On s'est mal compris. Je ne réfute pas le critère de "la" subjectivité, je pointe du doigt le critère de "cette" subjectivité qui rend entendables (et, en l'espèce, justiciables) et donc légitimes dans le système actuel de valeurs toutes les plaintes et autres atermoiements des individus parce qu'émanant d'eux. Je pense que "cette" subjectivité affecte de prendre un positionnement neutre vis-à-vis d'elles, se plaçant ainsi en apparence dans une attitude objective ("Après, une fois que tout le monde a exprimé son sentiment personnel là-dessus, on peut voir ce qu'on fait et jusqu'où on va pour éviter aux gens un maximum de désagrément") alors, qu'en fait, elle est, à mon sens, profondément influencée par un système de valeurs et de représentations (qui forme un prisme de subjectivisation entre le réel et soi, influençant ainsi son comportement) qui n'a rien d'objectif. D'après moi, ce système de valeurs, assez récent, s'incarne en la sacralisation de l'individu, de ce qu'il est, de ce qu'il fait et de ce qu'il ressent. Et je pense voir dans cette histoire avec Tintin au Congo quelque chose dans ce goût là.Harmodius a écrit :Si tu réfutes le critère de la subjectivité (symptôme selon toi d'une société sur-atomisée) et que tu réfutes en même temps le critère de la discussion objective, rationnelle et universelle, qu'est-ce qui te reste ?
Après, je ne sais pas si l'on entend tous les deux la même chose quand j'emploie le terme de "subjectivité" (ce qui poserait souci pour la compréhension de ce qui a été écrit plus haut, voire pour la suite de la discussion). Par contre, je sais que je m'avance beaucoup en écrivant tout cela, que je n'ai rien démontré et que c'est beaucoup dans l'imprécation. Mais EA supporte mal les posts à thèse, et je ne suis pas en capacité de le faire actuellement.
Et pour répondre rapidement à Norma :
J'ai très bien compris en quoi ce Tintin est raciste. Juste pour souligner, Hergé avait déjà modifié ses planches, pour atténuer l'impérialisme qui imprégnait ses pages :tout comme on peut pas essayer de comprendre et juger les points de vue d'il y a un siècle en appliquant une grille de valeurs actuelle, on ne peut pas comprendre et juger des réactions venant des groupes opprimés si on ne se sépare pas de sa culture de dominant

Cela dit, la vraie question n'est pas de savoir pourquoi on peut se sentir gêné face à ce genre de BD. Ce n'est pas ça que je critique : chacun ressent ce dont il a envie et pense ce qu'il entend. Ce qui me gêne est que ça passe en justice, c'est-à-dire qu'il soit tenté d'interdire pour tous, au nom d'un ressenti personnel (parce que pour le moment, je ne sais pas dans quel mesure cette action est appuyée et approuvée par d'autres "dominés"). Par exemple :


Selon Bienvenu Mbutu Mondondo : "On voit bien dans cet exemple que ce n’est pas la scie, c’est le noir qui est en cause" (http://www.actuabd.com/Bienvenu-Mbutu-M ... st-raciste). Et bien, dans ma tête de gosse qui lisait un BD (et qui préférait Astérix à Tintin), qui n'a jamais entendu parlé du racisme à cette époque, qui ne comprend pas même le concept de "racisme", c'était bien la scie qui est en cause, et pas le fait que le mec soit noir. Donc, rien n'est évident, et on "ne voit rien bien". Dès lors, je me demande dans quelle mesure le fait de faire partie d'un groupe "dominé" ou de "dominant" n'influence pas ses représentations et ne favorise pas l'émergence de lectures spécifiques qui font apparaître des signes de domination ou de remise en cause de son pouvoir chez les catégories qui se définissent comme telles (c'est-à-dire que ces catégories deviennent performatives).