Skins, le film… mais pas trop
Avant même sa diffusion, cette nouvelle saison, si on peut l'appeler comme ça, posait un problème de part son casting et sa formule. Skins, on le sait, c'est avant tout les déboires plus ou moins trash d'une génération de lycéens vivant à Bristol dont chaque épisode de 45 minutes se concentrait sur un personnage en particulier. En tant que projet, l'idée consistait à suivre la vie après le lycée de chacun de nos chouchous. Et ça devait être un film. L'ennui, avec ce genre de projets, c'est d'arriver à réunir des acteurs qui entre temps sont censés avoir percé dans le métier (avec plus ou moins de succès et d'intérêt), tout en les convaincant de revenir pour une longue piste bonus dédiée aux fans plus qu'autre chose. En général, le résultat ne nous apporte rien de concret sur l'évolution des personnages, si ce n'est des vignettes de leur train-train quotidien bien ennuyeux auquel on essaye vainement d'introduire de nouveaux enjeux.
Des séries devenues des films, on en a eu, et c'était pas très glorieux.
Non, je ne suis pas convaincu que suivre une Carrie Bradshaw déprimée par son mariage avorté durant deux heures ait servi à enrichir le personnage ou sa relation avec Big. Sex & the city se suffisait amplement en tant que série, et passer de vingt minutes très fluides à cent vingt soporifiques, c'était une erreur. En six saisons, on avait fait le tour du potentiel respectif des quatre héroïnes, et chacun de leurs arcs s'était résolu de manière satisfaisante. Je suis encore moins convaincu pour Dead Like Me de la nécessité de faire comprendre à Reggie le rôle de faucheur de George et des implications fâcheuses que ce rôle pouvait entraîner. La série aurait pu (aurait dû ?) par contre avoir une troisième saison, histoire de boucler les mystères et arcs narratifs déjà en place mais malheureusement avortés en raison de l'annulation du show.
Quoi qu'il en soit, ce genre d'histoires « inventives » pullulant sur le net, on en a tous eu l'idée un jour, et à part raconter comment gérer un mariage, un bébé, le départ d'un proche, l'entrée à l'université, la découverte du monde du travail ou un déménagement en métropole, l'intérêt était très minime et ne méritait pas une quelconque concrétisation. Il y a un moment où il faut savoir dire stop sous peine d'indigestion.
Au final, du projet de film, Skins est devenu une « saison » de six épisodes, ou plutôt de trois doubles épisodes. En clair, ne soyons pas dupes, ça revient à trois films coupés en deux. Dans un sens, même si aucun personnage de la troisième génération ne semble être de la partie, je suis plutôt optimiste quant aux choix des personnages traités, parce que clairement je n'avais aucune envie de me taper Un Dos Tres à la sauce Maxxie (parce qu'il l'a déjà fait et que c'était très mauvais), ou Le diable s'habille en Prada avec Michelle en Anne Hathaway du pauvre. Dans l'autre, j'ai bien peur que cette septième saison ne soit qu'un guilty pleasure de plus, un épilogue pas forcément utile rompant avec la structure de la série et ayant pour objectif de répondre à la seule question : mais que sont-ils devenus ?
L'exercice peut avoir un intérêt pour Effy et Cook, dont la fin queue de poisson de la deuxième génération était assez frustrante, quand les trois quarts des personnages n'étaient pas survolés. Je suis plutôt sceptique quant à Cassie, même si j'apprécie le personnage : son arc bien que proposant une fin ouverte ne nécessitait pas une conclusion pompeuse où Syd retrouvait Cassie dans New York. Syd prenait son envol loin de Tony (et de Michelle), Cassie débutait enfin une vie normale dans la Big Apple, c'était surtout de ça dont il était question les concernant.
Là où je suis encore plus sceptique, c'est dans la dynamique que compte proposer cette saison. On l'a vu en deuxième génération, encore plus particulièrement en saison quatre, enfermer un personnage dans son arc narratif sans le faire côtoyer ses proches, ça devient rapidement étouffant, quand ce n'est pas laborieux. Ajouter à ça un double épisode, le guilty pleasure risque sévèrement de tourner au massacre si la storyline proposée se contente d'une piste bonus. Quant à savoir comment faire évoluer un personnage ailleurs qu'à Bristol et ses adultes irresponsables, encore faut-il voir sur le long terme si les scénaristes peuvent relever le défi du changement de lieu et donc des nouvelles interactions que cela entraîne. Toute la partie à New York en saison deux avec Cassie laisse envisager que les scénaristes sont capables de bien faire, peut-être aussi parce que la solitude est une caractéristique à laquelle on s'attend du personnage. Reste à voir comment cela fonctionne pour Effy ou Cook.
Et donc ça donne quoi, ce premier épisode ?
Effy habite à Londres en colloc avec Naomi, et travaille en tant qu'assistante dans une boîte de traders (vous savez, les gens qui gèrent le porte-feuille des autres en achetant et revendant des carottes par téléphone). Et comme Effy est loin d'être idiote, elle fait remarquer à ses patrons qu'il y a une erreur dans les statistiques du mois de juillet, et que non, ce n'était pas Loana la gagnante de Loft Story mais que c'était Jean-Edouard qui devait gagner. De fil en aiguille, et avec un coup de main d'un geek de l'informatique, Effy passe d'assistante à trader, et s'entiche de son boss. Sinon, Naomi a un cancer, et n'est pas drôle, mais c'est parce qu'elle est devenue brune.
En gros.
Déjà, je ne m'attendais pas à ce qu'on commence par Effy. Logique de génération oblige, je m'attendais à voir Cassie, puis Effy, puis Cook. Mais on va attendre de voir les autres épisodes histoire d'évaluer si ce n'était qu'une position arbitraire ou bien justifiée des scénaristes. Ensuite, je ne voyais pas Effy travailler dans une boîte de traders. En fait, je ne voyais pas dans quoi elle pouvait travailler mais ça on s'en fout un peu. Le truc qui a retenu mon attention tout du long, c'est d'essayer de voir comment le titre de l'épisode a été exploité ici.
Fire.
Comme j'ai déjà dû le dire dans un autre topic/post, Effy a été pensée de A à Z comme un personnage igné (ndr : en feu, incandescent), avec les complexes symboliques que ça entraîne (entre autre la volonté d'en savoir plus que le maître, et une tendance maladive à l'autodestruction). Toute cette première partie tente de nous démontrer qu'en plus d'enchaîner clope sur clope, Effy est capable de tout faire et de tout comprendre, mieux que ses aînés. Je ne voyais pas d'objection à appliquer ce caractère-là du personnage dans le monde du travail, d'autant plus que l'univers des traders que l'on nous montre joue bien avec les risques incessants d'énormes pertes financières ou de licenciements quotidiens en cas d'erreur, jusqu'au moment où Effy demande de l'aide à son pote geek. Qu'elle ait besoin d'une personne pour réussir ses exploits professionnels me choque un peu, quand ce n'est pas la rapidité excessive avec laquelle elle apprend les rouages de l'économie. Vous allez me dire qu'il se passe du temps entre l'Automne et l'Eté histoire de rendre la chose plus crédible, mais c'est le genre de camouflage des séries qu'on peut accepter quand on ne nous montre pas juste une scène où un mec effectue un schéma avec une craie pour faire apprendre à un autre en même pas une journée un mécanisme censé être complexe. Aussi, dans cette logique, tous les personnages gravitant autour d'Effy sont là pour asseoir sa supériorité et sa réussite. Et cette dynamique s'applique en conséquence sur Naomi qui, pour contraster avec son amie, se retrouve sans boulot, passe son temps à boire et fumer, échoue en tant que comique, et récolte un cancer.
Brrr.
Autant, que les personnages secondaires à son boulot soient construits de telle sorte qu'Effy tire son épingle du jeu, passe encore, mais de là à ce que Naomi en pâtisse jusqu'à lui faire avoir un cancer, c'est un peu trop gros. Non et puis Naomi comique, sérieusement ? Elle est passée où, la mordue de politique ? A la belle époque de la saison deux, la mère d'Effy avait une raison légitime d'être déprimée et d'errer tel un zombie dans la maison. Je veux bien croire que l'absence d'Emily y soit pour quelque chose, mais le personnage de Naomi me semble être traité à la truelle avec cette vocation et ce cancer sortis de nulle part.
J'ai trouvé ça aussi bizarre qu'à un moment donné un collaborateur d'Effy ait comme prénom Freddie et qu'elle n'ait eu aucune réaction émotionnelle.
Prochainement : tout va péter bien comme il faut, parce qu'il faut obligatoirement un mort et un truc qui parte en vrille dans chaque saison, et que le titre de ce double épisode, c'est Fire. Brr !