Appliquer les règles les yeux fermés ?

Débats Gay et Lesbien
okami
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Appliquer les règles les yeux fermés ?

Message par okami »

Salut tout le monde !

Alors voilà, après une petite phase d'absence, je reviens poster pour lancer un débat sur un sujet que nous avons beaucoup discuté avec mes amis : l'application des règles, règlements, lois et autres textes.

En gros, pour un peu de contexte, avec mes amis de l'amphi de médecine, on s'étonnait beaucoup d'entendre de la bouche de certains de nos profs (médecins donc), mais aussi d'autres élèves, des choses du genre "L'HAS (haute autorité de santé) recommande ça, alors on le fait." comme si c'était une parole d'évangile et que cette simple recommandation pouvait remplacer tout le train de pensée nécessaire à la pratique médicale.

Bref, je me suis d'abord dit "Merde, y'a certains médecins qui sont vraiment stupides quand même !" avant de me rendre compte, qu'en fait, l'application des règles, règlements, lois etc aveuglément n'est sûrement pas l'appanage des médecins seulement (à vrai dire, j'y avais jamais trop fait gaffe jusqu'à présent) mais qu'en fait cette étroitesse d'esprit est généralisée dans la population...

TL;DR : Alors voilà, ma question en gros c'est : est-ce que vous, vous êtes du genre à appliquer aveuglément les règles qu'on vous dictes et/ou à les faire appliquer tout aussi aveuglément ou est-ce que vous êtes plutôt du genre à réfléchir au cas par cas et à éventuellement les adapter ?

Attention, j'aimerais lancer un débat construit donc dans les 2 cas, expliquez s'il vous plait :
- Dans le premier cas, par exemple comment régler le problème des cas limites ?
- Dans le second, par exemple, si vous pensez que c'est réellement applicable en général (au niveau du temps de réflexion/discussion nécessaire notamment) ?


En ce qui me concerne, quand on me répond "C'est la règle, y'a rien à faire." alors que si, justement, avec un peu de temps et d'ouverture d'esprit, y'aurait clairement quelque chose à faire, ça me met hors de moi. Évidemment ça peut demander des efforts de réflexion de chercher une solution qui ne soit pas cadrée par un règlement, voire qui sort du cadre des règlements, et ça implique parfois de mettre en jeu sa responsabilité, mais finalement, un "Non, je ne peux pas vous aider parce que X, parce que Y, mais on peut éventuellement envisager Z." ça me convient mieux, même si le résultat est identique.

C'est comme ce que je disais au début de mon post : en médecine comme partout, y'a des règles, des recommandations, des "bonnes pratiques" qu'il convient de suivre dans la plupart des cas, mais les gens l'oublient souvent et c'est bien triste. Alors oui, parfois, dans l'urgence c'est nécessaire de pas trop se poser de questions et de prendre les mesures nécessaire à la sauvegarde de la vie d'un patient, mais quand on peut se permettre de prendre 5 min par patient pour discuter avec lui et mettre en place une prise en charge qui est tout aussi adaptée et qui lui convient mieux, mais différente de celle qui est inscrite dans les bouquins, je trouve ça absurde de pas le faire...

Pour un exemple "extrême" je dirais : je pense que tout le monde sait que le geste d'euthanasie active reste interdit en France (les bonnes valeurs chrétiennes de notre beau pays veulent sauvegarder la vie à tout prix), pourtant, c'est une geste qui est quand même pratiqué dans des cas rares et très particuliers (et en dehors du cadre légal de "l'euthanasie d'exception" qui est visiblement dans les textes de loi pour faire joli). Ce sont nos professeurs qui nous l'ont dit lors d'un débat concernant justement la prise en charge de la fin de vie, moment où on a besoin comme jamais de savoir sortir des sentiers battus pour proposer quelque chose d'adapté à chaque personne...

Enfin voilà, le débat est ouvert :ninja:
Miss Hada
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Re: Appliquer les règles les yeux fermés ?

Message par Miss Hada »

Personnellement, j'ai 2 façons d'appliquer les règles:
  • les règles intelligentes sont appliquées à fond de leurs possibilités de façon à les mettre en valeur.
  • les règles connes sont appliquées jusqu'au délire le plus absolu, jusqu'à ce que qu'un décisionnaire décide de les changer...
:mrgreen:
okami
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Re: Appliquer les règles les yeux fermés ?

Message par okami »

J'aime cette manière de voire les choses :roll:

Mais entre les lignes, tu es donc partisane de l'application à la lettre des règles :-P
Miss Hada
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Re: Appliquer les règles les yeux fermés ?

Message par Miss Hada »

okami a écrit :J'aime cette manière de voire les choses :roll:

Mais entre les lignes, tu es donc partisane de l'application à la lettre des règles :-P
Tout à fait !

Il se sert à rien de lutter contre quand on n'en a pas le pouvoir social.

Par contre le sabotage par excès de zèle, ça marche super bien, beaucoup mieux que le détournement qui lui permet à la règle conne de perdurer en passant pour intelligente. :innocent:
okami
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Re: Appliquer les règles les yeux fermés ?

Message par okami »

Effectivement :huhu: mais je suis pas sûr que ça soit aussi simple :s

En attendant, la critique constructive en face des autorités "compétentes" et le détournement officieux restent pour moi la manière la plus logique d'agir.

Je me souviens de ce que me disais un professeur un jour : "Nous vivons dans un pays où le gouvernement à l'habitude de faire des lois pour proposer un cadre légal à absolument tout. Une loi par-ci, une loi par-là : ça apaise les foules. Mais c'est stupide parce que y'a bien des situations qui ne rentreront pas dans le cadre légal, aussi bien pensé soit-il."
Erual
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Re: Appliquer les règles les yeux fermés ?

Message par Erual »

C'est une question qui m'interroge pas mal. En fait, dans mon travail, c'est une question inévitable : les limites. Lesquelles ? Pourquoi ?
Je pars du principe que si les règles/limites sont apprises dès l'enfance, elles deviennent toutes naturelles étant adulte, sans que quiconque, quelque autorité, viennent nous imposer des règles dîtes meilleurs que d'autres.
Mais la question qui revient sans cesse, c'est comment fixer aux enfants les règles/limites nécessaires ?

Je suis plutôt partisane du fait que la seule et unique règle que l'enfant doit intérioriser c'est le respect de l'autre. Puis autour de ce fil conducteur, lui donner la possibilité de comprendre le pourquoi du comment, de comprendre que l'autre est aussi un être à part.
En fait, je suis en train de me dire que c'est même pas forcément un apprentissage, parce que l'enfant s'il joue librement entre à partir de 2/3 ans dans une phase de "jeux symboliques" qui consisterait à jouer des rôles sociaux, à imiter les adultes, à imiter les copains qui imitent les adultes, etc etc. Et c'est en ce sens qu'il intériorise non seulement les règles qui régissent la société (les règles dépendant de chaque société), mais aussi qu'il entre en empathie - à ne pas confondre avec la compassion. Il peut ainsi imaginer ce que l'autre ressent, se mettre à la place de, et donc inconsciemment les règles de respect seront tout naturelles pour lui.

J'ai l'impression d'être un peu confuse, j'espère que j'suis pas hors sujet.


Okami a écrit :Je me souviens de ce que me disais un professeur un jour : "Nous vivons dans un pays où le gouvernement à l'habitude de faire des lois pour proposer un cadre légal à absolument tout. Une loi par-ci, une loi par-là : ça apaise les foules. Mais c'est stupide parce que y'a bien des situations qui ne rentreront pas dans le cadre légal, aussi bien pensé soit-il."
:amour:
Miss Hada
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Re: Appliquer les règles les yeux fermés ?

Message par Miss Hada »

Je comprend bien.

Mais comme les personnes qui ont le pouvoir social (gouvernements et dirigeants de tous poils et plumes) apprécient d'infantiliser les autres c'est les conforter que de laisser croire que cela marche comme ils l'ont pensé.

De plus la vanité étant très répandue qu'on leur fasse remarquer qu'ils se sont gourés entraine généralement des mesures de rétorsion et un renforcement de la règle. Même si il y a quelques rares exceptions. Il vaut mieux donc leur laisser constater d'eux-même et leur offrir de s'en sortir en sauvant la face par une décision venant d'eux et d'eux seuls "êtres supérieurs éclairés des bonnes décisions pour le bas peuple / ces minables de collaborateurs" et pas une décision où ils auront été contraints et perdrons la face.

Je préfère la subversion sécurisée su zèle renforçant la connerie: efficace, simple, fun, sans danger personnel. :mrgreen:

Erual, en fait le respect de l'autre est une règle de vie morale, pas une règle de vie efficace socialement à titre individuel. Il n'y a qu'à voir la réalité sociale autours de soi.
Erual
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Re: Appliquer les règles les yeux fermés ?

Message par Erual »

C'est quoi selon toi une "règle de vie efficace socialement à titre individuel" ?
:gn:
Miss Hada
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Re: Appliquer les règles les yeux fermés ?

Message par Miss Hada »

Erual a écrit :C'est quoi selon toi une "règle de vie efficace socialement à titre individuel" ?
:gn:
Dans la société occidentale, ce sont celles qui te permettent d'avoir des revenus ! De préférence stables ou en augmentation.

En tant que règle de vie absolue, le respect est bien sur une règle positive pour l'ensemble de la société.

Mais dans une société qui privilégie l'individu et sa mise en avant comparativement aux autres, c'est individuellement contre productif et frustrant surtout si on en attend la réciproque.
Kefka
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Re: Appliquer les règles les yeux fermés ?

Message par Kefka »

Moins qu'une interrogation sur les limites, je lis plus ton questionnement comme une ébauche de réflexion sur l'autorité. Je vais tenter d'y apporter une réponse le plus clair possible, et tant pis pour moi si j'ai tort. :)

D'abord, une distinction conceptuelle. Il ne faut pas confondre l'autorité et le pouvoir.
Le principe du pouvoir est de tirer d'éléments extérieurs (la loi, par exemple) les justifications de sa nature.
Le principe de l'autorité est de tirer d'elle-même, de sa propre nature, les justifications de sa fonction.
Pour résumer, on obéit au pouvoir parce qu'on y est contraint, on obéit à une autorité parce que ça nous semble naturel. Le pouvoir est coercitif, l'autorité s'impose d'elle-même, sans qu'il nous vienne à l'idée d'aller la contester.

Ceci placé, on peut en venir à ta question. Ma réponse présuppose que l'on se place dans le cadre d'une autorité, et que donc elle ne peut pas être contestée.

On distingue classiquement plusieurs sources fondatrices d'une autorité. Je reprends la typologie de Max Weber, établie dans son ouvrage Le savant et le politique. On a alors :
-l'autorité traditionnelle, qui tire ses sources de la tradition, de ce qui s'est toujours fait ainsi
-l'autorité charismatique, qui sourd dans la reconnaissance d'un don personnel d'un individu ou d'une institution
-l'autorité légale-rationnelle qui tire ses sources des règles et du contexte légal

L'autorité est le vecteur de normes, de règles et de manières de vivre. Elle s'incarne en une personne ou une institution, et là est toute la question. Parce que l'apparition d'une source d'autorité clairement identifiable favorise le transfert de ses propres responsabilités vers elle (je rappelle que, par essence, une autorité est forcément légitime, et n'est donc pas contestable, en soi). Pour prendre un exemple que tout le monde doit connaître, l'expérience de Milgram a bien démontré ce principe (La soumission à l'autorité : un point de vue expérimental). La présence d'une autorité (le scientifique) permettait aux sujets de se dédouaner de la responsabilité de leurs actes, parce que l'autorité le leur demandait. La présence d'une autorité a pour conséquence de redéfinir le contexte social en augmentant le seuil de tolérance face aux réalisation demandées. Plus une autorité semble légitime, plus ce seuil de tolérance sera élevé. Au final, la présence d'une autorité clairement définie :
-diminue le sens des responsabilités
-dévalorise les actions allant clairement contre cette autorité
-favorise l'obéissance aveugle, même contre ses propres principes moraux

Cette expérience fait écho avec son temps. Elle se déroule peut après la Seconde Guerre Mondiale, et en même temps que le procès Eichmann. On sait que lors du procès de Nuremberg, en 1945, le principal axe des fonctionnaires nazis jugés était : "je n'ai fait qu'appliquer les ordres". Eichmann n'a fait que répéter cette défense. Arendt en tirera le principe de la "banalité du mal" (Eichmann à Jérusalem). Dans le même domaine, on peut citer le 101ème bataillon de réserve de l'armée allemande, qui fut à l'origine de monstrueux massacres, alors que rien ne prédisposait ces hommes à les réaliser (une partie était même anti-nazi) (Des hommes ordinaires, le 101ème bataillon de réserve de Christopher Browning).

L'autorité nous place dans un contexte social spécial : on passe de l'état autonome (capable de se fixer ses propres règles) à l'état agentique (qui fait de nous des rouages d'une volonté extérieure à la notre, mais acceptée comme légitime et donc non contestable). La soumission à l'autorité et l'obéissance prennent leurs sources dans ce cadre. Ce n'est donc pas une question de fermeture d'esprit (et ce jugement est à l'emporte-pièce), mais de dispositions sociales et psychologiques.

L'obéissance n'est pas un mal en soi. Elle permet la survie d'un groupe social car elle implique la reconnaissance implicite qu'il existe des règles nécessaires à la vie en société. La question est ensuite celle de l'obéissance aveugle, qui va contre sa conscience : là, la situation est potentiellement dangereuse et explosive.

L'autorité légitime suppose que les acteurs s'y conforment. Et les acteurs souffrent de ne pas s'y conformer, justement. Tout autant qu'ils peuvent souffrir de situations potentiellement conflictuelles entre leur conscience et ce qui leur est demandé de faire. Il est très dur de se défaire de l'emprise de l'autorité, quoi qu'on en dise et pense.
OFF-Topic :
Je ne réponds pas directement à la question d'Okami, et ma réponse prend appui sur des exemples extrêmes. Mais je les pense intéressants. J'essaye donc juste de donner un cadre de réflexion général, de "méta-réflexion" pour ceux que ça intéresse. Désolé pour le pavé :euh:
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