Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Débats Gay et Lesbien
Kefka
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Re: Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Message par Kefka »

Harmodius a écrit :Si tu réfutes le critère de la subjectivité (symptôme selon toi d'une société sur-atomisée) et que tu réfutes en même temps le critère de la discussion objective, rationnelle et universelle, qu'est-ce qui te reste ?
On s'est mal compris. Je ne réfute pas le critère de "la" subjectivité, je pointe du doigt le critère de "cette" subjectivité qui rend entendables (et, en l'espèce, justiciables) et donc légitimes dans le système actuel de valeurs toutes les plaintes et autres atermoiements des individus parce qu'émanant d'eux. Je pense que "cette" subjectivité affecte de prendre un positionnement neutre vis-à-vis d'elles, se plaçant ainsi en apparence dans une attitude objective ("Après, une fois que tout le monde a exprimé son sentiment personnel là-dessus, on peut voir ce qu'on fait et jusqu'où on va pour éviter aux gens un maximum de désagrément") alors, qu'en fait, elle est, à mon sens, profondément influencée par un système de valeurs et de représentations (qui forme un prisme de subjectivisation entre le réel et soi, influençant ainsi son comportement) qui n'a rien d'objectif. D'après moi, ce système de valeurs, assez récent, s'incarne en la sacralisation de l'individu, de ce qu'il est, de ce qu'il fait et de ce qu'il ressent. Et je pense voir dans cette histoire avec Tintin au Congo quelque chose dans ce goût là.

Après, je ne sais pas si l'on entend tous les deux la même chose quand j'emploie le terme de "subjectivité" (ce qui poserait souci pour la compréhension de ce qui a été écrit plus haut, voire pour la suite de la discussion). Par contre, je sais que je m'avance beaucoup en écrivant tout cela, que je n'ai rien démontré et que c'est beaucoup dans l'imprécation. Mais EA supporte mal les posts à thèse, et je ne suis pas en capacité de le faire actuellement.

Et pour répondre rapidement à Norma :
tout comme on peut pas essayer de comprendre et juger les points de vue d'il y a un siècle en appliquant une grille de valeurs actuelle, on ne peut pas comprendre et juger des réactions venant des groupes opprimés si on ne se sépare pas de sa culture de dominant
J'ai très bien compris en quoi ce Tintin est raciste. Juste pour souligner, Hergé avait déjà modifié ses planches, pour atténuer l'impérialisme qui imprégnait ses pages :

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Cela dit, la vraie question n'est pas de savoir pourquoi on peut se sentir gêné face à ce genre de BD. Ce n'est pas ça que je critique : chacun ressent ce dont il a envie et pense ce qu'il entend. Ce qui me gêne est que ça passe en justice, c'est-à-dire qu'il soit tenté d'interdire pour tous, au nom d'un ressenti personnel (parce que pour le moment, je ne sais pas dans quel mesure cette action est appuyée et approuvée par d'autres "dominés"). Par exemple :

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Selon Bienvenu Mbutu Mondondo : "On voit bien dans cet exemple que ce n’est pas la scie, c’est le noir qui est en cause" (http://www.actuabd.com/Bienvenu-Mbutu-M ... st-raciste). Et bien, dans ma tête de gosse qui lisait un BD (et qui préférait Astérix à Tintin), qui n'a jamais entendu parlé du racisme à cette époque, qui ne comprend pas même le concept de "racisme", c'était bien la scie qui est en cause, et pas le fait que le mec soit noir. Donc, rien n'est évident, et on "ne voit rien bien". Dès lors, je me demande dans quelle mesure le fait de faire partie d'un groupe "dominé" ou de "dominant" n'influence pas ses représentations et ne favorise pas l'émergence de lectures spécifiques qui font apparaître des signes de domination ou de remise en cause de son pouvoir chez les catégories qui se définissent comme telles (c'est-à-dire que ces catégories deviennent performatives).
Harmodius
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Re: Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Message par Harmodius »

On s'est mal compris. Je ne réfute pas le critère de "la" subjectivité, je pointe du doigt le critère de "cette" subjectivité qui rend entendables (et, en l'espèce, justiciables) et donc légitimes dans le système actuel de valeurs toutes les plaintes et autres atermoiements des individus parce qu'émanant d'eux. Je pense que "cette" subjectivité affecte de prendre un positionnement neutre vis-à-vis d'elles, se plaçant ainsi en apparence dans une attitude objective ("Après, une fois que tout le monde a exprimé son sentiment personnel là-dessus, on peut voir ce qu'on fait et jusqu'où on va pour éviter aux gens un maximum de désagrément") alors, qu'en fait, elle est, à mon sens, profondément influencée par un système de valeurs et de représentations (qui forme un prisme de subjectivisation entre le réel et soi, influençant ainsi son comportement) qui n'a rien d'objectif. D'après moi, ce système de valeurs, assez récent, s'incarne en la sacralisation de l'individu, de ce qu'il est, de ce qu'il fait et de ce qu'il ressent. Et je pense voir dans cette histoire avec Tintin au Congo quelque chose dans ce goût là.
Bon, soit, alors.
Dès lors, je me demande dans quelle mesure le fait de faire partie d'un groupe "dominé" ou de "dominant" n'influence pas ses représentations et ne favorise pas l'émergence de lectures spécifiques qui font émerger des signes de domination ou de remise en cause de son pouvoir chez les catégories qui se définissent comme telles (c'est-à-dire que ces catégories deviennent performatives).
Cela me paraît même évident.
Sur l'exemple précis de la scie : c'est possible que le fait que le personnage inquiétant soit un Noir et le personnage rassurant un Blanc soit interprétable. Après bon, clairement, dans une lecture naïve, non critique, je pense que c'est un contresens de penser que Milou s'enfuit à cause du Noir plus qu'à cause de la scie. Mais dans une lecture qui assume d'être interprétative, ça peut se défendre.
(Mais tel que l'énonce M. Mbutu, c'est quand même, à mon avis, un contresens).
Dernière modification par Harmodius le mar. oct. 04, 2011 3:07 pm, modifié 1 fois.
Norma
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Re: Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Message par Norma »

Kefka a écrit : Dès lors, je me demande dans quelle mesure le fait de faire partie d'un groupe "dominé" ou de "dominant" n'influence pas ses représentations et ne favorise pas l'émergence de lectures spécifiques qui font émerger des signes de domination ou de remise en cause de son pouvoir chez les catégories qui se définissent comme telles (c'est-à-dire que ces catégories deviennent performatives).
Bien sur que les catégories sont performatives, comme les "non catégorie" - le "non racisé qui serait "neutre" - sont elles aussi performatives !

Mais ce n'est pas la question, aurais je tendance à dire :)
Ce n'est pas ça que je critique : chacun ressent ce dont il a envie et pense ce qu'il entend. Ce qui me gêne est que ça passe en justice, c'est-à-dire qu'il soit tenté d'interdire pour tous, au nom d'un ressenti personnel
Le "pour tous" ne se discute même pas puisqu'on va pas faire deux poids deux mesures, genre l'interdire à ceux que ça pourrait offenser et le laisser aux autre. ce serait pas égalitaire.

Ensuite, la censure existe et n'a JAMAIS était abolie. Il n'y rien d'exceptionnel dans le fait de vouloir user de cet outils. La diffusion de textes incitant à la haine est par exemple prohibée en France. Les maires ont le pouvoir d'interdire de diffuser ou de performer dans leur commune des oeuvres qui seraient contraire à leur vision subjective de l'ordre publique !On l'oublie trop souvent ;)

Ensuite ce n'est pas un ressenti personnel, mais un ressenti de catégorie. c'est pas vraiment la même chose. C'est pas untel en tant qu'individu, mais untel en tant qu'ancien colonisé. Y'a une nuance, que je ne saurais pas comment mettre en mots, mais que je ressens fortement.

Pour finir, le problème à mon sens dans ton post (enfin problème est un bien grand mot : disons ce qui suscite ma reserve par rapport à ce que tu dis) est que cela semble occulter que la justice est toujours interprétative. Même si la démarche était de l'ordre du ressenti personnel et pas de la question de "comment par sa production culturel une société choisi de se représenter, elle, son histoire, sa culture, ses membres", ca n'invaliderait pas son passage en justice.

Exemple, la jurisprudence de l'homme qui a refusé de coucher avec sa femme (avec qui il avait eu deux enfants) depuis 30 ans parce qu'il n'en avait pas envie, et un juge a établit sous la plainte de la femme à divorce à ses tords sous pretexte de "devoir conjugal", alors que le texte de loi restait très vague sur que signifiait exactement le devoir conjugal (consommer le mariage ? consommer le mariage "régulièrement" ? consommer le mariage dès que l'un des époux le veut ? mais dans ce cas quid du viole entre époux ?)

Comment le relier à mon argument ? dans mon vaseux état je ne trouve pas les mots, mais j'espère que tu sens l'idée qui est derrière !
Kefka
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Re: Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Message par Kefka »

OFF-Topic :
[quote="Norma"]Ensuite, la censure existe et n'a JAMAIS était abolie. Il n'y rien d'exceptionnel dans le fait de vouloir user de cet outils. La diffusion de textes incitant à la haine est par exemple prohibée en France. Les maires ont le pouvoir d'interdire de diffuser ou de performer dans leur commune des oeuvres qui seraient contraire à leur vision subjective de l'ordre publique !On l'oublie trop souvent ;)[/quote]

Non, ça, je ne l'oublie pas : double influence de la formation académique et de mauvais souvenirs d'études de cas :euh:
Sinon, je sens l'idée derrière ton argument, et la subtilité du "ressenti de catégorie", mais pour le moment, je n'arrive pas à ordonner mes arguments. Peut-être plus tard ...
Norma
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Re: Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Message par Norma »

OFF-Topic :
[quote="Kefka"][quote="Norma"]Ensuite, la censure existe et n'a JAMAIS était abolie. Il n'y rien d'exceptionnel dans le fait de vouloir user de cet outils. La diffusion de textes incitant à la haine est par exemple prohibée en France. Les maires ont le pouvoir d'interdire de diffuser ou de performer dans leur commune des oeuvres qui seraient contraire à leur vision subjective de l'ordre publique !On l'oublie trop souvent ;)[/quote]

Non, ça, je ne l'oublie pas : double influence de la formation académique et de mauvais souvenirs d'études de cas :euh:
[/quote]

Tiens, d'ailleurs, question subsidiaire et totalement hors sujet, mais que je me pose sans avoir la réponse :

Laisser les instruments de censures aux groupements de "familles" et autres assoc catholiques, comme c'est actuellement le cas, pour qu'elle soit un instrument conservateur, ou faire en sorte que les progressistes se la réapproprient, pour changer le paysage ?
je ne sais pas trop, mais bon, ça mérite de se poser un jour quelque part comme interrogation, je crois.
Régal Délice

Re: Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Message par Régal Délice »

Norma a écrit :
Ce n'est pas ça que je critique : chacun ressent ce dont il a envie et pense ce qu'il entend. Ce qui me gêne est que ça passe en justice, c'est-à-dire qu'il soit tenté d'interdire pour tous, au nom d'un ressenti personnel
Le "pour tous" ne se discute même pas puisqu'on va pas faire deux poids deux mesures, genre l'interdire à ceux que ça pourrait offenser et le laisser aux autre. ce serait pas égalitaire.
Mais ça ouvrirait une boîte de Pandore : après il faudra interdire "Astérix et Obélix" (plein de stéréotypes sur toutes les nations du monde, stigmatisation des gros, incitation à la chasse au sanglier, incitation à la violence), puis "les Schtroumpfs" (sexiste, fascisant, antidémocratique, potentiellement antisémite), puis les livres de Pierre Gripari (sympathies pour Action Française), puis la Bible (sexiste, incitation au meurtre, antidémocratique, génocidaire, stigmatisation du culte de Baal), puis Platon (sexiste, fascisant, antidémocratique, esclavagiste, corrompt la jeunesse) ; j'exagère, mais enfin, pourquoi pas ? Si on accède à cette requête concernant Tintin, pourquoi ne pas le faire quand un autre monsieur Machin viendra en disant que sa communauté est offensée par le contenu de ceci ou de cela ? C'est pour ça qu'il faut envoyer bouler cette demande de censure. Quand on n'aime pas une oeuvre, on ne l'achète pas, et c'est tout ; au pire on écrit à l'éditeur en lui disant "votre truc, là, c'est vraiment de la merde, je n'achèterai plus le Journal de Tintin" ; mais l'interdire, non.
Norma a écrit :Ensuite, la censure existe et n'a JAMAIS était abolie. Il n'y rien d'exceptionnel dans le fait de vouloir user de cet outils.
Si, c'est exceptionnel dans un état de droit, et ça doit le rester. Ca existe, mais le moins on s'en sert, le mieux la liberté se porte. En France, la commission instituée par les lois de 1947 sur le contrôle des publications destinées à la jeunesse a toujours eu l'intelligence de ne recourir à l'interdiction que pour des cas vraiment extrêmes - bien que ses directives, aujourd'hui complètement désuètes, aient fortement orienté la production de BD (et fait le succès de l'école franco-belge, bien plus prude que la BD italienne et américaine).

Je souhaite ajouter que dire que l'argument à propos de Milou et du charpentier, c'est vraiment de la mauvaise foi : c'est évident qu'il a peur de la scie ! et c'est un passage très drôle.
Harmodius
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Re: Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Message par Harmodius »

De Luxe a écrit :
Norma a écrit :
Ce n'est pas ça que je critique : chacun ressent ce dont il a envie et pense ce qu'il entend. Ce qui me gêne est que ça passe en justice, c'est-à-dire qu'il soit tenté d'interdire pour tous, au nom d'un ressenti personnel
Le "pour tous" ne se discute même pas puisqu'on va pas faire deux poids deux mesures, genre l'interdire à ceux que ça pourrait offenser et le laisser aux autre. ce serait pas égalitaire.
Mais ça ouvrirait une boîte de Pandore : après il faudra interdire "Astérix et Obélix" (plein de stéréotypes sur toutes les nations du monde, stigmatisation des gros, incitation à la chasse au sanglier, incitation à la violence), puis "les Schtroumpfs" (sexiste, fascisant, antidémocratique, potentiellement antisémite), puis les livres de Pierre Gripari (sympathies pour Action Française), puis la Bible (sexiste, incitation au meurtre, antidémocratique, génocidaire, stigmatisation du culte de Baal), puis Platon (sexiste, fascisant, antidémocratique, esclavagiste, corrompt la jeunesse) ; j'exagère, mais enfin, pourquoi pas ? Si on accède à cette requête concernant Tintin, pourquoi ne pas le faire quand un autre monsieur Machin viendra en disant que sa communauté est offensée par le contenu de ceci ou de cela ? C'est pour ça qu'il faut envoyer bouler cette demande de censure.
D'abord personne ici ne défend l'interdiction de Tintin au Congo. Ensuite, l'argument de la "boîte de Pandore" n'en est vraiment pas un ; il suppose que si on interdisait un album de Tintin il y aurait une réaction en chaînes, comme si une machine (mais laquelle ? commandée et construite par qui ?...) s'emballerait, comme si une censure ouvrait la porte à toutes les autres. C'est évidemment faux : il y a déjà des livres censurés (par exemple les pamphlets antisémites de Céline), on peut l'approuver ou le regretter, mais il faut bien admettre que cette mesure précise d'interdiction n'a pas asséché la vie intellectuelle française et qu'il existe encore des librairies. Donc ce discours catastrophiste ne me paraît pas du tout convaincant.
Surtout, il est extrêmement formaliste : la censure c'est la censure et toutes les censures se valent, et si on censure A alors on ne peut pas ne pas censurer B... Sauf qu'on ne censure jamais rien "comme ça", "pour le plaisir" : quand il y a censure c'est qu'il y a des raisons pour ça, et s'il y a des raisons pour censurer une oeuvre A il n'y a pas forcément les mêmes raisons pour censurer B. Donc oui, moi aussi je pense et j'espère que le tribunal belge n'accédera pas à la demande de M. Mondondo, mais je ne crois pas que ton argument soit bon.
Norma
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Re: Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Message par Norma »

De Luxe a écrit :
Norma a écrit :Ensuite, la censure existe et n'a JAMAIS était abolie. Il n'y rien d'exceptionnel dans le fait de vouloir user de cet outils.
Si, c'est exceptionnel dans un état de droit, et ça doit le rester. Ca existe, mais le moins on s'en sert, le mieux la liberté se porte. En France, la commission instituée par les lois de 1947 sur le contrôle des publications destinées à la jeunesse a toujours eu l'intelligence de ne recourir à l'interdiction que pour des cas vraiment extrêmes - bien que ses directives, aujourd'hui complètement désuètes, aient fortement orienté la production de BD (et fait le succès de l'école franco-belge, bien plus prude que la BD italienne et américaine).
Pour le premier argument de deluxe, je me range à la réponse qu'y a faite harmodius, je n'y reviendrais donc pas.

Pour le second (celui que j'ai cité), je ne suis pas d'accord avec le fait que tu dise que c'est "exceptionnel" en droit français.
Mais je pense que c'est du à un désaccord sur le sens du mot censure, que tu semble restreindre à la pure interdiction.
Il y'a de nombreuses formes de censures, qui n'en sont pas moins des censures. Et même pas par analogie ou gymnastique intellectuelle mais par pure définition.

Exemple, la censure des films à caractère pornographique ET/OU violent (exemple : baise moi) par restriction du public pouvant y acceder.
C'est à dire interdiction moins de 18 ans. Corrolaire : interdiction d'exploiter en salle sans une licence spécifique (fait : aucune salle en France ne possède plus la dite licence car elle implique un poids fiscale plus important). Corrolaire : pas de remontée de recette donc aséchement de la trésorie donc difficultées à la diffusion par d'autre médiums.
Corrolaire 2 : annulation des aides (CNC et collectivités territoriales) que le film avait reçu (puisque ces aides ne s'appliquent pas aux films classés, donc l'accord devient caduque), donc nécéssité de remboursement. Dure qu'en on aura pas de recettes salle, non ?
Corrolaire : pas de diffusion télé possible (mis à part sur chaines bien particulières) donc accord de co production ou pré achat caduque, et remboursement des versement exigeable.
Bref, la ruine économique pour les producteur, et à moins d'une gigantesque trésorerie, l'impossibilité de sortir les frais permettant une diffusion off. Et je te parle même pas de la différence ecrasante de TVA.

Mon exemple est peut être mauvaise parce que tu me diras qu'il n'y a pas énormement de films qui se voient classé. Mais ça c'est parce qu'un film qui risque d'être classé, on ne le produit même pas puisque c'est un risque de faillite.
Donc, censure économique sans interdiction de l'oeuvre (puisque c'est juste de la limitation de la diffusion) entrainant une auto-censure quasi mécanique.

La censure existe et modèle le paysage culturel, que ça te plaise ou non. Démocratie ou pas démocratie. La politique influe sur le PAF. Que ce soit par les critère d'éligibilité aux aides ou par les critères de diffusion. Parce que nous sommes un pays qui aidons la culture en subventionnant à tous ses niveaux, de la création à la diffusion, forcement, il y a une influence, une orientation, du peuple sur sa production !!!

Donc, je trouve plus sain d'accepter que cette censure existe, et de faire avec (ou alors d'aller jusqu'au bout de sa pensée : exit les aides selectives, exit les petits panneaux interdit au moins de", exit les bourses de résidence pour les artistes. Soit une aide automatique à toute création sans distinction aucune, soit une absence totale d'aide. Mais faut aller jusqu'au bout de sa pensée.), plutôt que de faire l'autruche.
Régal Délice

Re: Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Message par Régal Délice »

Harmodius a écrit : C'est évidemment faux : il y a déjà des livres censurés (par exemple les pamphlets antisémites de Céline),
Non, ils ne sont pas réimprimés conformément à sa volonté et à celle de sa veuve, qui s'y oppose. La question de l'éventuelle réédition de ces livres fait débat. (Je déteste Céline). Je trouve qu'il y a une différence entre le délire haineux de Céline (injures, appels au meurtre et au génocide,...) et les stéréotypes coloniaux de Tintin, qui sont sans doute bêtes, mais sans méchanceté.
Harmodius a écrit :Sauf qu'on ne censure jamais rien "comme ça", "pour le plaisir" : quand il y a censure c'est qu'il y a des raisons pour ça, et s'il y a des raisons pour censurer une oeuvre A il n'y a pas forcément les mêmes raisons pour censurer B. Donc oui, moi aussi je pense et j'espère que le tribunal belge n'accédera pas à la demande de M. Mondondo, mais je ne crois pas que ton argument soit bon.
Je ne te convaincrai pas, mais moi j'y crois. Ce ne seront pas les mêmes raisons, mais ce serait le même processus, cela créerait un précédent qui autoriserait d'autres démarches de ce type. La preuve ? Mais, c'est parce que des pays anglo-saxons ont déjà accédé à ce genre de demandes qu'aujourd'hui la Belgique est confrontée à cette question - et tout de suite après ce sera la France. C'est une brèche, qui va s'élargir encore et encore, jusqu'à permettre aux lobbies les plus farfelus d'imposer leurs idées et de faire disparaître les objets culturels qui ne leur conviennent pas ; parce que c'est plus facile de faire interdire une oeuvre que d'en produire une.
Norma a écrit :Donc, censure économique sans interdiction de l'oeuvre (puisque c'est juste de la limitation de la diffusion) entrainant une auto-censure quasi mécanique.
Oui, c'est exactement de cette façon que fonctionne le contrôle, en France, des publications destinées à la jeunesse par la commission de la loi de 1947 dont je parlais plus haut ; mais il faut remarquer que le filtrage se fait au moment de la production, et qu'on ne revient normalement pas sur la publication d'une oeuvre qui aurait été dans un premier temps acceptée. C'est à dire : on essaie au maximum de ne pas interdire, mais on pose des directives qui orientent la production, de façon à ce que les règles du jeu soient claires dès le début pour tout le monde (tu peux faire ça, pas ça, mais si tu veux quand même le faire il faudra te débrouiller pour trouver un circuit de diffusion alternatif pas encouragé, et si ça va vraiment trop loin tu seras interdit - c'est de bonne guerre, non ?).

Ce n'est pas du tout la même démarche que de revenir chercher la petite bête dans une oeuvre classique, diffusée largement, et de vouloir la retirer des bibliothèques. Ca c'est vraiment exceptionnel dans un état de droit, et à mon avis on ne doit pas l'accepter. Car c'est une pratique totalitaire.
OFF-Topic :
Je propose l'interdiction du film Les Demoiselles de Rochefort, parce que c'est nul et parce qu'on dit Madame ! :jesors:
(désolé, j'ai pas pu résister... :huhu: :euh: :chaipas: :oops:
Dernière modification par Régal Délice le mer. oct. 05, 2011 11:57 am, modifié 1 fois.
Norma
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Re: Faut-il interdire "Tintin au Congo" ?

Message par Norma »

De Luxe a écrit :
Norma a écrit :Donc, censure économique sans interdiction de l'oeuvre (puisque c'est juste de la limitation de la diffusion) entrainant une auto-censure quasi mécanique.
Oui, c'est exactement de cette façon que fonctionne le contrôle, en France, des publications destinées à la jeunesse par la commission de la loi de 1947 dont je parlais plus haut ; mais il faut remarquer que le filtrage se fait au moment de la production, et qu'on ne revient normalement pas sur la publication d'une oeuvre qui aurait été dans un premier temps acceptée. C'est à dire : on essaie au maximum de ne pas interdire, mais on pose des directives qui orientent la production, de façon à ce que les règles du jeu soient claires dès le début pour tout le monde (tu peux faire ça, pas ça, mais si tu veux quand même le faire il faudra te débrouiller pour trouver un circuit de diffusion alternatif pas encouragé, et si ça va vraiment trop loin tu seras interdit - c'est de bonne guerre, non ?).

Ce n'est pas du tout la même démarche que de revenir chercher la petite bête dans une oeuvre classique, diffusée largement, et de vouloir la retirer des bibliothèques. Ca c'est vraiment exceptionnel dans un état de droit, et à mon avis on ne doit pas l'accepter. Car c'est une pratique totalitaire.
je ne peux parler que de ce que je connais, et en l'occurrance je reprend mon exemple de cinéma et de "baise moi" : les commissions de classification ont lieu après la production, juste avant l'exploitation. En l'occurence, le film était sortit en salle depuis quelques jours et a été retiré.
Donc non, c'est pareil que de retirer un classique.

Puis, pour revenir à l'incontournable exemple mein kamph (mais c'est juste parce que j'ai pas de culture de l'histoire de l'édition donc pas d'autre exemple en tête, pas pour faire d'amalgame, que je prend cette exemple là), bin il s'est fait retirer à posteriori, lui aussi.

enfin, la censure, je suis ni pour ni contre, bien au contraire. Un jour faudra que je prenne le temps de me faire une opinion là dessus. Il n'empêche, et là est le point que je conteste dans ce que tu dis Deluxe, que non, cette démarche n'a rien d'exeptionnel. On peut être pour ou contre, mais ce n'est pas un précédent qui va faire jurisprudence puisque des cas similaires ont déjà existé et existeront encore. la différence, c'est qui ici lance l'impulsion : c'est la seule originalité que je vois à l'affaire.
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