).

En même temps... en même temps ça vaut aussi pour les Juifs. Il y a d'ailleurs une très forte proximité entre les uifs et les homos à plein de points de vue. Chez les juifs assimilés, la conscience de ce qu'on est juif est parfois inexistante avant la première insulte antisémite, qui fait souvent des ravages, une fois que les parents ont pris le temps d'expliquer ce qui s'est passé.

La différence bien sûr, c'est qu'être juif n'est pas un truc qu'on découvre progressivement en soi, mais quelque chose qui vient avec la culture, de l'extérieur. Ce qui fait la spécificité de l'homosexualité, ce n'est pas qu'elle soit une minorité invisible, même parfois pour soi, c'est qu'elle relève en plus d'un fait à forte composante biologique qui n'est pas immédiatement patent.

Et encore, certains intersexualisme (avec changement de sexe apparent à l'adolescence par exemple) ressortent exactement du même genre de définition. Bref. C n'est pas très intéressant, enfin je ne trouve pas. L'important n'est pas de savoir ce qui fait la spécificité d'une minorité, mais bien ce qu'il y a de général et de spécifique à la fois dans la lutte de cette minorité pour défaire les marges où elle se trouve.)
Kliban
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Re: Normaliser l'homosexualité ?

Message par Kliban »

OFF-Topic :
[quote="Nomade"]Bon, comme le dit Kliban dans le post suivant, mon commentaire sur l'aspect "avantage évolutif" est un peu trop rapide. Je ne connaissais pas l'hypothèse du "sprandel". :-P[/quote]

Spandrel

On appelle un spandrel l'espace entre deux arches. En Français, ça s'appelle un écoinçon. Qu'est-ce que vient foutre un terme de maçonnerie dans la théorie de l'évolution ?

On en doit l'introduction à Lewontin et Gould. Ils remarquaient, si ma mémoire est bonne, que dans certaines cathédrales baroques (Saint-Marc ?) l'espace entre les arches supportant un dôme devait être remplis - c'est une nécessité architecturale conséquence du plan général de l'édifice : dôme supporté par des arches.

Il va de même en évolution : un spandrel est une caractéristique qui n'a pas été sélectionnée comme telle, mais qui résulte de contraintes inhérentes à la présence de traits qui ont eux fait l'objet d'une sélection.
On parle aussi d'exaptation - ce qui permet d'éviter "écoinçon" que je n'ai jamais vu dans les textes sur l'évolution, ou l'anglicisme spandrel, qu'on y trouve de façon très répandue.

Ainsi, l'homosexualité pourrait être une exaptation - un spandrel - de la bisexualité.
Le concept m'amuse beaucoup à bien des égards.

D'une part parce qu'il y a de bonnes raisons à cela - je veux dire des hypothèses biologiquement saines (encore qu'il faudrait rendre le temps de les exposer ici, ce qui n'est pas simple parce que ça implique de rentrer très à fond (!) dans la théorie biologique de la reproduction humaine et de la sélection sexuelle).

D'autre part parce que ça prend tellement à contre-pied cette position souvent mal argumentée et massivement essentialiste qui fait de la bisexualité au mieux un état transitoire (autant dire qu'être un home est un état transitoire parce qu'on finit par mourir), au pire une façade pour combattre une homophobie intériorisée. Deux caractérisations qui sont non pas fausses - parce que la "bisexualité", ça peut être ça, aussi, bien sûr - mais largement incomplètes - parce que ça n'est pas que ça, et de loin.

Ah et pour les ceusses que ça intéresse (au cas où on m'accuserait de prêcher pour ma paroisse) je ne suis pas bisexuel, enfin je crois pas. Peut-être que j'ai intériorisé une forme de biphobie et que je me ferai mon CO un jour :mrgreen:
aldo
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Re: Normaliser l'homosexualité ?

Message par aldo »

Kliban a écrit :Bon. Mon propos n'a jamais été de prétendre que les sociétés humaines, dans leurs luttes contre les minorités, avaient eu pour mobile premier de les presser pour en obtenir le meilleur - idée évidemment grotesque au vu de l'archive historique.
C'est arrivé, pourtant. Pour Hannah Arendt, jusqu'au XIXe siècle les gouvernements d'Europe ont cherché à « presser » les Juifs pour en tirer le « meilleur » : pour qu'ils continuent de leur prêter l'argent dont ils avaient bien besoin. (Les Origines du totalitarisme, 1. L'Antisémitisme)

Kliban a écrit : On peut donc se demander si un argumentateur fou - une sorte d'utopiste - ne pourrait pas nous sortir un argument de ce type sur les gays.
Que répondre à un tel argumentateur ? Rien : je refuse ce débat.

Il y a dans toute cette discussion quelque chose qui me gène profondément. Tu te places au niveau de la société pour regarder ce qu'apportent ses marges, puis te demander si cela ne vaut pas la peine de maintenir les minorités dans un statu quo pour conserver cet apport.

Pourtant, que ce soit dans l'estimation de l'apport des minorités, de sa qualité ou de son intérêt, comme dans le choix moral qui consiste à faire prévaloir cet apport que l'on jugerait indispensable sur d'autres principes, il n'y a rien d'objectif. Tu t'en es rendu compte, il me semble, dans l'un de tes messages. Mais ce point de départ instille tout de même l'idée qu'au moins une personne, ou un groupe, pourrait déterminer ce qui est bon pour la société, et que ce qui est bon pour la société doit nécessairement primer. Je refuse ces deux points.

La question du mariage homosexuel n'est pas, à mon sens, une question de « choix de société ». Ça, c'est un concept bien pratique qui permet de justifier à peu près n'importe quoi. Pour moi, le véritable « choix de société », s'il y en a eu un, a été fait il y a plus de deux siècles : c'est celui d'une société individualiste et libérale (ce qui, je le précise tout de suite, ne signifie pas forcément égoïste et capitaliste). Si je suis pour le mariage entre individus du même sexe, ce n'est pas parce que cela rendrait la société dans laquelle nous vivons plus belle ou plus agréable à mes yeux (enfin, si, même si ce n'est pas mon point), mais parce qu'il me semble que son interdiction viole certains principes faisant partie du « choix de société » qui a été fait après la Révolution. — D'ailleurs, je serais plutôt favorable à ce que l'on laisse le terme de « mariage » aux religions, et qu'il n'existe du point de vue civil qu'un contrat particulier, pouvant être établis entre deux individus quelconques, même membre d'une même fratrie (mais bon, ceci est un autre débat). — L'intérêt « pour la société » de cette interdiction est donc totalement orthogonal avec les raisons qui devraient pousser à sa levée.

J'ai conscience de n'avoir pas poursuivi la discussion dans le sens que tu espérais à la fin de ton message. Ayant du mal à en saisir l'intéret, je m'arrête ici.
Hypnos
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Re: Normaliser l'homosexualité ?

Message par Hypnos »

Bah si tu parles de marges, je trouve le débat assez stérile en fait, qu'elle soit normalisée ou non, l'homosexualité restera toujours en marge de la société car il s'agit d'un critère définissant d'une minorité.

Je m'explique : Nous avons une société en France, qui est majoritairement composée de personnes blanches de confession catholique/protestante (et ces dernières décennies agnostiques ou athées), ces personnes sont majoritairement hétérosexuelles et s'inscrivent dans une culture occidentale qui les définit en tant qu'individus.

Se trouvent en marge toutes les personnes qui ne sont ni blanches, ni catholiques, protestantes, agnostiques ou athées, ni hétérosexuelles, ni de culture occidentale tout simplement.

Cependant en France nous respectons la liberté de chacun d'être ce qu'il désire (avec plus ou moins de nuances cela dit), les personnes qui ne correspondent donc pas à ce moule sont donc des minorités qui vivent en marge.

Tant que subsistera une minorité, il existera une marge dans laquelle elle se définira. Je pense donc que l'acceptation et la normalisation de l'homosexualité ne pourront jamais nuire à son "exception culturelle" (HAHAHAHA) car elle restera toujours minoritaire où qu'elle soit dans le monde.
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